Jeudi 28 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Afrique

Maroc : Jérada, chronique d’une colère annoncée

Single Post
Manifestation à Jérada le 26 décembre 2017. La population demande une "alternative économique", de l'emploi et la fin de la marginalisation.

Depuis cinq jours, les habitants manifestent dans les rues, suite à la mort de deux mineurs. Un drame qui n'a fait que révéler la grogne qui couvait dans cette région pauvre et en retard sur le développement. Récit des événements.

Ils s’appelaient Houcine et Jedouane, deux frères âgés respectivement de 23 et 30 ans. Vendredi 22 décembre, ils ont trouvé la mort dans une mine désaffectée de Jérada dans le nord-est du Maroc. La mine est fermée depuis 1998, mais les habitants de la région continuent d’y extraire du charbon d’une façon clandestine et artisanale, sans aucune mesure de sécurité, risquant ainsi leur vie.

« Ce jour-là, l’eau est remontée dans le puits. Ils étaient trois en tout. Un a pu sortir du trou et sauver sa peau. Mais les deux autres y sont restés prisonniers. Il n’y avait personne pour les secourir. Alors, ils sont morts noyés. Leurs corps n’ont pu être retirés que le lendemain », explique Bousmaha Bahloul, représentant de la section locale de l’Association marocaine des droits humains (AMDH).

Depuis, la population est dans la rue. Deux jours avant le drame, elle avait déjà protesté contre la hausse des prix des factures d’eau et d’électricité. Mais depuis la mort tragique des deux frères, les foules se sont multipliées pour devenir des milliers. Ce mercredi 27 décembre, pour le cinquième jour consécutif, les habitants se sont rassemblés pour marcher encore une fois sur la municipalité, dirigée par un élu du Parti authenticité et modernité (PAM, opposition). Ils réclament la fin de l’injustice, plus d’emplois et « une alternative économique » pour leur région marginalisée.

Alerte sur le chômage

Il y a deux semaines, ce parti qui dirige également la région frondeuse d’El Hoceima – à travers son secrétaire général, Ilyass El Omari – avait sonné l’alarme. Le député de Jérada, Mustapha Toutou, avait alerté sur le taux de chômage en augmentation dans sa ville et dont les femmes en pâtissent essentiellement (voir graphiques en bas).

La gronde couvait déjà. Ce n’est pas la première fois que des mineurs clandestins périssent dans cette mine de la mort. Depuis sa fermeture, plus d’une centaine de personnes y avaient laissé leur vie, selon le représentant de l’AMDH.

Cette fois-ci, avec ce terrain favorable, les contestations ont pris de l’ampleur. De novembre 2016 à juillet 2017, El Hoceima, la ville voisine (à 270 km dans le nord), avait marché en masse suite au décès tragique d’un poissonnier. Et en octobre dernier, Zagora, au sud du Maroc, a répliqué par « les marches de la soif ». Victimes de la sécheresse, ses habitants avaient protesté contre la rareté de l’eau.

Même modus operandi qu’El Hoceima

Il suffisait donc d’une petite étincelle pour que le feu prenne à Jérada, bourgade de 108 727 habitants, qui vit essentiellement de l’activité minière clandestine et de l’élevage. La contestation y a d’ailleurs suivi le même scénario que celui d’El Hoceima. Depuis les décès tragiques des deux mineurs, des milliers de gens sortent dans les rues chaque jour. Ils marchent spontanément, sans encadrement politique ni associatif.

C’est tout le modèle de développement du Maroc qui doit être repensé pour permettre une jonction plus solide entre l’économique et le social

Sur les réseaux sociaux, cette contestation a même été baptisée « le Hirak de Jérada », réplique du « Hirak du Rif ». « Comme ce qu’il s’est passé à El Hoceima, les gens ne croient plus en les partis politiques et les ONG. Ils demandent justice eux-mêmes », fait remarquer un acteur politique local.

De grands projets, mais…

Pourtant, les pouvoirs publics y ont investi plusieurs milliards de dirhams. En mars 2003, le roi du Maroc, alors en déplacement à Oujda, avait même initié une importante politique de développement dans toute la région de l’Oriental. Aux frontières avec l’Algérie, cette région a longtemps vécu de la contrebande. Mais depuis la fermeture des frontières en 1994 et le durcissement des contrôles qui s’en est suivi, la précarité a augmenté. Elle a été aggravée par l’arrêt de l’activité minière à Jérada – pour des raisons de rentabilité – et les sécheresses répétitives.

Routes, stations touristiques, pôle industriel… La région de l’Oriental a changé. Elle compte même une des grandes stations thermo-solaires de l’Afrique du Nord, celle de Ain Béni Mathar, qui a une production annuelle de 470 méga watts. Mais, comme à El Hoceima, ces projets n’ont pas eu une incidence directe sur la vie des gens. « C’est tout le modèle de développement du Maroc qui doit être repensé pour permettre une jonction plus solide entre l’économique et le social », explique un acteur politique de la région.

Le roi du Maroc avait déjà appelé à un changement du modèle de développement, jugé obsolète. Le 13 octobre, dans un discours devant le parlement, il avait ainsi estimé que ce modèle s’était avéré inapte à satisfaire « les demandes pressantes et les besoins croissants des citoyens à réduire les écarts territoriaux et à réaliser la justice sociale ».

Les contestations qui ont eu lieu cette année dans plusieurs petits villes montrent qu’il y a urgence.

 


1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Décembre, 2017 (13:23 PM)
    Nous devons mettre de l'ordre et organiser notre maison, afin que chacun puisse disposer des moyens de s'assurer la vie de son choix et d'avoir un bon niveau de vie.

    Ceux qui ont doivent faire attention de ne pas trop tirer la couverture à eux,

    ils doivent aussi faire attention de ne pas freiner tout progrès par peur de perdre leurs acquis.

    Le monde va de l'avant et l’intelligent sais qu'il est préférable d'accompagner le mouvement que de chercher à le freiner.

    Vive l'Afrique de l'Ouest !

    UNITED WE STAND !
    Top Banner

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email