Le Sénégal dont je rêve.

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Le Sénégal dont je rêve.


Au lendemain du second tour des élections présidentielles de 2012, je devais me rendre à l’université. Une fois arrivé à destination, je descendis au centre social. Par hasard, je vis dans l’une des télévision accrochée au mur, une chaîne de télévision qui parlait de l’alternance pacifique qui venait de se dérouler dans notre pays.

 

            Fier, souris-je de ce qu’accomplirent mes compatriotes. Après tout, il n’arrive pas tous les jours en Afrique un changement de régime pacifique, de surcroît, un président sortant se représentant, battu et acceptant de ne pas confisquer le pouvoir.

 

            J’arpentai les escaliers devant aller à la bibliothèque. En chemin, je rencontrai des amis africains qui félicitèrent les sénégalais pour la maturité et la responsabilité dont ils firent preuve. Cette fois-ci, une vanité patriotique me parcourut : pensai-je que la portée du courage et de la détermination des sénégalais était plus grande que je ne l’avais imaginé.

 

            Le Sénégal est un pays d’Afrique de l’Ouest bordé par l’Océan Atlantique. Il couvre 196712 km2. Il est frontalier de cinq États : la Mauritanie au Nord, le Mali à l’Est, les deux Guinées au Sud et fruit de la colonisation, la Gambie est enclavée en son intérieur.

 

            Autrefois, il était divisé en de multiples royaumes guerroyant parfois entre eux mais le plus souvent cohabitant pacifiquement. Ainsi, il y avait le Fouta, le Sine, le Saloum, le Cayor, le Djoloff,…

 

            Au quatorzième siècle, l’un d’eux, le Djoloff sous l’impulsion de Ndiadiane Ndiaye devint le plus puissant et domina les autres, vassalisés. A l’école primaire et secondaire, je pensais que l’histoire se limite à mémoriser des dates et des noms historiques. Aujourd’hui, je me rends compte de la portée énorme présente des événements passés.

En y rependant, cette domination du Djoloff fut une base fondatrice de la Nation sénégalaise. Les ethnies qui composent aujourd’hui le Sénégal cohabitaient harmonieusement. Des activités telles l’agriculture, l’élevage, le commerce constituaient les principaux secteurs de l’économie de ces royaumes. Plus tard, réunies dans un même État, ces ethnies vécurent intégrées les unes des autres, d’où l’expression « une Nation avant un État ».

 

            Tout comme aujourd’hui, l’annexion d’un territoire est plus aisée que le garder. Les royaumes firent sécession les uns après les autres, Amari Ngoné Sobel du Cayor en instigateur. Le plus important pour le futur État sénégalais, ces populations apprirent à vivre ensemble et ces royaumes partagèrent en grande partie la même structure politico-économico-administrative.

 

            J’ai toujours trouvé fascinant comment les sénégalais se considèrent d’abord sénégalais puis ajoutent une autre identité.  Ils vivent ensemble, se fréquentent sans préjugés d’ethnies, de religions ou de confréries. Dans certains coins, catholiques et musulmans partagent le même cimetière et fêtent en commun des réjouissances propres à une religion - Noël, Tabaski,… Merci aux royaumes de jadis.

 

            Plus tard, vint le contact avec les européens. D’abord limité au commerce, il se mua en colonisation. Des résistances çà et là ne suffirent pas. La puissance de feu supérieure des français vainquit les royaumes. Colonisé relativement tôt par rapport aux autres territoires africains,  le Sénégal connut le vote avant eux. Et cet avantage nous servira des siècles plus tard; il permit une plus grande conscience politique.

 

            Aux élections municipales de 2009, je vivais avec des gabonais avec lesquels j’aimais discuter de politique.

           

-Moussa, Wade  imposera son fils et le Sénégal connaitra une succession monarchique comme le Gabon, me dit l’un d’eux.

            -Différente réalité mon cher, les sénégalais sont très fiers politiquement. Ils votent depuis plus de 150 ans et chaque fois qu’il a fallu qu’ils prennent leurs responsabilités, ils l’ont fait, lui répondis-je.

