Samedi 27 Avril, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
International

TOULOUSE-IRDEIC : LE DROIT DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE VU DEPUIS LES ÉTATS MEMBRES

Single Post
TOULOUSE-IRDEIC : LE DROIT DE L’INTÉGRATION RÉGIONALE AFRICAINE VU DEPUIS LES ÉTATS MEMBRES
Entre le problème d’adaptation et le manque de formation des acteurs judiciaires, la norme claudique

Pour «la bonne cause», ils l’ont. «La cause de la science» le vaut bien. Il fallait parler de l’Afrique en général et de l’intégration africaine en particulier. Précisément de « L’intégration régionale en Afrique» qui est envisagée « à travers le droit ». Le constat est là. Et il a été développé dans le cadre du «cycle de séminaire» initié par  l’Institut de recherche en droit européen international et comparé (Irdeic) de l’université Toulouse Capitole. Portant, sur le « Le droit de l’intégration régionale africaine vu depuis les États membres», le thème du séminaire inaugural qui s’est tenu hier lundi 15 janvier 2024 à Toulouse, porte sur « La Norme». 

 

L’urgence est encore là. Et il faudra multiplier les actions pour remporter le pari de la promotion du droit communautaire dans la sous-région ouest-africaine. Elle devrait même occuper une place importante dans le calendrier judiciaire des États africains, afin de pouvoir l’adapter aux textes nationaux hérités du colon. Les acteurs judiciaires l’ont si bien compris qu’ils ne cessent, à travers des colloques, séminaires et contributions, d’émettre des réflexions pour permettre à Dame Justice de glisser aisément les textes communautaires dans le droit national.

C’est dans ce sens que l’Institut de recherche en droit européen international et comparé (Irdeic) de l’université Toulouse Capitole a organisé un «cycle de séminaires» dont le thème s’intitule « Le droit de l’intégration régionale africaine vu depuis les États membres».

Le séminaire inaugural, axé sur « La Norme », qui sera suivi par d’autres dans le courant de l’année,  s’est tenu le lundi 15 janvier 2024 à Toulouse.

Le bégaiement «communautaire» de Dame Justice diagnostiqué par des docteurs en droit

Sous la coordination du professeur à l’université Toulouse Capitole, Irdeic,  Joël Andriantsimbazovina, de l’avocat Me Patrick Kabou, docteur, chargé d’enseignement à l’université de La Laguna, de Léonard Matala-Tala, maître de conférences à HDR, université de Lorraine et de Samuel Priso-Essawe, professeur à Avignon université, le séminaire s’est ouvert par les discours d’accueil du président de l’université de Toulouse Capitole, Hugues Kenfack, du doyen de la faculté de Droit et sciences politiques de Toulouse, Mathieu Poumarè, de la présidente de l’université de Lorraine Hélène Boulanger et du président d’Avignon université, Georges Linares. D’imminents docteurs en droit et maîtres de recherches établis en Afrique ont exposé suivant le thème retenu. Choisis sur une quarantaine de candidats originaires de différents pays africains dont le Sénégal, Arsène Landry Nguena, maître de conférences à l’université de Dshang (Cameroun), Diachari Poudiougo, docteur en droit, enseignant-chercheur à l’université de sciences juridiques et politiques à l’université de Bamako (Mali), Oumaro Sanda, docteur en droit, assistant à la faculté des Sciences juridiques et politiques à l’université Ngaoundéré (Cameroun), Abdou Njikam Njifotie, maître de recherche au Centre national d’éducation (Cameroun) et Williams Nyanda Mkamwa, docteur en droit privé, chargé de cours à la faculté des Sciences juridiques et politiques à l’université de Yaoundé II Soa (Cameroun) ont, avec les coordonnateurs du séminaire, diagnostiqué le « bégaiement communautaire »  de Dame Justice. Ces exposants, dont les travaux ont surpassé ceux des autres qui n’ont pas été retenus, ont fait leur présentation suivant les sujets abordés. Seneweb, qui a pris part à cette rencontre, revient sur les grandes lignes.

Qu’est-ce que le droit communautaire ?

Le saviez-vous ? Le droit communautaire est un ensemble de dispositions contenues dans les différents traités constitutifs d'une organisation internationale d'intégration et dans les textes élaborés par les institutions communautaires de cette structure (le Conseil, la Commission et le Parlement). Ces normes interviennent dans des domaines aussi variés que les transactions économiques, la consommation, l'environnement, la politique sociale (sécurité sociale, droit du travail...), la formation, les droits des citoyens. Soit pour harmoniser les législations nationales, soit pour les coordonner.

