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Le Mozambique élit son président sur fond de boom économique

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Le Mozambique élit son président sur fond de boom économique
Les Mozambicains sont appelés aux urnes ce mercredi 15 octobre pour élire leurs députés, et surtout leur président. Qui sera le prochain locataire du Ponta Vermelha, équivalent au Mozambique du Palais de l’Elysée ? La ruée des foules aux meetings des candidats de l’opposition laisse penser que les résultats seront plus ouverts qu’aux précédentes présidentielles qui avaient confirmé la suprématie du Frelimo, le parti au pouvoir à Maputo. Le vainqueur présidera au tournant économique que vit le Mozambique grâce à de récentes découvertes de charbon et de gaz dans son sous-sol.

Une grande incertitude pèse sur les cinquièmes élections générales (présidentielle, législatives et provinciales) qui se déroulent ce mercredi au Mozambique. Si les scrutins devraient voir le Front de libération du Mozambique (Frelimo), au pouvoir à Maputo depuis près de 40 ans, préserver sa majorité au Parlement national tout comme dans les dix assemblées provinciales, les résultats du vote présidentiel paraissent beaucoup plus incertains.

« Il est possible que l’opposition remporte cette fois la présidentielle », a déclaré sur l’antenne de RFI Michel Cahen, spécialiste de l’Afrique australe. Les spécialistes du Mozambique sont nombreux à penser, comme Michel Cahen, que le candidat du parti au pouvoir pourrait être mis en ballottage, ouvrant la voie à des accords électoraux entre les partis de l’opposition pour qu’un des leurs puisse remporter au second tour.

Pour éviter un tel scénario, le Frelimo avait mobilisé, à Maputo, dimanche dernier pour le dernier meeting de campagne de son champion, les poids lourds du parti, de Graça Machel, la veuve du fondateur du parti Samora Machel et de Nelson Mandela, au poète Marcelino dos Santos, en passant par le président sortant Armando Guebuza. Cela suffira-t-il pour renverser la vapeur ?

Parti historique

Rien n’est moins sûr ! Cela dit, la défaite du Frelimo à la présidentielle, si elle devait survenir, marquerait un tournant dans l’histoire moderne du Mozambique.

Parti historique qui a mené la lutte anti-coloniale contre les Portugais, cette formation d’obédience marxiste (dogme idéologique abandonné en 1989) dirige le pays depuis son indépendance le 25 juin 1975. Après la guerre civile qui a opposé seize années durant (1976-1992) ses militants aux guérilléros de la Résistance nationale mozambicaine (Renamo) financée par l’ancienne Rhodésie et le régime d’apartheid sud-africain, le Frelimo a présidé au développement de ce pays. Sous l’égide de ce véritable parti-Etat, le Mozambique a vu son économie croître à un taux de croissance annuelle moyen de 7,4 % depuis 1994, grâce à une valorisation planifiée de ses immenses ressources extractives : charbon (gisement de Moatize), gaz naturel (3e réserves au monde), pétrole en off-shore (en cours de prospection). Le pays connaît aujourd’hui un véritable boom économique, et s’est imposé comme une destination majeure pour les investissements directs étrangers.

Ce boom est malheureusement allé de pair, ces dernières années, avec la corruption des élites politiques et le hiatus grandissant entre les riches et les pauvres. La grande majorité des Mozambicains vivent encore sous le seuil de la pauvreté, dépendants des maigres ressources d’une agriculture vivrière. Ils souffrent de la malnutrition, du chômage et de l’absence de services de base en matière de santé, d’éducation ou de transport. Le Mozambique figure à la 184e place sur 187 pays classés selon l’indice de développement humain des Nations unies.

Malgré ces défaillances, le Frelimo a réussi jusqu’ici à garder sa mainmise sur le pouvoir. A l’élection présidentielle de 2009, l’actuel président Guebuza, surnommé par ses détracteurs « Monsieur Gue-Business », a même été réélu avec 75 % des voix. Contraint par la Constitution de céder le pouvoir au bout de deux mandats, celui-ci a fait campagne pour son ministre de la Défense Felipe Nyusi lors des primaires internes organisées par le parti pour désigner son candidat pour la présidentielle.

Ingénieur de profession, formé en Europe, Nyusi, la nouvelle tête d’affiche du Frelimo, n’est pas très connu du grand public mozambicain. A 55 ans, l’homme appartient à une génération qui n’a pas participé à la lutte d’indépendance de cette ancienne colonie portugaise, contrairement aux précédents présidents mozambicains. Considéré comme un fidèle du président sortant auquel il doit sa nomination au gouvernement en 2008, Nyusi n’a pas une position confortable et doit endosser la responsabilité des affaires de corruption qui ont ponctué la vie politique pendant les années Guebuza, tout en jouant le rôle de « l’homme neuf » qu’il est censé incarner. Il est surtout victime de l’usure du pouvoir qui frappe son parti.

