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Crise malienne : la comète Cheick Modibo Diarra

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Crise malienne : la comète Cheick Modibo Diarra

Beaucoup de déceptions et très peu de résultats pour le Premier ministre malien Cheick Modibo Diarra, en fonction depuis avril dernier. Le pays est toujours au bord du précipice. L’ancien ingénieur de la Nasa découvre une planète pour laquelle il n’est, à l’évidence, pas fait.

« I’ve always been lucky in my life » (« J’ai toujours été chanceux dans la vie »), avait l’habitude de déclarer Cheick Modibo Diarra. L’est-il toujours autant ? Trois mois après sa prise de fonctions, le Premier ministre de transition, 60 ans, a perdu de nombreux soutiens. Au Mali, mais surtout à l’extérieur, où l’on a fini par se lasser de ses atermoiements. Réunis à Ouagadougou les 6 et 7 juillet, les chefs d’État du groupe de contact de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ne l’ont pas invité et l’ont mis sur la touche.

En demandant aux « forces vives » de proposer des noms au président Dioncounda Traoré, encore convalescent en France, pour la formation d’un gouvernement d’union nationale avant le 31 juillet. « C’est un grand scientifique, mais un très mauvais politique, commente sèchement un haut diplomate ouest-africain. Il tourne en rond, s’agite, parce que la mission le dépasse. Il n’a pas la carrure. »

Espoirs et déceptions

La tension était montée d’un cran lors du précédent sommet, le 29 juin, à Yamoussoukro. Le déclencheur ? Un échange houleux avec Boni Yayi, le chef de l’État béninois et président en exercice de l’Union africaine, à propos du retour au pays de Dioncounda Traoré. Modibo Diarra affirme que le président par intérim, « à qui [il] parle quotidiennement », veut rentrer même si le souvenir de son agression, en plein palais présidentiel, est encore vivace. Boni Yayi, qui l’a rencontré à Paris le 1er juin, dit le contraire. La tension monte. Excédé, le président béninois finit par s’emporter : « Monsieur le Premier ministre, me traiteriez-vous de menteur ? » Ambiance... « Modibo est un chic type, mais il ne respecte pas les codes de la bienséance, ne connaît pas le personnel politique ni le fonctionnement d’un État », résume l’un de ses amis. Cela fait beaucoup de handicaps lorsqu’on conduit la destinée d’un pays au bord du précipice. Il tourne en rond, s’agite, la mission le dépasse.

Un diplomate ouest-africain

Pourtant, il suscitait beaucoup d’espoirs lorsqu’il a pris ses fonctions le 17 avril. Dans le Nord, les rebelles touaregs du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et les combattants djihadistes occupent le territoire. Dans le Sud, l’imbroglio après le coup d’État du 21 mars qui a renversé Amadou Toumani Touré ne trouve pas d’issue. Après deux semaines de tractations entre le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE, l’ex-junte militaire) et la classe politique malienne, sa feuille de route est ambitieuse mais claire : la pacification du Nord - par la négociation ou par la force - et l’organisation d’élections transparentes. Un contrat à durée déterminée de un an qui semblait convenir à ce candidat à la présidentielle avortée d’avril dont la précampagne ne décollait pas.

Du côté de la classe politique, l’on a fait fi du fait qu’il a vécu une grande partie de sa jeunesse à Ségou, ville d’origine du capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo. Jusqu’à ce qu’il confie le portefeuille de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique à Harouna Kanté, oncle du militaire. Le gradé et le Premier ministre ont, semble-t-il, beaucoup échangé jusqu’au mois dernier. De quoi dessiner les contours d’une convergence de vues, voire d’une alliance objective. Quant aux conclusions des Conseils des ministres, elles sont une succession de nominations de militaires...

Un "navigateur vulgarisateur"

Dans son autobiographie, Navigateur interplanétaire (Albin Michel, 2000), le scientifique raconte avec force détails les missions de la Nasa sur lesquelles il a travaillé pendant plus d’une dizaine d’années. Ce diplômé en ingénierie spatiale calculait les trajectoires des sondes envoyées par l’agence américaine. Mais concernant la mission Mars Pathfinder, en 1996 et 1997, dont la légende - qu’il a laissée prospérer - le plaçait à la tête de l’opération, il convient d’être plus mesuré. « Son travail a d’abord porté sur la navigation [le guidage de l’engin spatial, NDLR], mais son rôle principal a ensuite porté sur la vulgarisation », raconte Donna Shirley, avec qui il a travaillé de 1994 à 1998. « Il a notamment développé le site internet et conçu le programme pédagogique pour les enfants », précise la directrice du programme d’exploration de Mars au sein du Jet Propulsion Laboratory, qui ajoute : « Cheick est un homme merveilleux, brillant, et je pense très fort à lui depuis qu’il est rentré au Mali. » Jean-Eric Boulin, à New York. Pendant ce temps, les Maliens attendent toujours un plan de sortie de crise.

