Italie:brescia : Ibrahima Niane E....
Jeudi 27 Octobre, 2016
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Arrivé en Italie il y a plus d’une trentaine d’années,ce natif de Rufisque par ailleurs sociologue de formation et spécialiste des questions migratoires a gravi tous les échelons politiques,syndicaux et associatifs. C’est ainsi qu’il atterrit dans le cabinet du ministre de l’intérieur italien. Le décret a été signé il y a quelques semaines par le président du conseil italien.
ENTRETIEN
(Xelmi.info) :Mr Faye vous venez tout
juste d'être nommé par décret conseiller
dans le cabinet du secrétaire d'Etat au
ministère de l'intérieur,
une bonne nouvelle pour vous et une fierté pour
les Sénégalais
d'Italie ?
(Aly Baba Faye) :Certainement! Mais permettez tout d'abord de rendre ostentatoire mon
émotion et ma fierté pour cette nomination et
rendre hommage au
secrétaire d'Etat qui m'a voulu à ses cotés dans
l'exercice de ses
fonctions. J'avoue que quand j'ai été sollicité
j'ai eu un peu
d'appréhension considérant la position que l'on
me proposait dans un
ministère assez délicat et dans un gouvernement
peu orthodoxe. Mais
j'ai accepté le défi!
(Xelmi.info) : Qu'est ce que vous voulez dire par là?
(Aly Baba Faye) :C'est assez évident! Entrer dans le cabinet d'un membre du
gouvernement signifie en quelque sorte
participer à l'action du
gouvernement. Même si, faudrait-il le souligner,
je rentre par la
porte de "service" puisqu'en réalité
je ne dispose pas de pouvoir de
décision. Mais pour moi c'est une occasion pour
que mes idées et mes
propositions puissent être sur la table et
pourquoi pas être prises
en compte par le Ministère et le gouvernement dans
son ensemble. Ce
ne sera pas facile mais le défi est bien là et
c'est d'essayer de
trouver des solutions rationnelles et durables
dans la politique
nationale en matière d'immigration. Puisque
l'histoire de
l'immigration en Italie nous dit que le problème
de fond c'est
l'émotivisme des choix politiques qui font que
les mesures sont au
gré des humeurs de l'opinion publique!
(Xelmi.info) :Mais avec votre expertise et
votre expérience en matière
d'immigration vous pouvez apporter une contribution
de qualité...
Pourquoi avez-vous des appréhensions?
(Aly Baba Faye) :Je n'ai pas peur de la tâche. Sur le plan technique, de la
conception et de l'élaboration je n'ai pas de
problème. Mes
appréhensions relèvent plutôt de doutes quand à
la possibilité
effective d'obtenir des résultats concrets en
termes de rupture et
d'innovation. Puisque nous sommes dans un
gouvernement de coalition
dans lequel il y'a de fortes divergences de vue
au sein de la majorité
en matière d'immigration et de gestion du droit
d'asile. Donc vous
pouvez bien imaginer les difficultés des
négociations politiques! En
outre, il y a aussi des difficultés liées aux
différences de
cultures entre la politique et l'administration
au ministère de
l'intérieur! Mais bon il faudra faire avec!
(Xelmi.info) : Parmi vos amis il y en a
qui disent que dans cette position votre
expérience est quelque peu sous-évaluée puisque
votre parcours et
votre expertise devraient être mieux valorisés
qu'est ce que vous
pensez de ça?
(Aly Baba Faye) :Vous savez la nomination dans un gouvernement ne passe pas par une
élection ou un concours, c'est le fruit de choix
politiques. En fait
mon parcours a été édifiant mais il faut le
dire, je n'avais pas
gagné un concours quand en 1990 j'ai été appelé
à inventer la
politique syndicale en matière de gestion de
l'immigration. Á
l'époque en tant que secrétaire général de la
Coordination des
Associations Sénégalaises en Italie et activiste
du Mouvement
antiraciste, la CGIL n'avait copté pour occuper
le poste de
coordinateur du département national pour
l'intégration des
travailleurs immigrés. Il s'agissait d'une
nomination et alors
d'autres auraient pu être choisis.
