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Franc CFA, mort programmée d’une monnaie vassale

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Ahmadou Al Aminou Lô, Directeur national pour le Sénégal de l’Agence principale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO)

Ahmadou Al AminouLô, directeur national pour le Sénégal de l’Agence principale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), s’exprimant lors d’un point de presse, au terme de la rencontre trimestrielle avec les directeurs de banques et établissements financiers, a relevé récemment la crédibilité du franc CFA qui, selon lui, remplit toutes les fonctions d’une monnaie.

Il dit :«C’est une unité de compte, toutes les monnaies peuvent s’en réclamer, un intermédiaire dans les échanges puisqu’il y a des monnaies qui n’y arrivent pas dans certains pays où il y a la dollarisation. C’est une réserve de valeur qui permet de faire une épargne et de ne pas perdre en valeur ou en pouvoir d’achat.»

Ensuite, il poursuit : «Quand une monnaie remplit toutes ces trois conditions, c’est une excellente monnaie, ce qui est le cas du franc CFA.»

Enfin, le directeur national de la Bceaoconclut : «Au-delà des pays de l’Union, la monnaie circule dans d’autres juridictions telles que la Gambie, le Nigeria et le Ghana.»

«Deux éléments essentiels»

Ce haut cadre est certainement un technocrate compétent mais sa posture administrative, seule, devrait expliquer son raisonnement. La nôtre aussi, qu’il nous soit permis, nous pousse à récuser ses arguments.

En effet, deux éléments essentiels qui, à notre sens, font la monnaie justifient le rejetintégral du franc CFA et la nécessité d’instaurer une véritable souveraineté monétaire.

D’abord, la monnaie est effectivement un signe éminent de souveraineté. Cette dernière est à prendre au propre comme au figuré ; en ce que la monnaie reflète la puissance politique (et accessoirement économique) de celui qui l’émet, en l’occurrence l’Etat, aujourd’hui.

Hier, le souverain qui mettait en place sa monnaie, fut-il de singe, imposait de par sa force, au sens littéral, le respect de l’instrument qu’il adoube comme moyen de transaction dans les territoires qu’il domine. C’est donc le bras armé du dominateur. D’ailleurs, la France dominée par l’Allemagne en a fait l’amère expérience lorsque l’armée nazie a arrimé le franc au mark allemand avec un taux de convertibilité ridiculement bas.Pour le nazi Hermann Goering,«le franc n’a pas besoin d’avoir plus de valeur qu’un certain papier réservé à un certain usage».

Historiquement, au sortir de la guerre et dans le sillage des péripéties coloniales qui fatalement allaient aboutir aux déclarations d’indépendance, la France a voulu maintenir sa domination sur ses anciennes colonies d’Afrique en retenant cette leçon de domination monétaire qu’elle connaissait déjà. Autant dire :«donner par la main droite ce qu’on retient de la gauche» !

Moins d’un siècle plutôt, l’armée française défaite à Sedan, l’Allemagne ragaillardie créa le mark. Ceci brisa le rêve d’un franc fort avec des velléités de monnaie mondiale. Ironie de l’histoire, le mark-or du nouveau Reich fut fondé, et même physiquement fondu, à partir des 5,3 milliards de francs d’indemnité de guerre imposée à la France vaincue. Le tiers de l’or frappé en marks de 1871 à 1878 provenait de Paris, et 120 millions de marks tirés de cette indemnité colossale furent stockés dans la tour Julius à Spandau, près de Berlin, à la fois pour gager des billets du Reich et comme«trésor de guerre».

«N’en déplaise aux autorités de la Bceao…»

Ensuite, n’en déplaise aux autorités de la BCEAO, une fois de plus liées par leur devoir de loyauté aux mécanisme et institutions auxquelles elles dépendent, la monnaie est un outil privilégié de politique économique. Actuellement, aucune stratégie monétaire souveraine ne peut véritablement être déployée par nos Etats. Autant dire que lorsque le levier monétaire doit être activé par le biais d’une évaluation ou dévaluation (suivant que l’on augmente ou que l’on réduise le cours de la monnaie), dans notre zone, le décideur principal demeure les autorités de la Banque centrale européenne et par ricochet la France. Donc, pour sûr, l’arbitrage ne se fera pas dans le sens des intérêts africains.

Dès lors, contrairement aux autres juridictions souveraines, nous n’avons pas l’entière liberté d’abaisser le cours du franc CFA (dévaluation) par rapport à l’euro et aux autres grandes monnaies telles le dollar ou le yuan chinois, pour booster notre compétitivité (les exportations vont se faire plus facilement), raffermissant ainsi la balance des paiements (les biens importés vont nous revenir plus chers).

Finalement, nous ne reviendrons pas ici sur le débat ponctuel quoique non négligeable des réserves d’or importantes de nos Etats gardées par la France pour dit-on garantir la viabilité du franc CFA. Car, pour nous, c’est juste le trésor de guerre resté chez le conquérant. Un jour ou l’autre, le faible aura toujours assez de force pour réclamer ses droits. L’histoire nous l’apprend : si toute tyrannie se nourrit de la couardise de ses suppôts, elle flétrit au contact du temps, seul maître de nos destins. Si nos gouvernements actuels tremblent encore devant les bruits de botte coloniale, demain, une génération perpétuera le génie des pyramides.

Dr Abdoulaye NIANE, Enseignant Chercheur, UADB


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