La suite me donna raison. J’étais soulagé - non pas que j’aime avoir raison - parce que je crois que ceux qui dirigent l’État doivent le mériter et je suis foncièrement contre tout pistonnage et totalement pour la méritocratie.

 

Le Sénégal a connu deux alternances. Les sénégalais ont conscience du pouvoir dont ils disposent grâce à leurs votes et n’hésitent pas à l’utiliser. Passées l’euphorie d’une alternance, les réalités reprennent leur place. « L’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes » disait Obama dans son discours aux africains à Accra. Je partage cet avis; lors des indépendances, plusieurs pères de la Nation africains menèrent leurs pays au désastre tout en se croyant indispensable. A leur mort, l’État continua à fonctionner.

 

Une alternance sans changement de politique aboutit à un statuquo frustrant pour les électeurs. Quand les têtes changent mais les politiques demeurent pareilles, le salut ne peut venir que d’institutions honnêtes, fortes et efficaces. Les sénégalais sont écœurés de certaines pratiques politiciennes. Entre 2007 et 2012, le taux de participation aux élections a chuté. Les sénégalais n’aiment-ils plus leur pays? La politique n’est pas une fin en soi, elle est un moyen. Sans doute, pensent-ils qu’il existe d’autres moyens d’afficher son patriotisme que de voter pour des politiciens différents, mais avec les mêmes politiques.

 

            Je crois que la politique peut et doit-être honnête. Je crois qu’elle peut inspirer les gens et les pousser à agir. L’histoire regorge d’exemples d’hommes ou de femmes qui ont impulsé le changement nécessaire à l’avancement d’une société grâce à leur leadership. Si l’État ne peut pas tout faire, il ne peut jouer avec les ressources limitées, fruit du labeur de la collectivité. L’État peut créer les conditions d’une égalité des chances. Les sénégalais doivent  pouvoir identifier leur pays comme la terre où tout est possible, une terre où ils peuvent rester et réussir.

 

Je me suis posé des questions quand j’ai vu des personnes brillantes abandonner leurs études car leurs familles sont peu aisées. J’ai écouté des amis dont on reproche leur chômage mais qui se demandent où est le travail; ils ont cherché sans trouver et ils n’ont pas les moyens d’entreprendre. J’ai constaté que les postes de l’État - censés être non partisans - sont le plus souvent pourvus d’une manière partisane sans égard de la compétence. Je me suis demandé : le jeune de Tambacounda a-t-il autant d’opportunités que celui de Dakar? Les conditions de réussite sont-elles égales entre l’élève continuellement en grève d’une école publique et un autre d’une école privée chic?

 

            Autant d’injustices qui doivent cesser. Et si ces injustices cessent, cela ne sera qu’à notre avantage. Combien de potentiels brillants sénégalais n’éclosent pas parce qu’ils sont barrés par leurs conditions socioéconomiques défavorables? Aurions-nous donné la chance à chaque sénégalais de développer son talent, de réveiller son potentiel, le Sénégal avancerait beaucoup plus vite. Un peuple créatif est un peuple où chacun, peu importe ses origines sociales, peut développer ses aptitudes, aptitudes qui lui permettront de s’élever dans la société et d’élever en même temps son pays. Et c’est ce peuple que doit devenir le Sénégal.

 

            Certes, nous avons réussi à bâtir une Nation. Mais le défi aujourd’hui est de doter le Sénégal d'une  structure socio-économique prospère capable de donner des chances à chacun de pouvoir s’élever dans la société. Si les inégalités continuent à croitre, si une minorité s'accapare toujours des postes de responsabilité, un jour ou l’autre, la frustration de la majorité qui s’appauvrit croissant fissurera les fondements de notre Nation. Alors, cette stabilité dont nous nous vantons ne sera plus qu’un souvenir que nous raconterons à nos enfants.

 

Et cela, nous pouvons encore l'éviter. Cela passe par créer des conditions favorables afin que chaque sénégalais puisse rêver de s’élever dans la société et par son travail et son abnégation réaliser ce rêve ; et c’est de ce Sénégal dont je rêve.


 http://www.lequotidien.sn/index.php/opinions-et-debats/item/20042-le-sénégal-dont-je-rêve

 
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