Les groupes armés plastronnent chèche au vent dans l’immensité saharienne, instaurent la charia et commencent à détruire des mausolées dans la ville sainte de Tombouctou... Quant à l’opération militaire africaine préconisée par la Cedeao et l’Union africaine, Bamako n’a cessé d’envoyer des messages contradictoires plaidant surtout pour une solution nationale. Pis, le gouvernement a annoncé, le 9 juillet, la création d’un corps d’élite de 1 200 hommes pour sécuriser les institutions et reconquérir le Nord. Cela ressemble presque à une opération de torpillage des scénarios militaires élaborés par les voisins. Et les fréquents déplacements à l’étranger du Premier ministre - parfois avec l’avion présidentiel - irritent les Maliens, inquiets des dépenses qu’ils engendrent.

« Tous ces voyages ne servent à rien, s’énerve-t-on à l’Alliance IBK Mali 2012, une coalition de partis politiques qui soutenait la candidature d’Ibrahim Boubacar Keïta. Dire qu’il prétendait avoir un réseau. Tout cela, c’est de la poudre aux yeux ! »

En effet, les Maliens attendaient beaucoup du docteur Cheick Modibo Diarra et de ses connexions à l’international. Une réputation bâtie sur son expérience à la Nasa, l’agence spatiale américaine. La mission d’exploration de la planète rouge, Mars Pathfinder, ce serait lui. Sa percée médiatique date de juillet 1997, lorsque France 2 diffuse un reportage sur l’Africain de l’agence américaine. Diarra a alors 45 ans, il travaille depuis neuf ans dans le Saint des Saints de la recherche spatiale, le Jet Propulsion Laboratory (JPL), filiale de la Nasa, et est marié depuis 1993 à Assa, la fille de l’ex-président Moussa Traoré.

Son parcours est si impressionnant qu’il est nommé en 1998 ambassadeur de bonne volonté de l’Unesco, agence onusienne pour l’éducation, la science et la culture. En 1999, Diarra crée la Fondation Pathfinder pour l’éducation et le développement, qui offre chaque année des bourses d’études supérieures à des lycéennes africaines en Europe ou aux États-Unis, financée par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest. En 2002, il est recteur de l’Université virtuelle africaine (UVA), basée à Nairobi, un projet financé en grande partie par la Banque mondiale et soutenu notamment par Microsoft, avant de lancer son propre projet, l’Université numérique francophone mondiale, en 2005. Puis, en janvier 2006, Modibo Diarra devient président de Microsoft Afrique, avec pour mission d’oeuvrer à l’émergence des nouvelles technologies de la communication et de l’information.

Zones d’ombre

Voix grave et sourire débonnaire, c’est aussi un émotif qui n’hésite pas à pleurer en public, comme lors de l’agression du président de transition. Auréolé de son statut de navigateur interplanétaire et d’ambassadeur de bonne volonté, il impressionne et séduit jeunes et moins jeunes. Toutes les portes s’ouvrent devant ce colosse au verbe facile, qui parle avec les mains en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. Familier du Palais du bord de mer du temps d’Omar Bongo Ondimba, il sera nommé conseiller spécial de son fils et successeur, Ali Bongo Ondimba, en 2009. Il finit même par vaincre les réticences du méfiant Blaise Compaoré, puis à devenir régulier du palais de Kosyam.

Il n’empêche. Des zones d’ombre subsistent dans le parcours atypique de l’enfant de Nioro du Sahel, petite bourgade située non loin de la frontière mauritanienne. S’il est présenté comme le chef de la mission Mars Pathfinder, les archives de la Nasa n’en gardent pas les mêmes traces (lire encadré p. 30). Son entrée à l’UVA s’est faite en grande pompe, en 2001. Son départ, un an plus tard, a été beaucoup plus discret. Seule certitude, il a été contraint à la démission, « votée à l’unanimité par les membres du conseil d’administration », relate une source très informée. En 2003, il était un familier de la tente de l’ex-« Guide » libyen, Mouammar Kaddafi. Celui-ci l’a-t-il aidé à monter l’Université numérique francophone mondiale en 2005 ?

Quand à son titre, ronflant, de président Afrique de Microsoft, avec des bureaux à Johannesburg, en Afrique du Sud, ce n’est qu’un leurre. Les décisions opérationnelles sont toujours prises par un directeur exécutif à Johannesburg ou à Dubaï. Un « passeport » en tout cas pour celui qui a fait le tour du continent et de ses dirigeants pour défendre l’idée d’une « Afrique numérique ».

Cheick Modibo Diarra dirigera-t-il le nouveau gouvernement d’union nationale ? Pour l’heure, l’intéressé se dit « ouvert » et a annoncé le lancement de « larges consultations ». « Pas sûr qu’il reste en poste, anticipe toutefois notre diplomate ouest-africain. Diarra a de mauvais rapports avec la plupart des chefs d’État de la Cedeao : Ouattara ne le reçoit pas, et Compaoré, qui avait pourtant cru en lui, donne des signes de lassitude. Il faut des autorités crédibles, et cela passe sans doute par une miniconférence nationale pour organiser cette transition et les prochaines élections. » Avant de lâcher : « Il faut tout reprendre à zéro. »

Jeuneafrique.com



9 Commentaires

  1. Auteur

    L'indigné

    En Juillet, 2012 (17:31 PM)
    ce papier est un véritable intox digne de Jeune Afrique.

