Le Sénégalais aime donner des conseils non sollicités.

Blogs

Le Sénégalais aime donner des conseils non sollicités.

        Après un long séjour à l’extérieur, un de mes amis décida de rentrer définitivement au Sénégal. M’expliqua-t-il, Il était devenu las de la vie occidentale et voulait donner une nouvelle impulsion à sa vie : aussi se sentait-il prêt à revivre au Sénégal.

 

           Dans son roman Americanah, la romancière nigériane Adichie évoque la même situation. La protagoniste principale - Ifemelu - choisit de retourner au Nigéria après une dizaine d’années passées aux Etats-Unis parce qu’elle était fatiguée du racisme ou simplement aspirait à revivre au Nigéria. Mon ami, me raconta-t-il : « les premières semaines étaient cordiales. Les gens croyaient que j’étais juste de passage au Sénégal et après quelques semaines, je retournerai en Occident. Quand ils constatèrent que mon séjour se prolongeait et que je n’avais pas l’air de vouloir rentrer, ils me harcelèrent de questions, conseils : que fais-tu ici encore ? Sénégal nékhoul, deloul mo gueune…[i] comme si je n’étais plus sénégalais. » Et c’est la même chose qui arriva à Ifemelu dans le roman Americanah avec ses amies.

 

Quinze millions de psychologues, philosophes, coaches au Sénégal.

 

            Toute personne qui établit ses choix de vie au Sénégal a vécu pareille situation. Les conseils non sollicités, les critiques récurrentes de personnes ignorant tout de nous. Chacun se croit permis de nous dire comment devrions-nous vivre même si peu semblent savoir comment il devrait vivre.

 

            Mes activités de recherche m’obligent à m’isoler de longues heures. Je m’agace souvent quand je reçois des conseils tels : « trop s’isoler n’est pas bon », « tu risques de devenir fou. » Et ces personnes me regardent avec des yeux de pitié. Un jour, excédé, je répondis à l’une d’elles : « qu’est-ce qui est plus sain entre passer toutes ses journées à accomplir les mêmes activités comme palabrer ou boire du attaya et vaquer à des occupations comme lire et écrire même si pour cela, nous devons nous isoler ? »

 

            Comment je vois les choses est l’impossibilité de laisser une personne vivre sa vie telle qu’elle l’entend au Sénégal. Je n’écoute guère Waly Seck – sauf en de rares occasions - et son style musical m’est indifférent. Cependant, je ne comprends pas l’acharnement envers sa personne. Ai-je observé que les personnes qui le vilipendent rêvent de devenir comme lui, sont souvent envieuses de son succès auprès des filles et avaient-elles la confiance que Waly Seck dégage pour s’assumer, elles procéderaient pareil.

 

Connaissons-nous les gens plus qu’ils ne se connaissent eux-mêmes ?

 

            Il y a des années de cela, j’étais du genre à juger les autres pour un oui ou un non. Certains événements de ma vie – échecs et erreurs surtout - m’ont fait prendre conscience que je n’ai aucun droit ou légitimité pour juger des autres, que ce que je connais d’eux n’est qu’apparent, qu’ils ont des circonstances atténuantes qui ne justifient pas leurs actes mais permettent de les comprendre. Ma vie est plus sereine depuis que je ne m’occupe plus que de ma vie, que j’essaie de développer de fortes valeurs sans les imposer aux autres.

 

          L’empathie que je tâche de développer pousse les autres à me faire plus confiance. La meilleure attitude dans la vie est de donner aux gens le vœu de nous suivre par nos actes et non être donneur de leçons. Je pense toujours à cette sage parole de Jésus aux personnes qui voulaient lapider la prostituée : « que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. » Et au Sénégal, les plus grands pécheurs sont également les plus grands donneurs de leçon.

 

 

Inconstance.

 

           Ce matin, je lisais un article[ii] dans le magazine Courrier International. Il parlait du premier ministre indien et de ses nombreuses volte-face depuis son élection. Alors opposant principal du Congrès national indien, son parti – BJP - et lui avaient l’habitude de toujours contester la politique du parti au pouvoir. Maintenant à la gouvernance de l’Inde, il s’est approprié beaucoup de mesures prises par le pouvoir d’alors.

 

            Voilà exactement comment agissent les politiciens sénégalais. Quand ils sont au pouvoir, ils soutiennent toute politique du gouvernement. Quand ils sont dans l’opposition, ils critiquent toute politique du pouvoir. Comment bâtir avec pareilles attitudes un pays prospère, qui va de l’avant ? Qu’y-a-t-il eu de mal aux propos d’Ahmeth Dansokho sur un Sénégal qui souffre ?  Un pays dont la population subit au même moment coupures d’eau et délestages ne souffre-t-il pas ? La meilleure réponse n’était-elle pas de régler ces problèmes plutôt que critiquer ces sages paroles d’Ahmeth Dansokho ?

 

Une erreur ne fait pas d’une personne une mauvaise.

 

            Linguère VDN[iii] est un théâtre de la troupe Daraay Kocc. Je ne me rappelle pas du nom des personnages. Voici un synopsis de cette pièce de théâtre. L’actrice principale était une prostituée qui un jour rencontra un homme comme il le faut. Cet homme entreprit de l’épouser alors qu’il était fiancé à une fille comme il le faut aussi. Quand son ami lui parla de ce choix inconséquent, il lui répondit que « les prostituées ne sont pas uniquement dans la rue, elles sont aussi dans les maisons » et à cela, il se référait à sa fiancée qu’il avait surprise dans les bras d’un autre homme.

 

            Dans le monde des sénégalais, on ne juge que par l’apparence. Et c’est ce qui est à l’origine des problèmes dans ce pays : les gens sont attirés par l’illusion, les faux-clinquants et sont prêts à tout pour les acquérir. Un jour, ils découvrent leur futilité et cela par la pire des manières possibles : la chute, la prison, l’abandon des thuriféraires d’alors. C’est cela qui explique le nombre croissant d’affaires dans ce pays. Une vie réussie n’est pas synonyme d’une vie extravagante, futile et agitée. Elle peut-être une vie simple, tranquille où la personne ne s’occupe que de l’essentiel en évitant de s’immiscer dans le choix des autres. Et à cette vie faite de réserve, de tolérance qui doit devenir la norme et non celle des conseils à tout-va, des critiques sans comprendre toute la situation.

           

           

 

[i] « Le Sénégal est difficile, vaut mieux retourner… »

[ii] http://cidif.go1.cc/index.php?option=com_content&view=article&id=4391:les-volteface-de-narendra-modi&catid=1:actualite&Itemid=2

[iii] https://www.youtube.com/watch?v=h-CAiYUK7PE


Cette entrée a été publiée dans Politique. Vous pouvez la mettre en favoris avec ce permalien. Alerter

Vous pouvez lire aussi

Commentez cet article

Pseudo *

Votre commentaire :

Pseudo *

Mon commentaire *