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En Jordanie, le gouvernement pousse la main-d’œuvre à l’exil

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En Jordanie, le gouvernement pousse la main-d’œuvre à l’exil

Le Qatar a offert 10 000 emplois à des Jordaniens désireux de s’expatrier dans le Golfe. 180 000 travailleurs du petit royaume hachémite ont postulé, soit près de 10% de la population active. Et cela ravit les autorités jordaniennes, soulagées d’avoir un peu moins de chômeurs à gérer.

Passeport et documents sous le bras, Omar vient déposer une demande de visa à l’ambassade du Qatar à Amman, la capitale jordanienne. Titulaire d’un master en biologie, cet homme de 28 ans a trouvé un emploi de professeur dans un lycée du petit émirat. « Je gagne 400 dinars par mois [près de 500 euros]. J’aurai le double au Qatar. Ici en Jordanie, le problème, ce sont les salaires », confie-t-il.

Les démarches administratives sont rapidement accomplies. Le jeune homme ne reste que cinq minutes dans les locaux de la représentation diplomatique pour y déposer ses pièces justificatives. Puis, il doit se rendre dans une banque pour transférer 80 dinars, soit près de 100 euros, sur le compte de l’ambassade. « C’était très facile. On m’a dit : " c’est bon, revenez à 14h " », se réjouit-il. Même s’il n’est jamais allé au Qatar, Omar envisage déjà d’y faire venir sa femme et son fils de trois ans. Il prévoit de demander des visas pour eux trois mois après son arrivée à Doha.

Le Qatar offre 10 000 emplois

En juin, le Qatar a annoncé qu’il souhaitait offrir 10 000 emplois à des Jordaniens désireux de s’expatrier dans l’émirat. « Plus de 180 000 personnes ont postulé en ligne », relate Mohammad Alkhateeb, le porte-parole du ministère jordanien du Travail. Ces candidats au départ représentent près de 10% de la population active. « Beaucoup de gens sont à la recherche d’un travail, notre économie souffre », explique Mohammad Alkhateeb. Le taux de chômage officiel dépasse 18% en Jordanie. Une femme sur quatre est à la recherche d’un emploi. La dette publique s’approche dangereusement du seuil symbolique de 100% du PIB. Et le gouvernement, malgré une opposition farouche des classes moyennes, songe à augmenter les impôts pour renflouer les caisses de l‘Etat, au risque de ralentir l’activité économique. « Aujourd’hui, seul le secteur privé est en mesure d’offrir des emplois, pas le public, regrette ce même porte-parole. Nous avons besoin de plus de projets d’investissements et d’usines. »

Dans ce contexte économique très tendu, les autorités évoquent sans détour l’exil de la main-d’œuvre comme une issue possible à la crise. Un expatrié au Qatar est considéré comme un chômeur en moins en Jordanie. Et tant pis si ce sont les plus qualifiés, professeurs, médecins, infirmières et ingénieurs, qui songent à partir. Chaque année, plus de 50 000 diplômés sortent des universités jordaniennes. « Le marché local ne peut pas tous les absorber, admet Mohammad Alkhateeb. Il est maintenant de leur responsabilité de quitter la Jordanie pour trouver du travail. C’est une solution. Ce n’est pas la meilleure, mais c’en est une. »

Le Qatar attire

Ces propos très francs ne choquent pas dans le royaume où l’émigration économique n’est pas un phénomène nouveau. Depuis des décennies, les travailleurs s’expatrient pour des raisons professionnelles. Aujourd’hui, plus de 40 000 Jordaniens vivent au Qatar, 200 000 aux Emirats arabes unis et 350 000 en Arabie saoudite. Si cette dernière n’est plus très à la mode chez ceux qui recherchent un emploi au-delà des frontières, le Qatar, lui, attire. « Des gens m’envoient leur curriculum vitae en me disant : " trouvez-moi un travail au Qatar " », remarque un chasseur de têtes installé à Amman. Mais l’homme, qui préfère rester anonyme, n’a pas accès au fichier des 10 000 emplois offerts par l’émirat depuis juin dernier. « Le ministère à Amman gère lui-même ces offres », regrette-t-il, ajoutant que les autorités jordaniennes souhaitent tenir à l’écart de ce dossier les cabinets privés de recrutement comme le sien, afin de donner l’impression que l’Etat, seul, se mobilise pour régler le problème du chômage.

Une politique pragmatique

Il y a un an et demi, la Jordanie avait pris ses distances avec le Qatar lorsque l’émirat avait été accusé de soutenir le terrorisme par plusieurs pays arabes. Il n’y a d’ailleurs pas d’ambassadeur du Qatar à Amman, mais un chargé d’affaires. Ce léger froid dans les relations diplomatiques n’empêche pas la Jordanie d’encourager les départs pour des raisons professionnelles vers Doha. Amman mène une politique avant tout pragmatique. Car les émigrés jordaniens, bénéficiant de rémunérations plus avantageuses à l’étranger, renvoient une partie de leur salaire à leurs familles restées dans le royaume hachémite. Cela contribue à rééquilibrer un peu la balance des paiements, de plus en plus déficitaire. « D’après la Banque centrale, les expatriés renvoient chaque année plus d’un milliard de dinars [1,2 milliard d’euros] au pays », reprend Mohammad Alkhateeb. Ce montant représente plus de 2% du PIB. Certes, la Jordanie accueille aussi de nombreux travailleurs égyptiens, syriens et irakiens, qui, à leur tour, transfèrent des fonds vers leur pays d’origine.

Au total, environ un million de Jordaniens vivent à l’étranger. C’est beaucoup pour un pays qui ne compte sur son territoire que dix millions d’habitants, dont de nombreux réfugiés syriens, palestiniens et irakiens. « Notre principale crainte est de voir cette main-d’œuvre expatriée revenir s’établir au pays, analyse Oraib Al Rantawi, le directeur du centre pour les études politiques Al Quds à Amman. Beaucoup d’Indiens, d’Asiatiques et de Latino-Américains sont en concurrence avec les Jordaniens sur le marché du travail dans le Golfe. Tôt ou tard, ces pays du Golfe s’appuieront uniquement sur leur main-d’œuvre locale. Et ce sera un cauchemar pour la Jordanie.  »



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