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Ahmat Pathé Sène, Dg forum Africain sur les systèmes alimentaires : « Pourquoi le Sénégal a été choisi ? »

Auteur: Propos recueillis par Thiebeu NDIAYE

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Ahmat Pathé Sène, Dg forum Africain sur les système alimentaire : « Pourquoi le Sénégal a été choisi ? »

Dakar va accueillir, du 29 août au 5 septembre, le Forum africain sur les systèmes alimentaires 2025 à l’initiative de l’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA). 5 000 participants pour réfléchir sur le thème : « jeunesse africaine, fer de lance de la collaboration, de l'innovation et de la transformation du système alimentaire en Afrique ». En marge du lancement de l’initiative Vallue4Her, Amath Pathé Sène, directeur général du Forum, a accordé un entretien à Seneweb pour dévoiler les objectifs de ce forum et les opportunités qu’il offre aux exploitants agricoles sénégalais, non sans battre en brèche les critiques sur le modèle cultural promu par Agra. Entretien. 

Dakar s’apprête à accueillir le Forum sur les systèmes alimentaires. Pourquoi le choix de Dakar ?

Le Forum sur les systèmes alimentaires n’est pas exclusivement organisé par AGRA (Alliance pour une révolution verte en Afrique) ; c’est une initiative portée par tous les partenaires, y compris les pays africains via l’Union africaine, les organisations de développement des Nations Unies, les fondations internationales et l’ensemble des acteurs concernés. AGRA agit comme un coordinateur mandaté pour représenter cette coalition de 38 partenaires et faciliter l’organisation. Ce sommet, souvent comparé à l’Assemblée générale de l’agriculture africaine ou au Davos africain, à l’image du World Economic Forum, réunit chaque année politiciens, investisseurs, jeunes, femmes et chercheurs pour faire le bilan d’une année d’actions et saisir de nouvelles opportunités.

Le gouvernement sénégalais a candidaté pour accueillir cet événement, se portant en compétition avec des pays comme le Nigeria. À l’issue d’un processus rigoureux, le Sénégal a été retenu pour plusieurs raisons : sa transition politique prometteuse, son dynamisme porté par la jeunesse, l’espoir qu’il inspire, ainsi que ses infrastructures adaptées à un sommet réunissant plus de 5 000 personnes. Cela stimulera aussi l’industrie du tourisme d’affaires et la diplomatie agricole. Sous le leadership du Président Bassirou Diomaye Faye, du Premier ministre et du ministre de l’Agriculture Mabouba Diagne, avec le soutien des ministres sectoriels, le Sénégal a présenté un dossier solide qui a convaincu les partenaires. Tout est prêt pour accueillir cet événement clé, qui offrira au pays l’occasion d’attirer des investissements dans l’agriculture, un secteur prioritaire.

Nous travaillons actuellement avec toutes les équipes pour garantir le succès de ce sommet, qui ira au-delà d’une simple réunion en générant des retombées économiques et des opportunités d’investissement, y compris via AGRA et les 38 autres partenaires que je dirige.

Quels sont les objectifs de ce forum et quelles sont les opportunités qu’il offre ?

Le forum poursuit six objectifs principaux. D’abord, il sert de plateforme annuelle pour évaluer l’agenda continental, matérialisé par le CADAP (Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine), adopté à Kampala. Ce programme prône la transformation des systèmes alimentaires, encourageant les pays africains à allouer plus de 10 % de leur budget national à ce secteur pour créer des emplois, ajouter de la valeur pour les jeunes et les femmes, et réduire la dépendance aux importations en développant des corridors de production.

Deuxièmement, il vise à impulser des politiques sectorielles. Pour transformer les systèmes alimentaires, des réformes doivent être adoptées par les parlements et devenir des lois, remplaçant les cadres obsolètes. Des réseaux de parlementaires africains sur les systèmes alimentaires, en session avec le président de l’Assemblée nationale, participeront à cet effort.

Troisièmement, le forum facilite les investissements et financements en conviant des banques, compagnies d’assurance, fonds d’investissement et philanthropes pour soutenir, notamment, les jeunes entrepreneurs avec des projets concrets.

Quatrièmement, il promeut le partage de connaissances et de savoir-faire, évitant la redondance des efforts et encourageant les bonnes pratiques, les leçons apprises et les coopérations bilatérales ou multilatérales.

Cinquièmement, il met l’accent sur le leadership des jeunes, thème central de ce sommet : « Jeunesse africaine, fer de lance de la collaboration, de l’innovation et de la transformation du système alimentaire en Afrique ». L’objectif est de les laisser s’exprimer et co-créer avec les décideurs, brisant le modèle où ils sont seulement des bénéficiaires.

Enfin, il vise à établir un modèle de collaboration pour partager équipements et solutions, avec un agri-expo inédit au centre des expositions, présentant des innovations technologiques et digitales adaptées au 21e siècle, loin des méthodes traditionnelles comme la daba.

Pour le pays, quelles sont les retombées attendues ?

Pour le Sénégal, cet événement renforcera son rayonnement international, sa diplomatie et la relance d’un secteur stratégique : l’agriculture. Il stimulera l’industrie du tourisme d’affaires, notamment grâce à des infrastructures comme celles de Diamniadio et les centres de conférences de la ville, qui doivent s’autofinancer et générer des revenus. Au Rwanda, par exemple, près de 200 événements annuels soutiennent cette dynamique. Cela dynamisera les hôtels, compagnies aériennes, commerces et l’agriculture locale, positionnant le Sénégal comme un hub en Afrique de l’Ouest, après l’Afrique du Sud et le Rwanda. Un bureau de conventions pourrait être créé pour attirer davantage de réunions internationales, préparant ainsi le pays à des échéances comme les JO et optimisant sa stratégie économique.