Quid de l’intégration régionale en Afrique ? Elle est envisagée à travers le droit, dit-on dans la présentation du séminaire. Et « de véritables ordres juridiques sont créés pour faire avancer la construction des marchés communs envisagés ». Cela se traduit «  à la fois par l’attribution de compétences normatives aux instances régionales, et par une articulation des droits régionaux et nationaux, conférant aux ordres juridiques nationaux un rôle spécifique».

Ces questions, équation à inconnus multiples

À ce titre, les questions  posées sont les suivantes : une fois que la norme régionale est adoptée par l’organisation régionale, comment se déroule son cheminement dans les États ? Par transposition (le cas échéant), ou par application, ou bien par exécution ? «Comment la fabrication de la norme nationale tient-elle compte (ou pas) des engagements et des obligations de l’État membre ? Le processus de fabrication de la loi ou du règlement comporte-t-il une vérification systématique de l’applicabilité du droit de la communauté ? Comment cela se passe-t-il tant au stade de l’élaboration du projet de loi qu’à celui de l’examen du projet par le législateur ?  

Enfin, à propos des acteurs de ce processus de fabrication et d’application : les administrateurs de l’État, les agents de l’État de façon générale, sont-ils formés à l’importance et au maniement de la norme communautaire ?

Ces questions, équation à inconnus multiples, leurs réponses ont été tirées au cours des communications des juristes.  

Une négligence du droit communautaire, sa non-conformité aux textes nationaux

Les droits concernent aussi bien les États que les citoyens qui y vivent. Landry N. Djoufack en est conscient. Son sujet porte sur les « Actes nationaux d’application du droit communautaire en Afrique central». Dans son développement, il a relevé « la négligence des droits communautaires dans l’application des actes nationaux et dans la procédure des actes nationaux».

Évoquant l’hypothèse du renvoi préjudiciel, le juge national devrait, selon lui, prendre en compte la décision du juge communautaire sur l’affaire pour laquelle il a été saisi précédemment. Citant la loi tchadienne sur le Code de la route, le texte appliqué sur ledit code ne prend pas, se désole-t-il,  en compte le texte communautaire de base. Pour lui, le droit communautaire est négligé dans l’application et dans les actes nationaux posés.

Parlant de la  hiérarchie des normes juridiques, il fait une pirouette et retombe sur un constat général : il arrive que des droits communautaires soient adoptés sans être conformes aux textes nationaux. Là, son application pose problème.

« Au Mali, en 2024, il existe encore  des juges qui ne connaissent pas le recours préjudiciel »

Diachari Poudiougui, lui, a développé sur « La  réception et l’application des normes communautaires de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest en République du Mali».

Au Mali, déroule-t-il, il y a une faible vulgarisation des normes de l’UEMOA, méconnues aussi bien par les acteurs de la justice que par les citoyens. Soulignant une faible saisine du juge national en matière de contentieux communautaire UEMOA par le justiciable malien, il ajoute : « Il existe encore, en 2024, des magistrats qui ne connaissent pas le recours préjudiciel.» Et « avec la situation malienne peu favorable à la promotion du droit de l’UEMOA, le communiqué du 9 janvier 2022 endossant les sanctions de la CEDEAO contre le Mali, la communauté de l’UEMOA et son droit enchantent moins au Mali», souligne l’exposant qui confie que ces sanctions sont considérées comme « illégales » et « injustes » par les autorités.     

Le manque de volonté politique ralentit la domestication et l’application des normes de l’UEMOA

L'intégration des normes UEMOA dans l'ordre juridique malien obéit au système moniste repris par les différentes constitutions de ce pays, poursuit l’enseignant-chercheur. Dans la pratique, cette conception a montré ses limites face aux difficultés de révision de la Constitution.

D'autre part, le manque de volonté politique a souvent entraîné une lenteur dans la domestication et dans l'application des normes UEMOA, comme ce fut le cas avec la directive portant adoption du système LMD.

