Mardi 23 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Economie

Serigne Mboup : "Si on faisait un recensement des organisations patronales et professionnelles on en trouverait 2000"

Single Post
Serigne Mboup : "Si on faisait un recensement des organisations patronales et professionnelles on en trouverait 2000"

Le processus de réforme des chambres consulaires allant dans le sens de créer une chambre unique de commerce, d'industrie et de services est régulièrement différé. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Les Chambres de commerce au Sénégal existent depuis 1802 et la première d'entre elles a été implantée à Gorée. Il n'y avait pas une chambre nationale mais les chambres étaient créées en fonction de l'économie régionale. Il faut que l'on sache que la chambre de commerce est le lieu d'expression des opérateurs économiques, sur une base plus territoriale que nationale. Celle de Kaolack a été créée en 1911, celle de Saint-Louis en 1902, Dakar qui est l'une des dernières en 1926. Des réformes ont été faites en 1989.

Après les indépendances des Sénégalais se sont mobilisés pour que la gestion des chambres de commerce soit confiée à des nationaux, car jusqu'en 1970 elles étaient gérées par les Français. Par la suite, faute d'activité viable l'institution a un peu été transformée en une institution politique, raison pour laquelle les opérateurs économiques se sont regroupés pour créer une multitude d'associations. Cela a été source de problèmes et cette prolifération n'aurait pas lieu d'être si la Chambre de commerce avait suivi sa trajectoire initiale. J'ai été élu président de la Chambre de commerce de Kaolack en 2010.

On a eu à prendre la situation en mains en faisant, sur la base des textes, un travail formidable au niveau de cette région. Mes pairs, qui sont à la tête des autres Chambres de commerce ont salué ce travail et ils m'ont demandé de diriger l'Union nationale des Chambres de commerce, d'industrie et d'agriculture (Unccias). Cette structure a une compétence nationale, elle encadre les Chambres mais elle n'a pas une responsabilité élargie car chacune de ses composantes a sa souveraineté.

Certaines personnes se sont levées pour freiner l'évolution de l'Union, notamment en essayant de faire en sorte que suite à la réforme en cours, la région de Dakar ait un statut spécial et qu'elle soit d'office en charge le contrôle de la future chambre nationale de commerce, d'industrie, et de services alors que les autres localités seront cantonnées à un rôle de délégation régionale. C'est absolument illégal car la Chambre de commerce est une institution publique régie par un décret, raison pour laquelle nous avions attiré l'attention des autorités.

Le projet de réforme ne devrait pas porter sur les fondements de l'institution. Il faudrait plutôt revoir son management car je suis sûr que les Chambres de commerce du Sénégal reposent sur des bases très solides. Des gens ont voulu changer toute la configuration alors que cela ne se justifiait pas.

Ce processus ne devrait-il pas reposer sur une base afin d'éviter les tiraillements ?

Le consensus tournait autour du fait de donner une existence autonome aux Chambres d'agriculture, mais certains ont voulu en profiter pour tenter de radicalement bouleverser le fonctionnement des chambres de commerce en les fusionnant en une seule et unique entité nationale. Il a été retenu que les chambres d'agriculture auront des représentations départementales, je ne vois pas en quoi le commerce, qui est une activité pratiquée partout, devrait être soumis à des contraintes allant dans le sens de centraliser les opérateurs économiques à Dakar, en remettant en cause les spécificités et l'autonomie propres à chaque territoire.

On a voulu nous faire croire que cette réforme allait dans le sens de se conformer aux dispositifs de l'Uemoa mais c'est faux car l'organe Consultatif Régionale (CCR) de l'Uemoa qui regroupe toutes les chambres consulaires, n'a pris aucune directive par rapport à la structuration des Chambres. Elle demande juste à avoir un interlocuteur unique mais elle n'impose nullement la fermeture des chambres de commerce régionales. Nous avons fait part de nos observations aux autorités et confronté nos divergences en perspective de la réforme en cours.