    Diarra est un patriote et il commence a voir tranquillement dans le jeu de la CEDEAO qui au fond n'est qu'un succursale du néocolonilisme et de l'imperialisme. Il voit tres bien que la solution de la CEDEAO finira par

    légitimer la separation du Mali en deux comme on commence à le voir dans bcp d'endroits en Afrique, resultat

    d'un coup de force pour une recolonisation de l'Afrique style nouvel ordre mondial.
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  2. Auteur

    Ely

    En Juillet, 2012 (17:52 PM)
    ET ses liens avec la junte militaire avant et après le coup d'Etat



    Est-ce que ce mec n'a pas été estimé exagérément pour penser être ''le PROPHèTE'' venu pour SAUVER LE MALI ET L'AFRIQUE au point d'organise ce punch militaire qui risque finalement d'être l'origine de l'EMBRASEMENT DE TOUTE LA SOUS RéGION par les ISLAMISTES !!!



    Entre la POLITIQUE ET LA RECHERCHE scientifique (appliquée ET/OU fondamentale) il y a des kms infinis de TERRES ET des MONTAGNES de DIFFéRENCE.
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    Auteur

    Bro

    En Juillet, 2012 (20:09 PM)
    j aimerais demander ce qui se serait passer si wade etait toujours au pouvoir avec la crise malienne yalla rekk mo kham lou mouy deff
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    Auteur

    Idy

    En Juillet, 2012 (21:14 PM)
    Diarra n'est rien d'autre qu'un imposteur.
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    Auteur

    Doktooru Kajoor

    En Juillet, 2012 (21:20 PM)
    Je demeure convaincu qu'un poste politique,si élevé et prestigieux soit-il,n'est pas le meilleur point de chute pour un scientifique de très haut niveau comme DIARRA. Il y a une importance accordée à la politique en Afrique qui me dépasse! Pascal LISSOUBA,le Geneticien congolais,Cheikh Anta DIOP,le senegalais,aujourd'hui ce grand scientifique malien de l'Espace,d'autres encore,qui n'ont rien reussi de bien marquant en politique, et n'ont pas eu le temps de bien enraciner la Science africaine.Je crois que c'est bien dommage.
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    Auteur

    Texan

    En Juillet, 2012 (22:42 PM)
    Cet article perd son sens de credibilite au cas ou il ne reflete pas la realite. Diarra fait la dignite de l Afrique en general et du Mali en particulier. Ceux la qui critiquent sans cesse sont les memes qui perturbent a longeur de journee pour empecher la bonne marche de l Etat malien par simple peur de vivre au depends de leur sueur comme tout le monde. Ils savent que se serait la fin a la vie facile, la corruption, la deliquence financiere, le favoristism, l anarchie et l injustice. Tous ces phenomes etaient arrives a leur apogee donc c est la phase de declin qui suit maintenant.
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    Auteur

    Ce Journal Doit Changre De Nom

    En Juillet, 2012 (02:15 AM)
    c'est indigne pour un journal qui porte le nom de l'afrique, la CDEAO et la classe politique malienne ( ceux la même qui emméné le mali aujourdhui droit au mur ) complotent contre le mali , au lieux d'aider le pays frère non, ils l'enfoncent, plus d'aide extérieur, blocus sur les armements, même les ressources propres au mali sont bloqués par L'UEMOUA,comment peut on demander des resultats au premier ministre alors que tous les jours on ne fait que saboter son travaill, M diarra est quelqu'un de réaliste, honnete et rigoureuxc , c'est l'espèce la plus detestée de nos politiques ils veulent des gens comme eux de façon à pouvoir continuer à detruire ce continent, ca fait trois mois que la cedeao nous diverti, pendant ce temps blaise continue à prendre du thé avec ces rebelles et islamiste afin de pouvoir liberer les otages occidentaux c'est plus important que des millier qui souffrent.............c'est ca l'afrique on s'en sortira jamais
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    Auteur

    Diarra N'a Rien A Faire En Pol

    En Juillet, 2012 (06:25 AM)
    Diarra avec sa carte de visite en plus utltuile au developpement technique de l'Afrique.

    Il n'a rien à faire en politique
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    Auteur

    Emigra

    En Juillet, 2012 (14:01 PM)
    Diarra et sonogo,sont les meme,sont des commplisent du cout detat, pour faire revenir le sur les mains des Bamanas. le cou detat, c'est un probleme ethique dans le Mali, voila l'histoire. le Mali va etre en genou, pluis peuvre,plus 20 en arriere, avec ces bandis, qui pense que a leur intere et non du Mali. merci
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