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Economie

COMPETITIVITE : Pourquoi l’économie sénégalaise tarde à décoller ?

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COMPETITIVITE : Pourquoi l’économie sénégalaise tarde à décoller ?

Le Sénégal est confronté depuis son indépendance à la problématique du développement économique et social et aux contraintes structurelles d’un pays anciennement colonisé. La croissance économique reste faible et nous sommes encore largement dépendants de l’aide publique au développement. Cette situation résulte de 52 années de pratiques qui n’ont jamais intégré l’impérieuse nécessité de bâtir une vision sur le long terme pour repenser le mode de création de richesses d’un pays pauvre sans ressources naturelles. Soit 52 années qui peuvent et doivent être passées en pertes et profits.

 

Ce fut d’abord 40 ans de régime socialiste où la priorité consistait à reconduire le modèle d’une ‘‘économie de traite’’ au service de l’Hexagone. Le mode de fonctionnement avec des fonctionnaires bureaucratiques, centré sur ‘‘la dictature des Administrateurs civils’’, a certes permis de bâtir les fondements d’un Etat républicain mais il n’y a jamais eu l’émergence d’une vision pour positionner le Sénégal comme pays émergent.

 

Puis, 12 années d’un régime, qui se disait libéral, du moins ‘‘affairiste’’, avec certes des avancées significatives en termes d’infrastructures, mais avec toujours cette absence de vision sur le long terme. Toute la stratégie était plus centrée à ‘‘gagner la prochaine élection’’. Soit 12 années, couronnées par la destruction de pans entiers de l’économie, son ‘‘informalisation’’, la floraison des agences, la désacralisation des fonctions régaliennes de l’Etat… Mais aussi, la destruction de certaines valeurs fortes qui donnaient envie de continuer à entreprendre au Sénégal.

 

Et comment peut-on continuer à fermer les yeux sur l’inefficience de la Senelec qui plombe la compétitivité des entreprises ? Comment, peut-on laisser les rares secteurs qui créent de la valeur dans ce pays, otage du secteur informel ?

 

Les pistes de solution pour relancer l’économie existent. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions. Cette relance, ce n’est pas la Banque Mondiale ou le FMI qui la feront. Notre situation de pays pauvre ne nous donne pas forcément le choix, mais il faut se rendre à l’évidence que ces organisations sont composées de fonctionnaires qui, comme tous les fonctionnaires n’ont aucune obligation de résultats. Ils considèrent nos pays (ceux du sud en particuliers) comme de simples ‘laboratoires’.

 

Il existe plusieurs axes qui peuvent permettre de relancer certains pans de l’économie, mais cependant certains semblent prioritaires.

 

La place des PME dans notre économie

 

La priorité de la relance de l’économie sénégalaise a toujours été le soutien des ‘‘grandes entreprises’’, essentiellement à cause de leur contribution aux recettes fiscales. Des sommes colossales ont été dépensées ces 30 dernières années pour en faire des leviers de croissance de l’économie sénégalaise. Mais, la plupart des programmes ont connu des résultats assez mitigés parce que d’une part, ils n’ont pas de systèmes intégrés. D’autre part, dans la plupart des cas, ces programmes mettent en place d’énormes ressources sans en assurer l’utilisation efficiente (en termes de management. Ce qui est, somme toute, un énorme gâchis…

 

La performance du secteur des PME n’est pas seulement vitale pour des raisons économiques, mais aussi une exigence rationnelle de la stabilité politique et la viabilité économique. Les PME apparaissent, aujourd’hui, comme des acteurs importants de la croissance économique. Elles constituent un levier essentiel de la lutte contre la précarité, le chômage et le sous-emploi. Il serait difficile d’enclencher une relance sans une dynamisation des PME.

 

Le financement de notre économie

 

La structuration de l’offre de financement n’est simplement pas adaptée à notre économie, en dépit d’une forte tendance à l’implantation des banques, notée depuis quelques temps. Mais, force est de noter que la plupart des institutions financières sont sous le contrôle de groupes étrangers dont les ambitions et objectifs ne cadrent pas souvent avec les impératifs de développement.

 

Les aspects de rentabilité et de maîtrise des risques sont prépondérants dans l’appréciation des requêtes de financement des projets. Ce qui amène les institutions financières à souvent privilégier des financements à court terme au détriment des ceux à moyen et long terme.

