Pourquoi les sénégalais doivent aimer l’échec?

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Pourquoi les sénégalais doivent aimer l’échec?

M.S était le soutien de sa famille depuis qu’il avait obtenu un travail à la fin de ses études. Sa famille vivait en location et c’est lui qui les tira de la location en achetant une maison et les y loger. Il avait financé les études de ses frères, contribué au commerce que tenaient ses sœurs. Autrefois méprisée, sa famille était devenue l’une des plus enviées depuis qu’avait obtenu un travail.

 

            Il était la fierté de sa famille, il était cité en exemple par les ainés quand ils conseillaient les cadets. M.S vivait une vie tranquille et lentement, il perçait.

 

            Cependant, Les choses se gâtèrent quand l’entreprise où il travaillait connut un changement : le directeur qui l’avait recruté partit à la retraite et le nouveau directeur ne l’aimait pas. Il le jalousait et avait peur de ses compétences. Après moult humiliations qu’il subit  – comme ne lui conférer aucune tâche ou lui refuser la parole au cours d’une réunion… -, il démissionna. Au début, il ne dit rien à sa famille, il continuait à être leur soutien et pensait que cette perte de travail serait temporaire et bientôt, il retrouverait un travail.

 

            De temporaire qu’il pensait qu’il serait, son chômage s’éternisait. Toutes les portes semblaient lui être fermées, aucune proposition d’entretien ne suivit les nombreux CV qu’il envoya aux entreprises. Progressivement, son épargne diminuait et il fut obligé de mettre sa famille au courant de sa situation et ainsi recevoir leur soutien moral en cette période difficile de sa vie.

           

            Hélas, il déchanta. Sa famille le traita comme un incapable et elle fit mine d’oublier tout ce qu’il a avait fait pour elle. Bien sûr, certains membres de sa famille lui exprimèrent leur soutien moral mais la majeure partie lui tourna le dos. Ce qu’il ignorait, il était jalousé dans sa famille et beaucoup étaient ravis de son échec. M.S semblait trop chanceux, il a toujours obtenu ce qu’il a voulu et pour plusieurs de ses tantes et oncles, cette situation était insupportable : leurs fils passaient toujours seconds après M.S.

            Dans son quartier aussi, les rapports changèrent avec ses copains. Lui qui était toujours invité à boire du thé, lui qui était toujours sollicité pour des soutiens était à présent méprisé. Les salutations qui étaient cordiales et chaleureuses auparavant se limitaient au strict minimum. Pour une personne habituée à toujours gagner, à être au sommet, M.S connaissait pour la première fois l’échec et ce sentiment de passer second.

 

            Au début, il lui était difficile d’accepter cette situation. Mais, petit à petit, il commença à s’y faire et le perçut comme une occasion pour tester sa force mentale et montrer qu’il est capable de se relever d’une chute. Il arrêta de se morfondre, de se plaindre et se décida à reprendre sa vie en charge.

 

            Ne voulant plus dépendre d’un employé, il contracta des partenaires avec lesquels il traitait dans son entreprise d’alors pour leur offrir ses services. Se rappelant de son professionnalisme, sa compétence, certains étaient à lui donner sa chance. C’est ainsi qu’il ouvrit une entreprise de prestation de service. Ses débuts furent difficiles, il était souvent en déficit et était obligé de puiser dans le reste qui lui restait d’épargne. Mais, progressivement, il gagna de plus importants contrats et c’est ainsi qu’il améliora sa situation et gagne beaucoup que son salaire d’employé d’alors.

 

            M.S me raconta-t-il : « je ne cesserai de remercier cette chute et tout ce qu’elle m’a appris sur moi, sur les autres. Je n’aurais pas pensé que j’avais des aptitudes entrepreneuriales. Me voici aujourd’hui à la tête d’une entreprise. Je comprends maintenant que le soutien le plus important d’une personne dans sa vie est elle-même. Les autres pourront nous trahir mais si nous continuons à croire à nous-mêmes, nous nous en sortirons. »

 

            Au-delà de M.S, ce genre d’histoire est commun au Sénégal. Une personne aidait les gens qui lui chantaient des louanges. Aux premiers problèmes de la personne, ces personnes qui lui chantaient des louanges l’abandonnent tous. Prenons la politique : dès qu’un président est battu, ses ex-collaborateurs transhument en masse et se mettent à le critiquer. Un ami qui a vécu ce genre de situation m’expliqua que les sénégalais aiment un plat tout fait. Ils ne savent pas que pour préparer ce plat, il a fallu acheter des ingrédients et faire toutes les autres étapes intermédiaires pour pouvoir présenter ce plat aussi délicieux.

            C’est la même chose avec une personne : elle ne peut pas réussir en un jour. Il faut qu’elle suive des étapes et parmi ces étapes, l’échec est fondamental. Qui n’a jamais échoué ne réussira jamais ou s’il réussit, sa réussite sera moindre qu’une autre personne qui a échoué et qui s’est relevé de ses échecs. Les grands leaders aujourd’hui admirés l’ont compris. Dans son livre-interview avec Éric Laurent,  La Mémoire d'un roi Hassan 2 raconte que lorsque son père Mohammed 5 fut déporté à Madagascar, De Gaulles lui écrivit une lettre avec un passage qui le marqua : « il faut souffrir pour être grand. »

 

            Si les sénégalais comprenaient la valeur d’un échec et cessaient de mettre à l’écart leurs enfants qui échouent, ils pousseraient leurs enfants à oser davantage. Et cette audace permettrait de réveilleur la créativité des jeunes sénégalais; parfois, la peur surtout celle d’échec les inhibe. Et si la perception de l’échec était changée : non pas qu’une personne qui a osé mais échoué est un perdant mais un vainqueur parce qu’il a essayé et la prochaine fois, en apprenant de son échec, elle réussira son initiative.


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