En termes de bilan, que peut-on retenir des actions d’AGRA dans les différents pays où elle intervient ?

En tant que directeur régional d’AGRA, une institution africaine créée en 2006, je souligne qu’elle répond au besoin d’une organisation africaine dédiée à l’agriculture, dirigée par des Africains (99 % de son personnel). Alternative à la FAO ou aux ONG internationales, AGRA s’appuie sur des financements variés (États, fondations) et a débuté avec un focus sur les semences. Face au problème d’accès à des semences de qualité et à la corruption dans ce secteur, AGRA a aidé des pays comme le Rwanda, autrefois dépendant des importations kenyanes, à atteindre l’autosuffisance en quelques années grâce à des coopératives soutenues par l’armée. Au Sénégal, où ce défi persiste, AGRA ouvrira un bureau pour reproduire ce succès.

Au fil du temps, AGRA a élargi son champ d’action aux changements climatiques, promouvant une agriculture durable avec un renforcement des capacités étatiques. Elle travaille aussi sur le commerce intra-africain, visant à optimiser les corridors de production face aux 100 milliards de dollars d’importations alimentaires, et sur les fertilisants pour restaurer les sols lessivés.

Paradoxalement, certains disent que le modèle promu par AGRA dégrade les sols puisqu’il est basé sur l’utilisation des engrais chimiques, des pesticides et la monoculture. Qu’en est-il ?

Cette critique n’est pas entièrement fondée. Le modèle d’AGRA prône une agriculture durable. En tant qu’ingénieur agronome, je sais que produire 10 tonnes par hectare nécessite des semences certifiées, de la mécanisation, de l’eau, des fertilisants et des pesticides pour contrer les ravageurs, selon des normes internationales respectées par les économies développées depuis des siècles. Les spéculations sur les OGM ou les produits chimiques sont exagérées ; ces pays investissent massivement en recherche pour minimiser les risques, tandis que l’Afrique, avec seulement 5 % d’irrigation contre 56 % ailleurs, reste loin de ces standards faute de ressources.

Notre objectif est d’améliorer les rendements, parmi les plus faibles au monde, pour atteindre la sécurité alimentaire. Produire pour 2 quand il faut nourrir 10 est impossible ; produire 10 avec les bons intrants (A, B, C, D, E) assure l’autosuffisance. Ce débat manque souvent de données scientifiques solides. Chaque pays doit s’adapter : les fertilisants organiques conviennent aux zones humides, mais dans un pays sec comme le Sénégal, des solutions adaptées, validées par la recherche locale, sont nécessaires.

Qu’est-ce que vous pensez de l’agroécologie ? Pensez-vous que c’est la meilleure alternative pour arriver à une souveraineté alimentaire sans dégrader nos sols ?

L’agroécologie est une excellente alternative. Elle intègre l’arboriculture, la foresterie et la reforestation pour restaurer les sols, combinant cultures vivrières et fruitières avec des techniques comme le couvert végétal. En Afrique, des méthodes endogènes comme le Zaï ou les demi-lunes, pratiquées depuis des millénaires dans des conditions difficiles (Tchad, Niger), prouvent leur efficacité, même inconnues en Occident. Ces pratiques, renommées agroécologie, régénèrent les sols et offrent une alimentation équilibrée. Nous les promouvons via des projets et appels d’offres, valorisant des solutions africaines adaptées, comme les semences certifiées, pour un équilibre entre productivité et durabilité.

À combien projetez-vous les opportunités financières attendues de ce forum ?

Les financements dépendent du portefeuille du pays. Nous soutenons les PME avec des montants allant de 50 000 $ à 4 millions $, souvent en consortium pour absorber ces fonds. Dans certains pays, les portefeuilles atteignent 40 millions $ sur 2-3 ans, avec des appels à propositions évalués par filière (cajou, lait, etc.). Au Sénégal, où nous ouvrons un bureau, nous viserons au moins 30 à 40 millions $ de départ, comme en Tanzanie ou au Rwanda, en fonction de la stratégie définie avec l’État et l’attractivité du pays.

Auteur: Propos recueillis par Thiebeu NDIAYE
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Commentaires (4)

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    Tourisme fonctionnaire il y a 17 heures

    Sommet de tourisme pour fonctionnaires internationaux + per diems + publicite + activites jors bureau = paradid du fonctionnaire. Quelles sont les resultats du Ldernier sommet mondial de l'eau tenu a Dakar ? Cela apporte certainement un peu de revenus pour les hotels et voyagistes. Sinon, c'est toujours les sempiternelles recommandations. Il faudrait l'interviever dans un an pour savoir que ce sommet a produit. Dakar a ete choisi comme un autre pays a ete choisi avant. Un autre le sera apres Dakar.

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    Ibrahima il y a 16 heures

    Mash'Allah Pathé boy HLM1, fier de toi un ancien ami, on a fait le CEM Ibrahima Thiaw ensemble. Bonne suite de carrière.

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    pour quelques dollars de plus il y a 15 heures

    Tiens , voilà un pays où les partisans du GOUVERNEMENT applaudissent pour des voyages d'un premier ministre en CHINE et en TURQUIE oubliant que les dirigeants de ces pays ont eux même foulé à plusieurs reprises le sol sénégalais du fait de leur proximité avec Macky . Il faut dire qu'avec défaut de réalisations , on se contente de forums, de séminaires , d'états généraux, de journées de concertation, de symposiums, de colloques , de tables rondes , et patati patata . Bon Dieu , en 65 ans d'indépendance le Sénégal a accueilli plus de rencontres que tous les autres pays africains, pour quel résultat!

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    Bravo il y a 14 heures

    Un grand monsieur !

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