Jeudi 28 Mars, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

Reportage- A Anambé, la terre redonne vie aux agriculteurs

Single Post
Reportage- A Anambé, la terre redonne vie aux agriculteurs

En cette aube d’hivernage, le vieux Karamba Kébé n’attend plus que le signal du ciel. Depuis quelques jours, la pluie lui a faussé compagnie. Sous une chaleur étouffante, les deux tracteurs qu’il vient d’acquérir, labourent son vaste champ avec une rapidité qu’il ne connaissait pas auparavant. Dès que les gouttelettes d’eau, qu’il espère si ardemment, s’abattront sur les fertiles terres de l’Anambé, il confiera ses graines de riz à la terre. Jadis, pour lui et la communauté paysanne, l’espoir d’une vie décente et meilleure était un rêve.

Chaque année, la semence qu’ils enfouissaient dans les entrailles de la terre, germinait et poussait. Mais hélas, la récolte venait toujours  enterrer cette flemme d’espoir. Cependant, depuis peu, dans le bassin de l’Anambé, les centaines de millions de graines de riz qui germinent en saison sèche comme en saison des pluies, sont en train de restaurer l’espoir. Elles sont en train de changer la vie des agriculteurs. En effet, petit à petit, dans cette zone hautement agricole du pays, l’espoir pétille et frétille à nouveau dans la poitrine des nombreux riziculteurs. La terre commence à donner aux agriculteurs, ce qu’elle leur refusait.
 
50 millions de recettes par an

Mamadou Dian Diallo fait partie de ces cultivateurs. La septantaine bien consommée, ce vieil homme n’en donne pas l’impression, mais, les ressources qu’il tire de sa riziculture, surprendraient plus d’un. Il produit plus de 200 tonnes de riz aujourd’hui et ses revenus sont tout simplement enviables. «J’ai commencé à produire dans le bassin de l’Anambé depuis 2002. Et depuis la mise en place du Programme national d’autosuffisance en riz, l’Etat achète une partie de ma production pour en faire des semences certifiées. Je m’en sors très bien. Celui qui te dit que l’agriculture ne marche pas ici dans le bassin de l’Anambé, c’est qu’il n’est pas riziculteur. A l’année, au bas mot, je peux gagner jusqu'à 50 millions de francs CFA. J’ai pu, depuis, acheter mon 4x4, j’ai construit une maison à étages, un grand magasin. Je ne vis que du riz. Ma passion, c’est le riz», nous explique le patriarche, très humblement vêtu.

Avant, la vie du vieux Dian Diallo n’était pas forcément liée à l’agriculture. Il était agent de l’Isra où le niveau de ses émoluments était bien loin de ce qu’il connait aujourd’hui. «Quand je travaillais, je gagnais 215 000 francs CFA par mois à l’Isra. Mais, j’avais constaté qu’avec l’agriculture, quand je divisais mes revenus annuels par les 8 mois, je me retrouvais avec 450 000 francs par mois. Ce qui m’a conforté dans ma décision de me lancer dans la riziculture. Aujourd’hui, Alhamdoulilah. Quand vous venez chez moi vous ne vous dites pas que c’est la maison d’un paysan. Nous n’envions pas les fonctionnaires ou les agents de ministères», sourit le gros producteur. Originaire de Kolda, il s’est définitivement installé à Kabendu, dans l’Anambé, pour être plus proche de son champ. Sa vie d’avant, il ne la regrette plus.
 
Vendre sa production pour convoler en noces
 
A Teyel, toujours dans le bassin arachidier, le sort des dames aussi change petit à petit. Elles ont de plus en plus accès à la terre. Et les limites de leurs parcelles sont de plus en plus repoussées de même que le rendement de leurs champs. Ce qui démultiplie leurs ressources. «Avant nous cultivions de petites parcelles pour l’autoconsommation. Aujourd’hui, les choses changent. Nous cultivons pour manger et vendre. L’an dernier, nous avions emblavé 60 hectares. Cette année, 113 hectares. Nous avons produit 200 tonnes de riz», explique Fatoumata Baldé, Présidente du Groupement des Femmes de Teyel. Elles, n’ont cependant pas eu de tracteurs. Elles demandent à l’Etat de les aider à en acquérir. «Nous souhaitons avoir des tracteurs comme tout le monde. Nous avons un motoculteur mais ce n’est pas suffisant au vu de nos ambitions», confie la dame.