Terminant cette réflexion, il s’est permis de s'interroger sur la suite réservée à la requête du Mali auprès de la Cour de justice de la communauté UEMOA. N'aura-t-elle pas des retombées négatives sur l'application des normes de l'Union par cet État ? L’avenir nous le dira…

Au manque de formation des acteurs judiciaires, s’ajoute  le manque d’information vers les justiciables

Ces deux communications sont suivies de celles du docteur Oumarou Sanda qui a exposé sur « La transposition de la directive de CEMAC du 19 décembre 2011, relative aux lois de finance en droit public financier camerounais», suivi de Maître Abdou Njikam Njifotie qui a parlé de « L’impact de l’organisation municipale de la distribution numérique sur la concurrence : quelles règles d’intégration régionale africaine pour le droit administratif camerounais».

Le docteur Williams Nyanda Mkamwa, lui, a exposé sur le thème suivant « De la réception du droit OHADA en droit positif camerounais : micmac autour du statut de l’entreprenant». Toutes ces cinq  communications ont souligné des carences. La première est le manque de formation des acteurs de la justice sur le droit communautaire ainsi que le manque d’information vers les justiciables qui, parfois, n’ont aucune idée de l’existence de ces textes. Pourtant, même si le droit communautaire n’est pas, selon un des juges qui sont intervenus,  très valorisé au cours des formations estudiantines, avec de faibles coefficients (sic), le praticien du droit - aussi bien le magistrat que l’avocat - a la possibilité de densifier ses compétences avec des recherches ou des formations. Des Masters en droit communautaire sont proposés aux universités de Cap-Vert et de Carthage. Mais il en faut d’autres. En comparant ce qui se fait entre les pays, la question de la formation est centrale. Il faudrait alors développer de plus en plus de formation en droit communautaire. Il ne sera pas, souligne-t-on, question d’autres matières, mais de venir en appoint à celles existantes.

 Les États africains champions en ratification de textes, mais l’application pose problème

L’autre fait constaté est le rôle assez prenant des États, notamment le pouvoir Exécutif et celui Judiciaire. Les États africains sont champions en ratifications de textes. Mais ils ont souvent du mal à les faire appliquer. L’État qui pose sa signature devrait prendre en compte l’accord qu’il a ratifié et donner ainsi plus de pouvoir au juge pour qu’il ait la latitude de pouvoir appliquer ces textes communautaires. En effet, si le législateur décide de l’application ou pas d’une loi, ça fragilise les normes communautaires.

Il est inopportun, relève-t-on, au cours des débats, d’adopter des législations nationales, contraires aux normes communautaires. « Le législateur communautaire a une grande part de responsabilité dans la réception des litiges des droits internes. L’espace communautaire est un espace organisé. Il revient aux organismes communautaires de veiller au respect de l’application et de veiller à ce que les États soient de bonne foi», plaide-t-on.

« La Constitution ne devrait donc pas être un prétexte pour ne pas appliquer le droit communautaire »

Certaines constitutions décident de l’application de textes ou pas. La solution ?  Les réformer afin de permettre au droit communautaire d’être ratifié ! Pour un des coordonnateurs, « les praticiens du droit doivent accorder plus d’importance au droit communautaire. Quelle que soit la supériorité de la Constitution au droit communautaire, on revient toujours réformer la Constitution. La Constitution ne devrait donc pas être un prétexte pour ne pas appliquer le droit communautaire. Le juge national, en conflit entre le droit national et communautaire, devrait appliquer celle communautaire».

À tout ceci s’ajoute la passivité des citoyens. Il y a des mécanismes, mais il faut que les justiciables saisissent les juges communautaires pour qu’il y ait une jurisprudence. 

Intégrer les sanctions pour des règles spécifiques au droit communautaire

C’est une question de volonté. On parle encore de l’État et sa rigidité. On ne peut le contraindre à appliquer un droit international. C’est aux organisations communautaires  d’intégrer les sanctions pour qu’il y ait des règles spécifiques au droit communautaire. À quoi ça ne sert de ratifier des textes, si on ne peut les appliquer ? À rien.

 Il ressort aussi des débats une autre constance : le problème de gouvernance, de sécurité et de paix. « Tant que l’on n’aura pas réglé ce problème, on aura du mal à trouver un droit communautaire effectif».

Il faut alors une volonté politique de chacun des chefs d’État pour appliquer les textes ratifiés au niveau international. Un effort que tout président devrait faire pour l’harmonisation des textes nationaux avec ceux communautaires.  

 





1 Commentaires

  1. Auteur

    En Janvier, 2024 (16:29 PM)
    Ils se retouvent à Toulouse, en France pour parler du droit de pays Africains.

    Les Affaires de l'Afrique doivent se traiter en Afrique, avec une approche Africaine.
    Top Banner

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés.
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email