En Afrique de l’Ouest, les femmes sont des actrices majeures du travail rural. Pourtant, elles ne représentent qu’une part infime dans les indicateurs de développement économique ou dans la proportion de propriétaires fonciers. Un manque de reconnaissance et une discrimination dans l’accès à la terre. Une situation à laquelle les intervenants des Collèges des femmes comptent bien remédier.
«Si nous parvenons, un jour, à mettre la femme à sa place dans notre société, c’est à ce moment-là que nous serons réellement développés», a déclaré mardi, Mouhamadou Lèye, directeur pays du Centre canadien d’études et de coopération internationale (Ceci) au Sénégal, lors de la séquence d’ouverture de l’atelier régional d’échanges sur les pratiques d’accès des femmes au foncier et de définition d’un plaidoyer commun pour porter l’accès des femmes à la terre. Ces trois jours de réflexion rassemblent, notamment des représentants des Collèges des femmes du Roppa (Réseau des organisations paysannes et de producteurs de l’Afrique de l’Ouest) et du Cncr (Conseil national de concertation et de coopération des ruraux).
Comme le souligne M. Lèye, l’enjeu est de taille, il y va du développement du secteur rural de la région ouest-africaine. Un «problème crucial», selon Oumou Khaïry Diallo, secrétaire générale du Collège des femmes du Cncr. Ndèye Yandé Ndiaye, membre de l’Association des juristes sénégalaises, rapporte que les femmes représentent 70% de la main-d’œuvre paysanne, mais ne détiennent pas plus de 3% de terres cultivées, le rapport de l’atelier parle même d’«à peine 1%». Pourtant, au plan législatif, les femmes bénéficient de textes qui condamnent la discrimination en matière d’accès au foncier mais la gouvernance locale et la gouvernance foncière en particulier font fi de ces lois.
«Ce faible accès des femmes à la terre est lié à des facteurs socio-culturels comme les pesanteurs sociales, les systèmes de transmission de la terre, les pesanteurs économiques, la non-prise en compte de la dimension genre dans les politiques agricoles mais aussi à un déficit d’information sur les droits économiques et sociaux des femmes», développe Mme Yandé Ndiaye. Il y a donc des paramètres culturels, sociaux, religieux et des coutumes qui rentrent dans l’équation. C’est là que la question devient sensible.
Face à ce défi, les représentant(es) vont échanger autour de leurs expériences diverses. Certains viennent de la Gambie, de la Guinée Conakry ou encore du Burkina-Faso… L’objectif final de l’atelier est donc «l’identification d’axes stratégiques pour un plaidoyer portant sur l’accès des femmes à la terre», comme l’explique Samba Guèye, président du Cncr. L’idée est de faire justice aux femmes, mais aussi de renforcer l’économie rurale. Il s’agit de «permettre aux femmes de bien produire, de bien transformer dans le cadre de l’économie. On ne peut pas se développer si on a pas accès aux facteurs de production», assure Fouleymatou Camara, présidente du Collège régional des Femmes du Roppa et de la Fédération des organisations paysannes de la basse Guinée-Conakry.
Les négociations et le travail sur les mentalités se feront sur la base du dialogue. On ne sait pas encore de quoi sera composé le plaidoyer mais on sait déjà de quoi il ne sera pas fait. Diplomatiquement, Oumou Khaïry Diallo a expliqué qu’«il ne doit pas non plus s’appuyer sur un discours philosophique tendancieux sur l’égalité des sexes ou être une tribune contre les hommes, la coutume ou la religion». De plus, ses ambitions en la matière dépassent les frontières de la région et même du continent. «Nous n’allons pas nous arrêter au niveau du Sénégal, nous n’allons pas nous arrêter au niveau de la sous-région, mais nous voulons porter ce combat jusqu’au niveau international», conclut-elle.
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