Après des semaines de bras de fer, le président de la République et le patron d’Ennahdha sont enfin parvenus à un consensus sur la formation d’un gouvernement. Mais l’équilibre des pouvoirs demeure précaire.
«Je le dis très clairement?: si le gouvernement ne parvient pas à obtenir la confiance du Parlement, la parole sera rendue au peuple », martèle le président de la République, Kaïs Saïed, le regard rivé sur un Rached Ghannouchi qui n’en mène pas large. Mise en ligne par les services de la présidence, cette pique, lancée le 17 février lors d’une réunion au palais de Carthage en présence du chef du gouvernement sortant, Youssef Chahed, marque l’acmé de la crise politique en Tunisie. Ou plutôt de la tension entre les deux hommes forts du régime, le chef de l’État et le président de l’Assemblée, également leader du mouvement Ennahdha.
« L’instant est historique », poursuit Saïed. Il ne croit pas si bien dire, lui qui vient de reprendre la main dans une partie engagée depuis novembre et dont l’enjeu est la composition du gouvernement. Fort de sa légitimité électorale (il a obtenu 2,8 millions de voix en octobre 2019), il prend à témoin le peuple tunisien en laissant entendre que Ghannouchi cherche à manipuler la Constitution pour faire chuter le gouvernement sortant via une motion de censure.
La scène rappelle furieusement une séquence presque similaire où Ghannouchi, le 23 décembre 2019, avait déclaré, à l’issue d’une rencontre avec les partis convoquée par Saïed lors des négociations pour la formation du gouvernement Habib Jemli, que « le temps des concertations [était] épuisé et [que] le retour au dialogue n’[était] pas possible ». Et ce pour signifier que les décisions ne se prennent pas à Carthage. Mais le bras de fer semble avoir tourné à l’avantage de Saïed puisque Elyes Fakhfakh, chargé par le président de former un gouvernement, a finalement présenté, in extremis, le 20 février, son équipe gouvernementale.
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