En attendant l’arrivée des engins, elles se battent, enthousiastes, dans le bassin pour tirer le meilleur de leurs parcelles. Et ce sont leur foyer qui savoure les fruits de leur dur labeur. «Beaucoup de choses ont changé. Regardez-moi, est-ce que je suis mal nourrie. Nous dédions une partie de notre production à notre alimentation personnelle. Le reste nous le vendons. Quand les hommes vendent leur production, ils se font une nouvelle épouse. Mais, nous les femmes est ce qu’on peut prendre une seconde épouse ou un second mari (sourire) ? Oh que non! Nous, nos revenus restent dans la maison. Nous investissons dans le bien-être de la famille, de nos enfants, dans l’alimentation, dans le port vestimentaire de nos progénitures etc.», assure la présidente du groupement de Teyel.  
 
«Avant, le paysan ne pouvait même pas se payer une moto»
 
Si le groupement de femmes de Teyel rêve d’acquérir des tracteurs afin de booster leurs productions, le Gie Djigiba Kébé a, lui, déjà, ses deux tracteurs. Dans son champ, au milieu de ses deux engins qui labourent, Karamba Kébé, président de l’association des producteurs du bassin de l’Anambé a déjà glissé dans la peau de l’agriculteur moderne. «Nous avons acheté ces deux tracteurs et une moissonneuse batteuse. Avant, le paysan ne pouvait même pas s’acheter une moto, encore moins une voiture, un tracteur ou se construire une maison à étages. Aujourd’hui, cela est révolu», explique-t-il. Loin de se plaindre de l’évolution des revenus qu’il tire de la riziculture, Karamba Kébé, qui a cultivé 200 hectares cette année, a des doléances : «Nous demandons à l’Etat d’aménager plus de superficies. Si on y parvient, le pays avancera. Cela permettra à nos enfants d’avoir un emploi. Il nous faut plus de matériel agricole. L’Etat en a apporté, mais il nous faut davantage de tracteurs. Les moissonneuses batteuses nous n’en avons pas beaucoup. Il faut aussi une rizerie qui nous fasse du riz de qualité comme l’aiment les Sénégalais. Dans toute l’étendue du bassin de l’Anambé, il n’y a pas de rizerie », se désole le cultivateur.
 
«J’ai amené ma mère à la Mecque grâce au riz»
 
Le Bassin de l’Anambé, c’est aussi les jeunes. Parmi eux, Ibrahima Baldé. Ce jeune de Saré Bouti, âgé de 37 ans, s’épanouit dans la riziculture. Jadis tenté par l’immigration, il a enterré cette ambition pour embrasser  l’agriculture. Aujourd’hui, il ne semble pas le regretter. «Ici au secteur 5,  nous ne nous lamentons pas. On occupe  un rang important dans le bassin de l’Anambé. Le Pnar aide beaucoup les producteurs. Nous parvenons à écouler facilement notre production. L’autosuffisance est possible. Chez nous, on peut dire qu’on y est déjà. Cette année au moins 90% d’entre eux n’ont plus faim. Moi qui vous parle, j’ai pu construire ma maison. Je ne pensais pas qu’un producteur pouvait construire une aussi belle maison. Nous, nous avons eu tous les facteurs de production. Moi j’ai des motos,  certains ont même des voitures. Je suis jeune et je rends grâce à Dieu, mais je n’envie pas ceux qui vont à l’extérieur.  Issa Baldé, le Président du secteur Dialakégni, vaste de 1200 hectares, confie fièrement, qu’il a pu amener sa maman à la Mecque grâce à ses revenus tirés de la riziculture.
 