Successivement le Parti de la
Gauche Démocratique m'avait appelé en 2002 pour
définir leur
politique d'immigration, la participation des
immigrés et la promotion
de cadres politiques d'origine étrangère.
Aujourd'hui dans le
mouvement syndical et dans les partis politiques
il y a beaucoup de
cadres de haut niveau ce qui fait ma fierté.
Avoir des personnes
d'origine étrangère au Parlement et dans le
Gouvernement est devenu
un fait normal mais jusqu'ici je n'ai jamais
bénéficié des
changements que j'avais provoqués c'est peut
être à cela que mes
amis font allusion.
(Xelmi.info) :Justement il y a l'exemple
de Cécile Kyenge ministre de
l'intégration?
(Aly Baba Faye) :Enfin, le fait d'avoir une personne issue de l'immigration comme
ministre s'est réalisé. Moi en 2006 je devais
rentrer dans le
Gouvernement de Romano Prodi mais pour des
questions de distribution
de postes, l'opération au dernier moment ne
s'est pas concrétisée.
Maintenant ça s'est bien passé pour Cécile qui
est une sœur que
j'estime beaucoup. Elle faisait partie du collectif
des immigrés que
j'avais constitué au sein du parti de la Gauche
Démocratique. Tout
comme Khalid Chaouki qui est devenu député du
Parti Démocratique.
(Xelmi.info) :Au-delà des propos racistes
à son égard, Cécile Kyenge est
très critiquée on dit d'elle qu'elle est un
symbole mais qu'elle est
peu efficace, qu'est ce que vous en pensez?
(Aly Baba Faye) :Ecoutez il ne m'appartient pas à moi de faire son bilan. Puisque je
ne dispose pas d'informations sur son œuvre. Ce
que je peux dire
c'est que certaines critiques sont peut être
prématurées. Il faut
lui laisser le temps de travailler et puis on
verra ce qu'aura produit
son expérience au gouvernement.
(Xelmi.info) : Mais votre nomination pourrait être aussi utile pour elle ?
(Aly Baba Faye) :Moi je suis conseiller de cabinet du secrétaire d'Etat au
ministère de l'Intérieur. Nous avons des
compétences spécifiques en
matière d'immigration. Et puis ce n'est pas le
secrétaire d'Etat qui
a le plein pouvoir dans la prise de décision mais le Ministre de l'Intérieur lui-
même. Nous mettons des idées sur la table et
essayons de les
faire adopter.
(Xelmi.info) : Quelles sont vos priorités selon les attributions que vous avez?
(Aly Baba Faye) :La réforme du système des centres pour migrants. Mais sur toutes
les questions qui nous regardent nous avons une
Road Map, un Agenda et
une stratégie. En somme notre thème est celui
rendre compatible les
exigences de sécurité nationale avec le respect
des droits
fondamentaux des personnes et de la dignité
humaine. Notre volonté
c'est de dépasser le sectarisme qui jusqu'ici a prévalu dans
l'approche à l'immigration. Il est évident que
la législation en
vigueur la loi "Bossi-Fini" devrait
être abrogée par le Parlement.
C'est notre souhait mais le Ministère de
l'Intérieur qui provient du
Centre-Droite ne le pense comme nous. Il y aura
une confrontation et
puis nous verrons! Mais entre-temps nous pouvons
intervenir avec des
dispositions réglementaires pour améliorer la
gestion des flux
migratoires et pour faciliter les procédures
pour la reconnaissance du
droit d'asile et l'amélioration du système de
protection et des
structures d'accueil. Il y a aussi à faire des
accords de coopération
avec les pays d'origine des migrants en matière
de monitoring des
flux, de réalisation de programmes d'assistance
pour le retour
volontaire et la réinsertion pour les immigrés
qui le souhaitent. En
outre nous pensons contextuellement à la liberté
des cultes de
relancer le dialogue interreligieux, la mise en
chantier des travaux
pour arriver à une entente entre l'Etat italien
et la communauté
islamique d'Italie sur le sillage du Concordat
avec le Vatican etc.