 

Il existe d’autres leviers à explorer comme les banques de développement ou les fonds de garantie qui sont, aujourd’hui, reconnus au niveau mondial comme de puissants catalyseurs d’investissement. Ces deux leviers complémentaires s’avèrent indispensables dans un bon dispositif de promotion des PME.

 

Pour qu’elles soient viables, ces institutions doivent être bien gérées et correctement alimentées en ressources

 

L’optimisation du dispositif d’appui au Secteur privé

 

L’état des lieux révèle un cadre institutionnel de l’appui au Secteur privé, caractérisé par une multiplicité des documents de politique publique. En effet, il n’existe pas un document de référence avec une stratégie englobant l’ensemble des problématiques de l’appui au Secteur privé et déclinant des axes clairs et précis d’intervention autour desquels se retrouvent l’ensemble des acteurs impliqués.

 

Une autre faiblesse, non moins importante, touche la gouvernance. C’est le cas pour le choix des directeurs d’agences qui relève des prérogatives exclusives de l’autorité politique qui, par décret, les nomment. Ce qui n’est pas la meilleure stratégie quand on cherche l’efficacité. Le problème de la gouvernance interpelle aussi les partenaires au développement qui jouissent, parfois, de marges de manœuvre excessives et qui ont tendance à se conformer plus à la volonté de leurs Etats qu’aux exigences et réalités locales du Sénégal.

 

Les pistes de solution devraient s’articuler autour de la redéfinition du cadre institutionnel de l’appui au Secteur privé. L’Etat doit réaffirmer, sans équivoque, sa volonté politique de faire du Secteur privé, le moteur du développement économique du pays. Cela implique l’adoption d’une nouvelle Lettre de Politique sectorielle, basée sur un large consensus de tous les acteurs. Elle devrait aider à avoir une plus grande cohérence et une meilleure visibilité de l’appui au Secteur privé.

 

Cette redéfinition du cadre institutionnel doit nécessairement être accompagnée par un dispositif amélioré de la gouvernance des structures d’appui, les agences en particulier. Ce nouvel dispositif doit poser des règles plus transparentes dans le choix des directeurs et cadres des structures d’appui, mais aussi instaurer un référentiel comptable et des règles de contrôle plus proches de ceux qui sont en vigueur dans les sociétés de droit privé.

 

Le nouveau régime semble avoir compris les enjeux de l’agriculture, comme pilier de relance de l’économie sénégalaise. Cependant, le problème n’est pas seulement la production mais la commercialisation… Il faut un système intégré qui prenne en compte cette dimension. Des efforts importants ont été faits pour améliorer la production du riz et de l’oignon mais on bute sur l’éternel problème de la commercialisation. Notre marché intérieur semble assez étroit. C’est par un renforcement des capacités à l’export qu’on y arrivera. Cependant, mettre à la tête de la structure (ASEPEX), qui doit piloter toute la stratégie d’exportation de l’Etat du Sénégal, un pharmacien, semble décalé par rapport aux ambitions. Le bon sens doit primer sur les arrangements politiques…

 

Le lancement imminent du Fonds de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP), avec la nomination de son Administrateur, semble être un signal très fort pour améliorer l’accès des PME aux financements. Il montre la volonté des nouvelles autorités de placer la problématique de la compétitivité au cœur de la stratégie de promotion et de développement des PME. Cette promotion des PME peut permettre de corriger le contraste entre l’importance numérique des PME (90% des entreprises au Sénégal) et leur niveau de contribution dans l’économie nationale, notamment dans la création d’emplois (30%), la constitution du chiffre d’affaires (25%), la valeur ajoutée nationale (20%).

 

Cependant, l’accompagnement opérationnel des PME financées s’avère tout aussi important. La mise en place du FONGIS devrait être accompagnée par la création d’une nouvelle nouvelle race d’entrepreneurs responsables. Toute idée de projet doit être analysée en rapport avec sa contribution au développement économique et social. A cet effet, intégrer le FONGIP à l’ADEPME et en faire son bras financier semble plus pertinent en termes d’efficience et d’optimisation des ressources.

