Gagner la bataille du développement pour le Sénégal.

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Gagner la bataille du développement pour le Sénégal.

 

            Récemment, je lisais un article de la revue ForeignPolicy[i] qui évoquait le boom économique présent de l’Afrique. Après avoir fini la lecture de l’article, Je parcourrais les commentaires quand je tombai sur un, fort perspicace qui disait en substance : « L’Afrique est un ensemble de pays et non un unique comme le laisse supposer la lecture de l’article. Certains décollent, d’autres stagnent. » Le Sénégal ne figure pas dans la liste de ceux[ii] qui décollent  tels la Tanzanie, l’Éthiopie, le Ghana.

 

            Depuis  son indépendance, le Sénégal a vécu globalement stable. La stabilité étant une condition nécessaire du développement économique, comment s’explique-t-il que le Sénégal ait reculé depuis 1960?

 

Pour illustrer cette stagnation – reculade quand les autres avancent -, comparons le Sénégal avec la Côte d’Ivoire pour l’histoire récente et avec l’Asie pour l’histoire plus lointaine.

 

Entre le coup d’État de Robert Guei en 1999 et l’élection d’Alassane Ouattara en 2010, La Côte d’Ivoire vécut dans une forte instabilité, tandis que le Sénégal renforçait sa stabilité et consolidait sa démocratie. Cela ne l’empêcha pas de demeurer la première économie de l’UEMOA. Redevenue stable, elle creuse  l’écart avec le Sénégal - taux de croissance de 9.8% en 2012 contre 3.5% pour le Sénégal.

 

            En 1960, lors de son indépendance, le Sénégal, toujours sous-développé, se trouvait presque dans la même situation que l’Asie du Sud-Est aujourd’hui développée. Surpeuplée, sous-alimentée, l’Asie inquiétait davantage que l’Afrique : en illustre le livre publié en 1968 par le futur prix Nobel d’économie 1974, Gunnar Myrdal intitulé Le drame asiatique. Enquête sur la pauvreté des nations.

 

En 2013, cette époque semble lointaine, l’Asie ayant déjoué les pronostics, en atteste les aides au développement que plusieurs de ses États offrent à leurs homologues africains. Il y a quelques jours, je marchais dans les rues de Dakar quand je vis une ambulance offerte au Sénégal par la coopération thaïlandaise. Rêvai-je alors du jour où le Sénégal offrira des ambulances à d’autres pays plutôt que d’en recevoir.

 

Cela arrivera quand le Sénégal changera certaines politiques qui l’ont desservi depuis les indépendances et quand la population changera de paradigme et en adoptera un autre propice au développement. J’en ai identifié trois principaux.

 

            D’abord, La responsabilité personnelle et la prise en charge de son destin. Il est fréquent chez les sénégalais d’accuser l’État d’être responsable de sa situation. L’État sénégalais n’est pas riche; son budget de 2400 milliards sur lequel il doit payer les fonctionnaires, le service de la dette, réaliser des investissements lui laisse peu de marge. Mais il peut, comme l’écrit Guy Sorman dans son livre Le bonheur français : « susciter un climat, des circonstances, des institutions favorables au passage à l’acte des entrepreneurs virtuels. » (Page 78) Et c’est sur cette tâche qu’il doit se concentrer.

 

Ensuite, « Les hommes qu’il faut à la place qu’il faut ». Le Sénégal connait souvent des remaniements ministériels. Dans le système japonais, le ministre peut-être politique ou pas mais pour assurer la continuité de l’État, les techniciens qui détiennent la réalité du pouvoir ministériel sont apolitiques, cela pour éviter à l’État japonais les dysfonctionnements d’après remaniement ou alternance. Le Sénégal ne gagnerait-il pas à l’adopter, vu son instabilité gouvernementale et en prévision des futures alternances normales dans une démocratie? Au-delà des ministères, la compétence doit toujours primer sur le népotisme; une personne qui ne mérite pas le poste qu’il occupe dans une entité entrave son fonctionnement. Quand c’est généralisé comme au Sénégal, c’est le fonctionnement de tout le pays qui est entravé.

 

Enfin, et le plus important, la croyance par les politiques et population sénégalaises que notre pays peut et doit atteindre le sommet des États. Le montant par tête - 79 dollars - d’aides au développement[iii] que le Sénégal reçoit chaque année est dérisoire. Il ne peut nous faire émerger, seul notre travail, notre croyance en nos aptitudes le pourront. Et cela, nous devons le comprendre et dès maintenant.

 

            Aujourd’hui, Pullulent à Dakar de nouveaux centres commerciaux, s’établissent de grandes marques qu’une classe moyenne en expansion peut s’offrir. Cet essor de la consommation  stimulerait l’économie sénégalaise s’il était capté par les entreprises nationales. Hélas, il ne profite généralement qu’aux entreprises étrangères qui rapatrient chez elles les bénéfices engrangés au Sénégal. Les japonais achètent plus japonais - Toyota, Sony… -, de même que les sud-coréens – Kia, Samsung... Aucun pays ne peut produire tout ce dont il a besoin mais les États visionnaires pensent à substituer leurs importations par des productions locales. Le Sénégal ne le fait pas, aussi le déficit de sa balance commerciale se creuse.

 

            Tableau de l’évolution 1960-2012 de la balance commerciale du Sénégal en millions de dollars Voir lien.[iv]

 

Lors des indépendances, les pays asiatiques aujourd’hui développés partageaient en général nos réalités – économies agricoles et minières, sortir d’une domination coloniale. Ils se sont développés en privilégiant les biens d’équipement au détriment de ceux de consommation, en encourageant les investissements productifs en diminuant leur fiscalité, en épargnant fortement et exportant beaucoup. Le Sénégal ne suit pas cette voie; il dépense plus en biens de consommation, épargne peu - ce peu d’épargne est drainé vers l’immobilier – et importe beaucoup – voir tableau qui montre un déficit commercial en hausse.

 

            C’est à cause de tout cela qu’il s’éloigne du développement. Le décollage économique est à notre portée - mais il exige des sacrifices -, le Botswana est sorti des pays les moins avancés – PMA – en 1994, le Cap-Vert en 2007 tandis que le Sénégal y entrait en 2001[v]. On peut argumenter que le Botswana dispose de ressources naturelles – diamant - mais pas le Cap-Vert – comme nous.

            L’exemple du Cap-Vert démontre que l’absence de ressources naturelles n’est pas un obstacle au décollage économique. De mauvaises attitudes le sont, les « scandales géologiques » en sont une illustration. Pour se développer, des sacrifices sont nécessaires aujourd’hui pour une plus grande jouissance demain : un Sénégal qui compte dans le monde par son économie prospère, son niveau technologique et sa population éduquée ne vaut-il pas la peine de ces sacrifices?

 

 


[i]http://www.foreignpolicy com/articles/2013/03/29/the_african_century_growth_democracy_governance  

[ii] http://www.slateafrique.com/33995/top-10-meilleures-economies-africaines

[iii] http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/DT.ODA.ODAT.PC.ZS  

[iv]http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?langue=fr&codePays=SEN&codeStat=NE.RSB.GNFS.CD&codeStat2=x

[v]http://www.nationsonline.org/oneworld/least_developed_countries.htm


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