Il y a beaucoup á faire et nous sommes
déterminés pour obtenir des
résultats!
(Xelmi.info) : Vous êtes optimiste?
(Aly Baba Faye) : Tout dépendra du temps que nous auront à disposition. Vous le
savez bien en Italie la problématique de la
stabilité des
gouvernements est une donne politique depuis
toujours. Mais nous nous
approchons à la tâche comme si le gouvernement
devrait durer toute la
législature. Et en tout état de cause il y a le
prochain semestre de
présidence italienne de l'Union Européenne qui
devrait être
l'occasion pour tenter une approche européenne
beaucoup plus poussée
des politiques de l'immigration. Donc voilà nous
verrons bien ce que
nous pourrions faire.
(Xelmi.info) : En conclusion de cet
entretien quelques mots sur les sénégalais
d'Italie. Qu'est ce que vous pouvez faire dans
votre position actuelle?
(Aly Baba Faye) :aujourd’hui la diaspora sénégalaise en Italie est frappée de
plein fouet par la crise. Le taux de chômage est
très élevé, les
marchands ambulants trouvent d'énormes
difficultés dans leurs
activités et dans les prisons italiennes il y a
trop de sénégalais.
Ce dernier phénomène malheureusement ne semble
pas intéresser nos
dirigeants. Je suis content d'entendre le
Président MackySall parler
de diplomatie économique mais peut être
aurait-il dû penser à une
diplomatie de développement et la nuance est de
taille. Puisque ce
concept intègre non seulement une stratégie de
promotion de la
Destination Sénégal que ce soit en terme
d'attraction d'investissements
directs étrangers et de flux touristiques que de
gestion innovante du
dossier consulaire en commençant la protection
de nos compatriotes et
la défense de leurs intérêts matériels et moraux
pour utiliser une
vieille formule. Malheureusement nos
compatriotes sont abandonnés à
leurs destins. Et c'est bien dommage. En outre
la diaspora n'est pas
valorisée par l'Etat sénégalais et c'est un
véritable gâchis
puisque les sénégalais de l'extérieur sont un
capital humain qui
pourrait être utilisé d'une manière plus
efficace aux fins du
développement économique et social. Il y a des
cadres de haut niveau
dont l'expérience et l'expertise sont certifiées
et qui ne font pas
de la spéculation politique. Il faut les
impliquer dans la
construction des conditions de l'émergence du
pays. Mais on continue
de nous parler de renouvellement de passeports,
de traductions des
permis de conduire ou d'augmentation d'âge des
véhicules
d'importation qui d'ailleurs aurait du sens si
cette dernière mesure
impactait sur le renouvellement du parc automobile
sénégalais ce qui
n'est le cas. Les sénégalais de la diaspora sont
des agents de
développement mais ils devraient devenir des
acteurs du
développement. Pour cela il faudrait définir une
vraie stratégie
nationale que nous n'avons pas! En tout état de
cause il est urgent
d'affronter la question des détenus sénégalais
en Italie. Souvent on
disait du Sénégal que est une petite
"grande puissance" pour sa force
diplomatique alors nos autorités doivent trouver
une solution. En
conclusion je veux dire que les émigrés peuvent
jouer un rôle
décisif pour le développement du Sénégal. A
titre d'exemple et je
citerai les données d'une étude que j'avais
faite et qui nous
révèle que dans les 20 dernières années 98% des
missions
économiques de l'Italie vers le Sénégal passait
au travers de
connaissances personnelles sans transiter par
nos instances
diplomatiques. De ces missions seulement 5%
étaient finalisées avec
la création de start-up. Mais le drame c'est que
parmi ces
sociétés qui naissent la moitié disparait avant
de se stabiliser. Et
celles qui ont survécu font des activités
d'importation et rares sont
les exemples d'investissements dans des filières
de production pouvant
élargir notre base productive et créer
suffisamment d'emplois et pour
atteindre l'objectif stratégique de substitution
des importations
comme gage de notre indépendance économique.
Donc voilà il y a
encore beaucoup à faire pour valoriser la
diaspora.
Propos recueilli par Malicksakho
et Abdou Ndao xelmi.info (Italie)
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