 

Désamorcer la bombe sociale

 

Au Sénégal, 54% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Aussi, le coefficient de dépendance ou le rapport entre l’effectif de la population d’âges généralement inactifs- soit de 15 ans et de 65 ans ou plus- et l’effectif de la population en âge de travailler entre 15-64 ans est de 86% en 2011.

 

Sur le marché de l’emploi, il y a, chaque année, 200 000 nouveaux arrivants. Le Secteur privé ne permet d’offrir que 30 000 emplois par an. Alors, il subsiste donc, chaque année, quelque 170.000 demandes d’emplois résiduels à satisfaire.

 

Aussi, malgré une croissance économique faible et une forte dépendance à l’aide publique au développement, il est plus qu’urgent d’anticiper sur la réduction de l’aide, bâtir une économie compétitive et désamorcer la bombe sociale qui menace notre existence en tant que nation. La compétitivité d’une économie nationale est la capacité de son secteur productif à satisfaire la demande intérieure et étrangère avec, en arrière-plan, l’objectif d’une hausse du niveau de vie des résidents du pays concerné. Nous en sommes très loin…

 

Le gouvernement devra prendre, à bras-le-corps, la question de l’emploi à travers la création d’une économie compétitive, créatrice d’emplois décents, résiliente aux chocs externes. La demande d’équité est aussi très forte ainsi que la demande de gouvernance.

 

Ces demandes émanant des populations ne peuvent se traduire que par une redevabilité plus accrue au niveau des politiques publiques et donc par une meilleure organisation de l’Etat pour satisfaire ces préoccupations.

 

Enfin, 52 ans avec respectivement un poète, un fonctionnaire & un affairiste passés en pertes et profits, nous ne pouvons plus nous permettre un tel gâchis.

 

L’état de l’économie sénégalaise au lendemain des élections présidentielles de 2012 et sa structuration ne permet pas créer 500.000 emplois encore moins une croissance de 9% à l’horizon 2017. Il faut tenir un langage de vérité aux populations & travailler sur le long terme, ce n’est pas en 5 années qu’on arrivera redresser 52 années de pilotage à vue.

 

La jeunesse sénégalaise a déjà montré un certain 23 juin 2011 que rien ne sera plus comme avant. L’homme politique, qui mettra l’économie du Sénégal sur les rails, sera celui-là qui pensera à la prochaine génération. Celui-là qui bâtira une vision créatrice de richesse. Ce sera celui-là qui sera probablement sanctionné à la prochaine élection parce qu’il aura pris ‘les mesures impopulaires’ qui feront le Sénégal de demain mais il aura surtout sauvé le Sénégal d’un cahot social… comme un certain Jerry John Rawlings.



8 Commentaires

  1. Auteur

    From Banker

    En Juillet, 2013 (17:18 PM)
    excellent article, tres pertinant
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  2. Auteur

    Kewrith

    En Juillet, 2013 (17:40 PM)
    Le senegal est l´un des pays les plus aides en afrique mais depuis senghor jusqu´a present nos gouvernements ont toujours detourne des milliards sans soucis et que nous avons une justice corropues etpuis trop de politique car a peine elus les politiciens ne se soucient guere de ce a quoi ils ont ete elus mais passent le plus clair de leurs temps a faire de la politique et pensent deja a leur reelection enplus de la corruption.
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    Auteur

    1234

    En Juillet, 2013 (17:58 PM)
    Excellent article. Chers amis aidez moi. Lorsque je mets mon pseudo pour commenter on me dit que ce pseudo est déja pris. Et je vois pas de lien pour accéder à mon compte
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    Auteur

    Degër Këet

    En Juillet, 2013 (18:57 PM)
    @LGS



    Très bon texte avec une analyse intelligente et courageuse des raisons d'un sous développement qui dure. As tu remarqué qu'on en ait encore à des "Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté" 1.0, en suite 2.0 et aujourd'hui DSRP 3.0 ? C'est l'aveu et l'acceptation d'un echec programmé et reenouvelé de la "politique de développement". Finalement, la bonne question est l'une des deux: Voulons nous nous développer? ou Avons nous le Leader (Chef d'Etat) pour amorcer notre développement? Tes réflexions contribuent à éveiller et éclairer pour la nécessaire grande mobilisation autour des véritables chantiers de rupture et de développement. Dieuredieuf !!
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    Auteur

    Diop

    En Juillet, 2013 (20:22 PM)
    Parler se plaindre tendre la main envier les autres pays en les traitant de raciste.