La loi 2017-15 du 6 février 2017 prescrit formellement : "il est créé une institution consulaire dénommée chambre nationale de commerce, d'industrie et de services. Elle est représentée dans chaque région par une chambre de commerce, d'industrie et de services".

Au lieu d'appliquer ce texte, des gens ont voulu faire en sorte que Dakar n'ait pas sa propre délégation régionale affiliée et qu'elle soit la chambre nationale. Cela est en porte à faux avec la loi. Il en va de même en ce qui concerne l'élection du président où on veut nous imposer que 70 délégués sur les 103 appelés à choisir doivent être issus de la région de Dakar. C'est un déséquilibre flagrant que nous n'avons pas manqué de relever. Nous remercions le ministre du Commerce qui lorsqu'il a compris le bien fondé de nos contestations, demandé à ce que l'on se conforme à la loi.

Tous les blocages ont-ils pu être levés ?

Pas du tout, étant donné qu'un autre aspect qui est infondé est relatif au fait que le projet de réforme stipule que pour être président de chambre de commerce il faut être membre d'une organisation patronale. La Constitution a formellement ce type de restriction, d'autant plus que ces organisations relèvent du droit privé. C'est comme si seuls les habitants de Pikine avaient le droit d'être président de la République.

On ne peut pas mobiliser les moyens de l'Etat, les gouverneurs, les préfets, l'administration… pour procéder à l'élection de personnes propulsées au préalable au sein des organisations patronales. N'importe quel opérateur économique en règle avec la législation doit pouvoir proposer sa candidature. Nous avons fait nos observations à l'autorité compétente et nous restons à l'écoute.

Que reprochez-vous concrètement aux organisations patronales ?

Si comme pour les syndicats l'Etat avait organisé des élections de représentativité patronales, on saurait exactement qui est qui est qui pèse quoi dans ce secteur. Mais certains versent dans l'usurpation en s'agitant à travers les médias, en prétendant avoir une envergure qu'ils n'ont pas pour être reçus et confortés par le ministre du Commerce ou le ministre de l'Economie et des Finances.

Dérouler le tapis rouge à ce genre de personnes pour leur confier la gestion des chambres de commerce, d'industrie et de services sera nécessairement source de conflits. Logiquement on devrait fusionner toutes les organisations patronales et en faire une organisation unique pour avoir plus de lisibilité sur ce secteur. Tous les opérateurs économiques pourraient alors s'organiser dans le giron des chambres de commerce.

Dans de grandes économies comme Dubaï, l'Arabie  Saoudite et tant d'autres, il n'y a que des chambres de commerce au lieu d'un patronat éclaté. Il faudrait faire comme en France, au Mali, en Côte d'Ivoire où il n'y a qu'un seul et unique patronat. Nous jetons la pierre sur les partis politiques et les syndicats en disant qu'ils prolifèrent au Sénégal mais je vous assure que si on faisait un recensement des organisations patronales on en trouverait 2000 (rires).

Vous êtes président de la Chambre de commerce de Kaolack mais à un moment donné vous avez-postulé pour devenir président de celle de Dakar. Pourquoi ce revirement ?

Je suis né à Kaolack et j'estime avoir accompli mon devoir en apportant bien des améliorations en tant que président de la Chambre de commerce de cette région. D'autres peuvent me remplacer, et étant donné que mon activité principale se trouve maintenant à Dakar j'ai postulé à Dakar mais cela a perturbé beaucoup de choses. Je ne fais pas partie du patronat. J'en étais membre mais j'ai décidé d'en sortir.

Certains assurent que je l'ai fait de manière délibérée, d'autres estiment que j'en ai été exclu mais que chacun dise ce qu'il veut. Quand j'ai présenté ma candidature mes détracteurs ont pris conscience que la majeure partie des délégués pencherait de mon côté et c'est la raison pour laquelle ils ont évoqué la nécessité de procéder à des réformes pour me barrer la route. Je pense que les autorités s'accorderont sur le bien- fondé de nos arguments pour boucler cette réforme et aller vers des élections ouvertes pour mettre un terme à ce tumulte qui n'a que trop duré.