Un nouveau type de paysan
 
Côté institutionnel, en plus de l’aide de la Sodagri et du Pnar, qui démultiplient les emblavements, mettent à disposition les semences, les intrants, le matériel agricole et suivent les riziculteurs, les communes du bassin de l’anambé font tout pour faciliter l’accès à la terre aux  paysans. Le maire de Madina Chérif, Mamadou Gano, qui abrite une bonne partie de l’Anambé, explique : «Nous avons rendu les opérations d’affectation de sols très faciles. Et aujourd’hui la question genre est en train d’être réglée dans la commune de Médina Cherif. Les femmes ont accès à la terre, les petits producteurs sont en train de devenir de grands producteurs, et les grands producteurs agrandissent leurs surfaces emblavées. En termes de revenus, le paysan qui avait du mal à avoir les trois repas quotidiens, aujourd’hui, est un paysan qui est parvenu à acheter un tracteur, qui construit sa maison, qui achète des téléviseurs et qui s’autofinance sans prétendre au crédit.».
 
Quid des doléances 
 
Moussa Balde, Directeur général de la Sodagri, a expliqué que, dans l’Anambé, 30 tracteurs sont déjà alloués. Quant aux souhaits des riziculteurs de voir les surfaces aménagées augmentées, il rassure : «On peut étendre. Pour le pluvial, ça peut être bon. Pour l’irrigation, il faudra d’autres efforts.  Si on augmente le débit du barrage de Niandouba on a la possibilité d’irriguer encore 10 000 hectares. On a un projet sur cela et on va y travailler. Il faut de plus en plus aller vers la maîtrise de l’eau. On doit se préparer aux changements climatiques », prévient-t-il. Pour la rizerie, M. Baldé explique : «Le propriétaire de l’ancienne rizerie qui est là, envisage de la moderniser ou d’acheter une nouvelle rizerie. Il a compris que le bassin est en train de revivre. Le maire de Médina Cherif  a un projet avec des partenaires européens qui envisagent d’implanter une rizerie. Il y a aussi un certain M. Laclaleche qui veut ouvrir une rizerie. Je suis optimiste qu’après la récolte de cette année on aura notre rizerie », indique-t-il. Rizeries qui, à coup sûr, feront le bonheur de tous les paysans de l’Anambé, soucieux de proposer un riz de qualité aux Sénégalais.

Le ciel, stress, du vieux Karamba aura finalement fait long feu. En effet, le ciel a finalement choisi la mi-journée du mardi, pour ouvrir ses vannes et arroser tout le bassin de son eau providentielle. Aujourd’hui, l’agriculture sénégalaise a, sans conteste, encore du chemin à faire  pour atteindre une modernisation complète. Cependant, dans l’Anambé, petit à petit, le riziculteur, galvanisé par les revenus substantiels qu’il tire de la terre, retrouve l’espoir. Un espoir qui le motive chaque jour à se retrousser les manches et travailler la terre pour nourrir le reste du pays.



9 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (14:47 PM)
    bon courage ca va marcher chers agriculteurs

    Top Banner
  2. Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (14:56 PM)
    Bon reportage, c'est ca qu'on attend des journalistes, aller sur le terrain produire des textes de qualité
    {comment_ads}
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (15:21 PM)
    la riziculture est un enjeu mondial aujourd'hui
    {comment_ads}
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (16:00 PM)
    Pour une fois rien à dire  <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">  
    {comment_ads}
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (16:02 PM)
    Félicitation chers journalistes cet article de qualité!
    Top Banner
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (16:12 PM)
    Merci Macky Il faut continuer dans cette voix et diminuer la politique politicienne.
    {comment_ads}
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (17:06 PM)
    Moi je veux cultiver du riz, c'est très attractif ce secteur aujourd'hui
    {comment_ads}
    Auteur

    Anonyme

    En Juillet, 2016 (22:44 PM)
    Merci Abdoulaye Wade, oui! Lui il a reve, et son reve come true. Dommage qu il devint un peu fou a la fin. Big up tout de meme.
    {comment_ads}
    Auteur

    Labo

    En Juillet, 2016 (10:12 AM)
    Félicitations mon Président, grâce à votre vision et vos efforts de financement de l'agriculteur, l'agriculteur sénégalais est devenu digne car pouvant vivre de la sueur de son labeur. Je prie le Bon Dieu qu'il bénisse le Sénégal. Amin.
    Top Banner

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email