Le rapport du Congad a également relevé un paradoxe aggravant de la pauvreté dans la répartition des ressources de l’Etat. Le document montre, par les voies et moyens susceptibles de participer à la réduction de la pauvreté, qu’«il faut un investir là où se trouvent les pauvres». Si cette recommandation a été faite par les auteurs de cette étude sur le financement de l’agriculture sur les 30 dernières années, c’est parce que, lutter contre la pauvreté suppose de venir en appui aux exploitations agricoles les plus pauvres là où elles se trouvent. «La carte de la pauvreté en milieu rural est en opposition avec la carte de la répartition géographique des investissements publics», relève le document. Et l’affirmation n’est pas fortuite puisque, font remarquer les chercheurs du Congad, «ce delta du fleuve Sénégal compte moins de 3% de la population rurale. Et entre 1980 et 1995, l’agriculture irriguée a reçu entre 60 et 70% des investissements publics pour moins de 10% de la population rurale, et ces populations sont majoritairement au–dessus du seuil de pauvreté». De même, «la région de Casamance a aussi reçu des investissements publics importants. Elle a reçu 20% des investissements publics pour 10% de la population rurale. Mais l’essentiel de ces investissements a été fait dans la riziculture de mangrove (barrages de Guidel et d’Affiniam, petits barrages anti-sels), alors que celle-ci a vu ses surfaces fortement diminuées avec les sécheresses. A cette contrainte s’ajoutent les migrations des actifs ; ce qui ne permet plus l’entretien des aménagements (…). Les cultures irriguées rizicoles ont reçu en investissement une somme cinq fois supérieure à leur valeur totale de production». Toutes choses qui montrent, selon la société civile, que «la lutte contre la pauvreté suppose un appui significatif aux exploitations agricoles les plus pauvres là où elles se trouvent».
«De plus en plus de paysans sont exclus de l’économie»
Les nombreux problèmes du monde rural ont des répercussions fâcheuses
sur la vie dans les centres urbains. Selon l’étude du Congad, il faut
créer des emplois dans la campagne. Parce que, «malgré le taux de
croissance de 4% de la population urbaine, la population rurale
continue de croître de 2% par an. L’économie urbaine n’arrive pas à
absorber les migrants ruraux d’où le développement de la pauvreté dans
les villes. Il est donc nécessaire de créer des emplois en milieu rural
pour lutter de manière structurelle contre la pauvreté et les
inégalités», souligne-t-elle. Mieux, il faut accroître la productivité
de l’agriculture pour combattre la pauvreté. L’amélioration du niveau
de vie des populations rurales, dont plus de 40% vivent en dessous du
seuil de pauvreté, et l’approvisionnement d’une population urbaine en
forte augmentation requièrent une croissance annuelle de la production
agricole supérieure à 3% par an. Et « l’agriculture irriguée ne pourra
pas, avant longtemps, assurer ce taux de croissance de façon rentable».
Il faut donc nécessairement «remettre dans les circuits de
production le maximum de gens qui en ont été exclus», et «compte tenu
de l’ampleur de la pauvreté, permettre à ceux dont la production est
trop faible de l’accroître. Parce que les politiques d’aide alimentaire
ou de nourriture contre du travail ne peuvent avoir qu’un effet limité
sur la lutte contre le fléau. C’est un simple filet de sécurité
nécessaire pour les plus démunis, mais il ne règle pas le problème de
fonds qui est que de plus en plus de paysans sont exclus de
l’économie».
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