Quand le processus de réforme arrivera –t-il à terme ?

C'est aux autorités d'en décider. Nous les invitons simplement à prendre la pleine mesure de l'importance des chambres de commerce. Nous sommes affiliés à la chambre de commerce régionale inscrite au dispositif Uemoa. J'en suis un vice-président et j'attire l'attention des fondés de pouvoir afin que ce processus soit diligenté au plus tôt. Cela ne peut qu'être bénéfique pour l'économie nationale.

On vous reproche d'entretenir la scission entre les deux tendances de l'Union national des commerçants et industriels (Unacois) du Sénégal. Que répondez-vous à cette affirmation qui vous dit plus proche du camp d'Ameth Fall Braya que d'Idy Thiam ?

Il ne s'agit que de rumeurs. On a vu ce genre de situation à Aj Pads ou encore au niveau de la Confédération nationale des travailleurs du Sénégal avec la création de pôles antagonistes en leur sein. Je suis président de l'Union nationale des chambres de commerce et d'industrie du Sénégal et, dans une dynamique consensuelle et professionnelle, je suis appelé à travailler avec toutes les tendances de l'Unacois auxquelles vous faites allusion.

Les responsabilités que j'y occupe ne me permettent pas d'entretenir la division et encore moins de prendre parti pour les uns ou les autres. Au demeurant je me considère comme l'interlocuteur des entreprises, des opérateurs économiques. J'entretien de bonnes relations avec Idy Thiam tout comme avec Ameth Fall Braya, particulièrement avec son vice-président Cheikh Cissé. Si j'avais pris part, je n'allais jamais tenté de les réconcilier.

Le bureau de la chambre de commerce de Kaolack dont je suis président compte 9 membres. 7 de ces membres appartiennent à l'une ou l'autre tendance de l'Unacois mais le problème de tendance ne s'y pose pas nullement. Cela n'entrave pas notre fonctionnement.

Qu'avez-vous pu réaliser en tant que président de la Chambre de commerce de Kaolack ?

Nous rendons grâce à Dieu. Même la délégation du Nigeria, qui était le pays invité d'honneur de la dernière foire internationale de Kaolack (Fika) était émerveillée par nos réalisations. La chambre de commerce a des représentants dans chaque commune de Kaolack pour impulser un processus de création d'entreprises rurales.

Nous avons ressuscité le port, même s'il faut reconnaitre qu'il pourrait être plus fonctionnel s'il était dragué. Nous avons mis sur pied un centre d'exposition qui n'a pas da pareille à Dakar, et nous avons crée une école de formation, une mutuelle, une banque… Je remercie les Kaolackois ainsi que mes collaborateurs qui, malgré certaines divergences, font un travail remarquable au niveau régional.

De manière globale comment appréciez-vous l'évolution de l'environnement des affaires au Sénégal ?

Comme nous pouvons tous le constater l'environnement des affaires évolue de manière positive au Sénégal. Les indicateurs relatifs au taux de croissance sont positifs et c'est le lieu de féliciter les autorités en charge de l'économie sénégalaise. Nous ne demandons qu'une chose : que la croissance soit plus inclusive et qu'elle ait un impact sur les divers pôles territoriaux du pays, même les zones les plus reculées. Il faudrait renforcer la structure économique locale, au niveau de toutes les régions.

Si tel est le cas, je vous assure que le Sénégal atteindra une croissance à deux chiffres dans de très brefs délais. Dakar a déjà atteint une croissance à deux chiffres au vu de son développement exponentiel, il serait bien qu'il en soit de même sur toute l'étendue du territoire nationale. Le Programme d'urgence de développement communautaire et d'autres initiatives y contribuent. Il faut les appuyer en renforçant la décentralisation, les chambres de commerce régionales, les mairies, les gouverneurs pour équilibrer davantage la carte du développement et mettre un terme aux disparités économiques.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Juin, 2017 (19:12 PM)
    Lui il n'a rien a envié a un sortant d une HEC
    Top Banner

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email