Mardi 23 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Afrique

Jacqueline Moudeina, avocate des victimes : «Le Sénégal n’a aucune volonté de juger Habré»

Single Post
Jacqueline Moudeina, avocate des victimes : «Le Sénégal n’a aucune volonté de juger Habré»

Le mot tant chuchoté est enfin lâché : ‘Le Sénégal n’a aucune volonté de juger Hisséne Habré’.C’est signé Jacqueline Moudeina, avocate des victimes d’Habré. Qui promet, avec toutes les organisations de défense des droits de l’homme, de mettre la pression sur les autorités sénégalaises.

Wal fadjri : Des donateurs de la communauté internationale ont promis 5,6 milliards pour le jugement d’Hissène Habré. Suffisant pour l’ouverture imminente du procès ?

Jacqueline Moudeina : C’est ce que nous attendons, c’est-à-dire un début d’instruction ordonné par le Sénégal qui a en charge l’organisation du procès d’Hisséne Habré. Le discours qui était tenu hier, c’était celui de rassembler l’argent. Maintenant, à partir d’un budget qui a été institué par l’Union africaine et l’Union européenne, 8 millions d’euros (5,6 milliards de Cfa) ont été rassemblés. Nous pensons qu’il est temps d’organiser le procès. Il faut que le Sénégal prouve sa réelle volonté politique d’organiser ce procès, en mettant en place un système qui puisse l’accueillir, et se penche sur nos plaintes déposées depuis plus d’un an sans réponse.

Croyez vous que la volonté politique du Sénégal de juger Hisséne Habré est réelle ?

Nous n’avons jamais cru en la volonté politique du Sénégal de juger Hisséne Habré. Depuis 2000, nous sommes au Sénégal avec des plaintes contre Habré qui a été inculpé dans la même année par le juge d’instruction. Ensuite, de tergiversations en tergiversations, la Haute cour de justice sénégalaise a déclaré les juridictions du Sénégal incompétentes sur le dossier. Nous nous sommes tournés vers la Belgique, en vertu de sa loi sur la compétence universelle. Nos plaintes ont été bien accueillies et, pendant quatre ans, un magistrat instructeur belge y a travaillé pour conclure en l’inculpation d’Hisséne Habré. Ce qui a obligé la Belgique à demander son extradition au Sénégal. Le Sénégal a refusé cette extradition. L’Affaire est devenue africaine, elle s’est retrouvée sur la table de l’Union africaine qui, depuis 2006, a donné mandat au Sénégal de juger Hisséne Habré au nom de l’Afrique. Depuis cette date, nous allons de report en report, et ces multiples manœuvres dilatoires nous amènent à dire que le Sénégal n’a aucune volonté politique à juger Habré.

Le Sénégal a fait des efforts tout de même avec la modification de l’article 9 de sa Constitution et de son Code de procédure pénal…

Avec ou sans Habré, il y aurait un amendement législatif au Sénégal. Ce pays a ratifié la convention contre la torture, il faut maintenant harmoniser cette convention avec les lois nationales. Donc, c’est très normal que le Sénégal revienne sur sa législation, amende sa législation. C’est dire donc qu’avec ou sans Habré, cela allait être fait. Je ne voudrais pas que l’on attache cela au procès Habré. Le Sénégal l’aurait fait, compte tenu de ses obligations internationales de toute façon.

La Cour de justice de la Cedeao opte pour un tribunal spécial pour juger Habré. Qu’en pesez-vous ?

Vous savez là aussi, c’est assez compliqué. Aujourd’hui il y a une décision de la Cour de justice de la Cedeao. Je crois que si le Sénégal, encore une fois, veut montrer sa volonté politique de juger Hisséne Habré, il ne lui sera pas difficile d’exécuter cette décision de la Cedeao. Il suffit d’adapter certains contextes à la législation nationale et aux lois existantes. Pour juger Habré, on n’a pas besoin d’ériger une cour ou un tribunal comme le tribunal de la Sierra Léone, le tribunal pour le Rwanda. Non. Je pense qu’il y a des aménagements qui pourraient être faits par le Sénégal sur le système existant pour pouvoir connaître ce dossier. Encore une fois, c’est le problème de la volonté politique qui se pose mais nous, nous pensons que cette décision de la Cedeao n’entrave en rien son pouvoir d’organiser le procès d’Hisséne Habré.

‘Habré est sous la protection de chefs religieux.Et ces gens ont du poids au Sénégal’

Quelles sont vos chances d’obtenir gain de cause ?

S’il existe un dossier solide au monde, c’est bien celui que nous avons constitué contre Hisséne Habré. Nos plaintes sont solidement confectionnées avec toutes les preuves qu’il faut. Si ces plaintes n’étaient pas solidement confectionnées, s’il n’y avait pas suffisamment de preuves qui puissent retenir l’attention des juges, nous n’aurions pas obtenu l’inculpation d’Hisséne Habré par le magistrat instructeur belge. Ce magistrat a eu un système de travail très sérieux, il s’est entouré de toutes les garanties pour pouvoir travailler sur notre dossier, lorsque nous avons déposé les plaintes. C’est le sérieux que nous y avons mis et la consistance de ces plaintes, qui ont obligé même le Magistrat instructeur Belge, à effectuer une commission rogatoire internationale au Tchad. Et sur le terrain, il a dû mener d’autres investigations pour compléter notre dossier. Tout cela a été fait et le dossier s’est avéré bien complet pour permettre à ce juge d’inculper Habré et ensuite à la Belgique de demander son extradition. Et c’est le même dossier dont nous disposons aujourd’hui avec les mêmes preuves. Et c’est avec les mêmes victimes que nous continuons la lutte. Donc la solidité, la fiabilité du dossier et des plaintes ne posent aucun problème.

Malgré tout, le dossier bloque toujours…

Lorsqu’on nous demande pourquoi le Sénégal bloque ce dossier, pourquoi il n’émet aucune volonté politique d’organiser le procès contre Habré, la première raison que nous avançons est d’abord financière. La seconde raison, c’est qu’il s’est fait une protection au niveau du Sénégal par des congrégations. Nous savons très bien qu’aujourd’hui, Hisséne Habré est sous la protection des chefs religieux et ces gens, je ne vous l’apprends pas, ont du poids au Sénégal. Nous pensons que tout cela aussi constitue un blocage pour l’organisation du procès d’Habré. Il y a un autre élément : ce dossier gène tout le monde, pas seulement le Sénégal. Ce dossier gène pratiquement tous les chefs d’Etat africains parce qu’il fera jurisprudence. Si jamais le Sénégal arrivait à organiser un procès et qu’Hisséne Habré soit jugé, je pense que cela constituerait une jurisprudence qui embêterait tous les autres chefs d’Etat. Il n’y a pas qu’Hisséne Habré qui tue en Afrique. Il y en a bien d’autres, il y a beaucoup d’Habré en Afrique et ils se défendent.



2 Commentaires

  1. Auteur

    Slt

    En Novembre, 2010 (10:56 AM)
    peut étre jes suis premier
    Top Banner
  2. Auteur

    Lebouc

    En Novembre, 2010 (10:58 AM)
    qui vivra verra louway def boppam
    {comment_ads}

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email