Leçons d’une pénurie d’eau.

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Leçons d’une pénurie d’eau.

Ce matin, il y avait une distribution d’eau dans mon quartier, pénurie oblige. Je m’y rendis. Arrivé sur place, je fus surpris d’y trouver plus de femmes, beaucoup plus de femmes. Me demandai-je où étaient les hommes et pourquoi ce n’étaient pas eux qui allèrent chercher l’eau – après avoir rempli les bassines, j’en rencontrai plusieurs qui attendaient tranquillement et sans honte que les femmes reviennent afin prendre leur douche.

 

            Faire des allers et retours maison-camion-citerne avec des bassines si lourdes augmenta mon indignation de l’inactivité des hommes et ma fierté de l’activité des femmes, lourds seaux en tête, faisant des va et vient. Me posai-je la question si ce n’est pas dans l’ordre normal des choses que les femmes sénégalaises dominent de plus en plus les hommes, grâce à leur plus grand courage et sens des responsabilités?

 

            Des jours plus tôt, ma mère m’avait inspiré par une leçon magistrale de gestion. Estimant qu’une pénurie d’eau est toujours possible au Sénégal, elle s’assura que le réservoir de la maison serait toujours rempli, réserve qui serait utilisée en cas de pénurie. Grâce à cette prévoyance, nous ne manquâmes pas d’eau les premiers jours et ressentiment moins cette pénurie. Si les autorités sénégalaises étaient aussi prévoyantes qu’elle, elles auraient pu éviter cette pénurie d’eau ou l’atténuer fortement.

 

            Des problèmes techniques sont toujours possibles. Mais le Sénégal aurait dû emmagasiner des réserves stratégiques qui alimenteraient la population en cas de pénurie. L’amateurisme de la gestion du gouvernement sénégalais  fut flagrant: pendant quelques jours, quand la situation était redevenue normale, le gouvernement aurait dû en profiter pour constituer des stocks d’eau et ainsi atténuer d’éventuels futurs pépins.

 

            Pour ma critique, je sais que s’assoir devant son ordinateur et critiquer le gouvernement est très facile. Je l’ai dit en haut, des pannes peuvent toujours survenir mais la manière de les gérer déterminera si une gestion sera qualifiée de bonne ou mauvaise. En 2003, des villes importantes d’Amérique du Nord – Toronto, New-York, Cleveland… - connurent un blackout d’électricité dont les dégâts furent estimés à 6 milliards de dollars. Pour que pareille situation ne se reproduise plus, les gouvernements américain et canadien mirent sur pied une commission d’enquête afin de déterminer les causes de la panne électrique et les moyens de l’éviter dans le futur. C’est tel que le Sénégal doit procéder : il ne s’agit pas de chercher des coupables ou d’indexer des institutions mais d’anticiper pour que pareille situation ne se reproduise plus.

 

            Hélas, les sénégalais ont souvent la mémoire courte. Les premiers jours après une catastrophe, les comportements changent, deviennent vertueux. Puis, tout est oublié, les mauvaises habitudes telles le désordre, l’indiscipline reviennent. Ce matin encore, l’indiscipline caractéristique des sénégalais - une incapacité de faire la queue pour une distribution correcte de l’eau - s’était manifestée lors du passage du camion-citerne

 

            Ces attitudes doivent être changées. On dit que le développement n’est pas uniquement accumulation de richesse mais aussi changement de mentalité. Les pays arabes producteurs de pétrole sont riches mais sont-ils développés? Je ne le crois pas. Pour que le Sénégal émerge, il faut qu’il apprenne de ses erreurs pour ne plus les reproduire, que ses dirigeants se responsabilisent en démissionnant quand ils sont fautifs et que l’État soit courageux.

 

            Lors de la première guerre mondiale, le gouvernement français réquisitionna les taxis parisiens lors de la Bataille de la Marne afin de contenir l’avancée allemande, une mesure courageuse et nécessaire pour empêcher l’invasion de la France. En ces jours de pénurie, le gouvernement sénégalais doit-être courageux en réquisitionnant les usines d’eau pour atténuer les souffrances de la population.

 

 J’ai été beaucoup surpris par les entreprises d’eau qui ont ignoré leurs rôles d’acteurs sociaux – la responsabilité sociétale d’entreprise serait-elle absente au Sénégal? Ne peuvent-elles pas diminuer les prix de leur eau ou en distribuer gratuitement à la population pour leur montrer qu’elles se préoccupent d’elle?

 

Autant de leçons que nous devons apprendre cette crise, des apprentissages que le Sénégal, sa population, les acteurs de sa vie sociale et économique doivent intégrer pour prévenir de nouvelles crises ou réagir plus efficacement à celles qui surviendraient.

 

           

 

 

 

 


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