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Afrique

Niger – Hassoumi Massaoudou : « Jusqu’à présent, nous avons tenu bon »

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En juillet 2015, à Paris. Proche du président Issoufou, Hassoumi Massaoudou passe pour être l’un de ses « sécurocrates ».

À Niamey, on le considère davantage comme un « sécurocrate » que comme un économiste.

Ces dernières années, Hassoumi Massaoudou avait pris en main – et avec poigne – le ministère de l’Intérieur puis celui de la Défense. Difficile alors d’imaginer cet ingénieur de formation, réputé proche du chef de l’État, aux Finances. C’est pourtant le portefeuille dont il a la charge depuis le remaniement d’octobre.

« Nous voulions imposer une gestion rigoureuse des finances publiques », justifie une source proche du Premier ministre. Surtout, les dépenses de sécurité font désormais partie des préoccupations majeures des argentiers nigériens, priés de fournir à l’armée les moyens de tenir les frontières libyenne, malienne et nigériane.

Jeune Afrique : Vous avez occupé le poste de ministre de l’Intérieur, puis celui de ministre de la Défense. Aujourd’hui, vous êtes aux Finances. Est-ce le signe d’une volonté de reprise en main des comptes publics ?

Hassoumi Massaoudou : Je pense que le président et le Premier ministre ont tenu compte des menaces que nous subissons. Pour l’instant, nous avons fait face avec efficacité, puisque aucun groupe terroriste n’a réussi à s’implanter sur notre territoire. Lorsque j’étais à la Défense, je m’interrogeais déjà sur la manière dont on pouvait financer cet effort. Il est donc logique que je poursuive ce questionnement aux Finances. Il n’y a pas de discontinuité entre ces deux postes.

Le Niger a-t-il vraiment les moyens d’assumer ces impératifs sécuritaires ?

Nous y sommes parvenus jusqu’à présent. Depuis cinq ans, nous y avons consacré près de 10 % de nos recettes budgétaires, et nos investissements en la matière ont été multipliés par quinze. Les besoins sont immenses, et nous allons maintenir le même niveau de dépenses.

Mais, dans le même temps, il faudra faire face aux impératifs en matière de développement, d’éducation, de santé et d’agriculture. Il nous faudra assurer le fonctionnement normal des services de l’État. De plus, nous faisons face à un contexte inattendu avec la récession qui sévit au Nigeria. Cela a eu un impact sur les flux commerciaux.

Êtes-vous touchés par la chute des cours du pétrole ?

Nous sommes un petit producteur de pétrole, avec environ 20 000 barils par jour, qui permettent essentiellement de subvenir à nos propres besoins, même si une petite partie est exportée dans la sous-région. Donc oui, la chute des cours nous a affectés, mais je pense que nous allons très vite sortir de cette situation et que les prix vont repartir à la hausse. D’ailleurs, nous souhaitons passer à une production de 80 000 barils par jour d’ici à quelques années.

Êtes-vous aussi optimiste quant aux perspectives dans le secteur de l’uranium ?

Non. J’ai plutôt l’impression que nous nous installons durablement dans une période de cours très bas et nous nous préparons, par conséquent, à une période de recettes très faibles.

Quand l’exploitation de la mine d’Imouraren pourra-t-elle reprendre ?

Difficile à dire. Cela devrait pouvoir se faire autour de 2020. Il est essentiel pour le Niger qu’elle reprenne le plus tôt possible, mais le site devra sans doute être de dimensions plus modestes et subir des aménagements. Il faudra ensuite monter en puissance progressivement en attendant des conditions plus favorables.

Ce contexte économique tendu est-il synonyme de rigueur et de coupes budgétaires ?

Nous allons maintenir le niveau de dépenses dans la sécurité et l’agriculture – en ce qui concerne la petite paysannerie, l’irrigation et l’environnement, pour lutter contre la dégradation des sols. Sur cinq ans, nous avons eu trois années de sécheresse mais aucune crise alimentaire majeure. Il faut continuer. D’autres secteurs risquent d’être affectés. Ces dernières années, nous avons par exemple beaucoup investi dans la construction d’infrastructures. Ce que nous avons fait est extraordinaire, mais nous allons devoir marquer une pause.

Quelles sont vos prévisions de croissance ?

Nous avons actuellement un taux de croissance de 4,5 %, avec une inflation très faible, inférieure à 3 %. L’année prochaine, nous serons à 5 %. Le cadre macroéconomique est donc assez bon, et nous venons de signer un accord avec le FMI pour un nouveau programme. Nous sommes sur les rails pour régler nos problèmes de trésorerie, qui sont essentiellement liés au surinvestissement de ces dernières années.

N’est-ce pas aller un peu vite en besogne, sachant que la croissance démographique au Niger est de 3,9 % ?

Effectivement, notre croissance démographique ne nous laisse que 0,6 % de gain, ce qui est très faible. Il faut que nous agissions là-dessus, sinon notre démographie va absorber tous nos efforts. Un nouveau ministère, celui de la Population, a été créé, mais ce sont des choses qui prennent du temps. Il y a beaucoup de résistances culturelles. Nous sommes déterminés à les combattre et à engager les réformes.

L’opposition n’est pas atone. Il n’y a chez nous, ni « Etat-PNDS » ni projet totalitaire

Le Niger devait prendre, en novembre 2015, la présidence de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Pourtant, à la suite d’un différend avec le Sénégal, cela ne s’est toujours pas fait. Où en est-on ?

Un accord avait été adopté à l’unanimité par les chefs d’État des pays membres pour qu’un Nigérien succède au Sénégalais Cheikh Hadjibou Soumaré. Pourtant cela ne s’est pas fait. L’accord qui avait été passé est toujours valable, et il est normal qu’un Nigérien prenne la présidence de la Commission. Nous en discuterons au prochain sommet de l’organisation.

Des députés nigériens ont introduit des amendements à l’article 52 de la Constitution, qui interdit aux élus nationaux de prendre part aux marchés publics. Selon vous, cet article doit-il être modifié ?

Je ne le pense pas. Le gouvernement estime que cet article est pertinent et qu’il ne doit pas être modifié.

Hama Amadou est en exil, Seini Oumarou a rejoint la majorité présidentielle… L’opposition nigérienne paraît très affaiblie. Le Niger est-il aujourd’hui entièrement contrôlé, comme certains de vos détracteurs le disent, par le Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir) ?

Pas du tout. Seini Oumarou a répondu à l’appel à l’union nationale lancé par le chef de l’État, et c’est une très bonne chose. Cette pratique n’est pas nouvelle au Niger, puisque Mahamadou Issoufou prône ce type d’alliances depuis 1999. Quant à Hama Amadou, il est en exil volontaire, mais peut revenir quand il le souhaite sans être inquiété.

En outre, son parti, le Moden-Lumana, fonctionne et représente l’opposition à l’Assemblée nationale. J’ajoute que, dans la période qui a précédé l’élection présidentielle de mars, l’opposition s’exprimait de façon très extrême et violente. Elle est certes revenue à une démarche plus conforme à la démocratie, mais n’est pas pour autant atone.

Cela étant dit, des postes importants sont tenus par d’autres partis que le nôtre : c’est le cas des Affaires étrangères, de l’Agriculture ou de l’Environnement. Il n’y a au Niger ni « État-PNDS » ni projet totalitaire.



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