Surprise

La grande surprise de la campagne électorale, qui s’est terminée dimanche, est venue de la ruée de foules gigantesques aux meetings de l’opposition, notamment à ceux du chef de la Renamo : Afonso Dhlakama. A 61 ans, l’homme est un vieux routier de la vie politique mozambicaine. Pendant les années sombres de la guerre civile, il a combattu le pouvoir marxiste à la tête de son pays, avant de signer en 1992 les accords de Rome. Depuis, il s’est présenté à quatre reprises à l’élection présidentielle, mais sans succès. Ses partisans ont expliqué ces défaites par les fraudes électorales institutionnalisées pratiquées par le parti au pouvoir et par l’hégémonie de ce dernier sur la vie politique et économique du pays.

Les tensions politiques entre le Frelimo et la Renamo se sont aggravées il y a deux ans, poussant Dhlakama à reprendre le maquis et à menacer de plonger le pays dans une nouvelle guerre civile. Le gouvernement a envoyé l’armée pour déloger le vieux chef guérilléro et sa troupe de rebelles de leur cachette dans le massif du Gorongonsa, dans la province de Sofala. Mais sous la pression de la communauté internationale qui s’inquiétait pour la sécurité de ses investissements, le Frelimo a signé un accord de cessation des hostilités le 5 septembre dernier. Cet accord prévoit, outre la réintégration des anciens combattants de la Renamo dans l’armée nationale, de nouvelles lois électorales réformant la composition de la Commission nationale des élections, ce qui devrait réduire les tentatives de fraude électorale.

C’est auréolé de ces acquis que l’éternel rebelle Dhlakama s’est présenté pour la cinquième fois à la présidentielle de son pays, effectuant un retour en force spectaculaire sur la scène politique. « Aux yeux de la population, la crédibilité de Dhlakama est sortie renforcée parce qu’il s’est montré capable de faire reculer le pouvoir », a expliqué Michel Cahen du CNRS à l’antenne de RFI. Pendant la campagne, ses moindres déplacements et meetings ont drainé des foules immenses, dont beaucoup de jeunes qui n’ont pas connu la guerre civile et qui viennent voir de leurs propres yeux ce mythe vivant de leur histoire. Frustrés par le chômage et l’absence de perspectives dans la société mozambicaine, les jeunes sont aussi séduits par le discours anti-Frelimo du vieux guérilléro, mettant en cause les apparatchiks qui s’intéressent moins au bien-être des gens qu’à se mettre de l’argent dans les poches.

Malgré l’enthousiasme populaire inattendu qu’a suscité la campagne du chef charismatique de la Renamo, les analystes se montrent plutôt sceptiques sur les chances de ce dernier de transformer la popularité en votes sonnants et trébuchants. Ils estiment en revanche que si Dhlakama parvient à se maintenir au second tour, il aurait des chances sérieuses de faire mordre la poussière au candidat frélimiste, et cela grâce à l’alliance avec l’autre parti de l’opposition, le Mouvement pour la démocratie pour le Mozambique (MDM).

Le MDM est la force politique montante du Mozambique. Son fondateur, Daviz Simango, 50 ans, est un ancien de la Renamo et le maire de Beira, la deuxième ville du pays. Le MDM qui a fait une percée spectaculaire aux élections municipales en 2013, en enlevant deux capitales de province au Frelimo, s’est imposé comme la troisième force politique du Mozambique. Candidat à la présidence pour la deuxième fois consécutive, Simango, qui n’avait remporté que 8 % des voix à la présidentielle de 2009, a multiplié des signes d’ouverture envers son adversaire de la Renamo, laissant présager la possibilité de rapprochement entre les deux en cas de second tour.

Faute de sondages, il est difficile de prévoir pour qui les 11 millions de Mozambicains vont voter ce mercredi. Mais le déroulement de ces élections est suivi attentivement par les investisseurs occidentaux, mais aussi brésiliens, chinois et surtout sud-africains. Ils ont investi massivement dans les secteurs porteurs des industries d’extraction du Mozambique qui ont le potentiel de transformer l’économie de ce pays en l’espace d’une décennie en une des économies les plus dynamiques de la région. Et ils n’apprécient pas outre mesure l’incertitude que les élections 2014 font peser sur l’avenir de leur poule aux œufs d’or.


2 Commentaires

  1. Auteur

    Pharoah

    En Octobre, 2014 (11:03 AM)
    Des qu'un pays Africain trouve du pétrole (Algérie ,Lybie , Nigéria , Gabon ,Angola , Mozambique ) le pouvoir en place s'enrichit honteusement pendant que le reste de la population vit au niveau du seuil de pauvreté.....finalement les plus grands prédareurs sont les Africains eux mèmes  :tala-sylla:  :tala-sylla: 
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  2. Auteur

    Mounos

    En Octobre, 2014 (12:39 PM)
    Si les Mozambicains arrêtaient de procréer des millions d'enfants, pauvres comme riches, avec les richesses découvertes ces trois dernières années, dans vingt ans, avec une bonne éducation de tous les enfants, ils seront au même niveau que beaucoup de pays Européens ! Il ne suffit pas d'avoir des richesses naturelles pour vivre mieux, il faut que l'éducation soit obligatoire comme à CUBA et que ce pays formes des dizaines de milliers médecins, d'infirmiers et de tout personnel de santé, sans oublier de qualifier les jeunes dans divers métiers utiles !
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