    Mais travailler balayer devant sa porte ca pas question c'est trop dure il fait chaud........
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    Auteur

    Soninke-man

    En Juillet, 2013 (20:28 PM)
    merci pour cet article pertinent
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    Auteur

    Mbourou.

    En Juillet, 2013 (10:51 AM)


    En complémen de ce qui vient d'être dit je rajouterai un article que j'avais écrits sur le financement des entreprises... au Sénégal (et en afrique en général)



    Politiques intelligentes et courageuses …. Et si on continuait d'en parlait …











    « L’Afrique Subsaharienne est l’une des régions du monde où le financement bancaire de l’économie dépasse rarement les 20% du PIB du pays concerné » ABJ 2T13 page 28 …







    Au Sénégal la quote-part en 2012 de l’impôt sur les sociétés dans les recettes fiscales est de l’ordre de 12% (je crois), ce qui ne représente pas grand-chose, donc à priori on peut se passer de l’IS (dans une certaine mesure, …, vous comprendrez ma logique si kanam) …







    Un rehaussement du capital minimum des banques a été observé dans beaucoup de pays de l’Afrique de l’Ouest, et c'est ce qui se prépare pour le Sénégal …, Ces nouvelles législations doivent au final permettre de limiter la « surpopulation » bancaire. En effet depuis quelques années (depuis 2000) on a observé sur le continent un pullulement des établissements bancaires. Les banques qui n’arriveront pas à se financer pour augmenter leur capital seront tout bonnement et simplement rachetées par une banque concurrente qui arrive à s’autofinancer… Quelle est l’impact de cette mesure pour l’économie ou pour les populations ? Pratiquement invisible … Et c’est dommage …







    En plus il est connu que nos banques sont en surliquidité : C’est-à-dire qu’elles ont de l’argent dont elles ne savent pas quoi faire (c’est comme L’Algérie qui dispose de 166 milliards de $ qu’elle ne parvient pas à investir : Une aberration pour un pays pauvre)







    Le plus gros problème auquel sont confrontées nos PME est l’accès au financement … les banques ne prêtent pratiquement pas aux PME et quand elles le font c’est à des taux exorbitants …







    Politique intelligente et courageuse : A mon avis il serait plus intéressant « économiquement et socialement » parlant, étant donné l’attractivité du secteur bancaire en Afrique de mettre en place des législations qui favorisent le financement des PME. Elles peuvent prendre les formes suivantes :







    - Exiger que les établissements bancaires financent à hauteur de 25% au moins de leur capital les PME, de manière progressive (en suivant le plan de 3 ans par exemple)







    - De plafonner le taux d’intérêts des prêts aux PME, à 7% par exemple







    En contrepartie de cet effort, il leur sera accordé les avantages suivants :







    - Une réduction du taux d’impôt de 30% (ce qui le ramènera à 20% au lieu de 30 actuellement pour le secteur bancaire) : Puisque l’IS dans les recettes fiscales est négligeable on peut se le permettre







    - Une réduction (abattement) de l’IS correspondant au manque à gagner entre le taux de marché et le taux de 7%. Réduction qui peut être plafonnée à 50% de l’IS final à payer. Puisque l’IS dans les recettes fiscales est négligeable on peut se le permettre là aussi.







    - Une reconnaissance nationale dans la participation à l’effort de développement : tous les semestres, il peut être décerné un prix à la meilleure banque qui soutient le développement des PME. Ce qui lui fera une grosse pub.







    - L’Etat pourrait garantir les sommes prêtées aux PME…







    Un plan pris isolément n’a pas en général les effets escomptés. Quand on veut relancer () l’économie c’est un ensemble de mesures qui doivent être pris en même temps.







    Tout ce que j’écris n’engage que moi, bien évidement au moment où je l’écris.

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    Auteur

    Subd

    En Juillet, 2013 (12:16 PM)
    excellent article. Pour développer un pays, il faut un patriotisme. Chacun a un rôle a jouer. vive le changement de mentalités et d'habitudes.
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