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Justice

L’Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO Ou Une controverse sans objet

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L’Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO Ou Une controverse sans objet

                 


Depuis que la Cour de Justice a rendu un arrêt concernant la défense qui a été faite à certaines personnalités de quitter le territoire national, une controverse nourrie est née dans le pays.


Aujourd’hui, cette affaire qui a pris des proportions inappropriées, tente d’estampiller « d’autoritariste » le régime de notre pays. Dés lors, le sentiment national qui transcende tout intérêt particulariste, appelle les politistes et les spécialistes du Droit Pénal à contribuer au rétablissement de la vérité des faits.


Ces faits sont d’ordre politique et juridique qu’il convient d’examiner successivement.


Au plan politique, il convient de rappeler que jusque récemment, beaucoup de Chefs d’Etats Africains étaient dans la posture où se trouvait Louis XIV lorsque Fénelon Archevêque de Cambrai le sermonnait en ces termes : « voilà Sire, l’état où vous êtes, vous vivez comme ayant un bandeau fatal sur les yeux ! »


Dans nos jeunes Etats, la gestion patrimoniale des biens publics était de mode. Or, dans des pays dits pauvres, où de surcroit les assises économiques restent à consolider, quel homme doté de conscience, ne serait pas de l’avis de l’Abbé Sieyès pour dire qu’un tel mode gestion est « une iniquité pour la généralité des citoyens et une trahison pour la chose publique » ?


Les éminents magistrats qui siègent à la Cour de Justice de la CEDEAO savent bien que depuis les indépendances, les délinquants à col blanc sont pour nos faibles économies, comme des tumeurs végétales qui vivent de la sève des plantes qu’elles assèchent. Les biens publics spoliés installent certes une famille dans l’opulence, mais au pris de quels préjudices pour le reste de la Nation ?


C’est nous semble t il, ce qui fonde « la rupture » prônée à partir du 25 Mars 2012. Il ne s’agit pas de réinventer la roue ! Il s’agit de l’expression d’une volonté évolutionniste, résurgence d’une vision Senghorienne influencée par Pierre Teillard De CHARDIN. Ne dit on pas que la réalité du pouvoir est mentale pour une très large part, le pouvoir du pouvoir étant formé par la conviction et les images qui entretiennent notre croyance en sa légitimité, peut être aussi par sa capacité d’alimenter l’utopie.


Mais, en l’espèce il ne s’agit point d’utopie, et si nous prenions au mot Machiavel pour dire que « les hommes marchent presque toujours par imitation », nous pourrions rappeler qu’il a fallu à la France une centaine d’années et deux guerres mondiales pour asseoir une solide démocratie et un sentiment national inébranlable ( Max Gallo « l’âme de la France ») ; tandis qu’aux Etats Unis il a fallu une soixantaine d’années pour modeler l’homme américain (E.Marientas « les mythes fondateurs de la Nation  Américaine »).


Sous le bénéfice de ces observations, il est permis de dire, que dans l’affaire qui nous préoccupe, l’attitude de l’Etat est exclusivement inspirée par la préservation de l’intérêt général. Duguit aurait parlé de la protection de l’idée de l’Etat dont J.Bentham estime que celle ci inclut que dans l’Etat, la société est perçue comme une somme d’intérêts qui concourent à la prospérité générale. Nul n’a donc le droit d’y attenter pour son intérêt propre.


Au reste, perpétré dans les proportions annoncées par les médias, un tel forfait se trouve lesté d’une immoralité dont le poids justifie largement toute mesure vigoureuse et ferme de la part de l’Etat.


Il n’empêche qu’il serait erroné de soutenir que cette fermeté dont fait preuve l’Etat, procède d’un non respect délibéré des Droits de l’Homme.


Il est vrai que l’homme est désormais reconnu comme une valeur universelle. Les Droits de l’Homme élevés au rang de dogme, introduisent un mode de reconnaissance par l’égalité. Aussi, tout Etat a-t-il le devoir d’accorder aux Droits de l’Homme le respect qui lui est dû, ce qui fait que l’homme n’est plus simplement un individu, mais il est un individu universel. Toutefois, la revendication  individualiste sort de ce cadre, parce qu’alors l’individu ne croit plus à l’existence d’un intérêt général et affirme sa propre singularité pour en faire la source unique et exclusive des valeurs qu’il revendique. Dans l’Etat chacun peut se reconnaitre des droits pourvu qu’il ait consenti à s’obliger par des devoirs.


S’il est remarquable qu’aucune réaction n’a été exprimée de façon formelle par l’Etat pour mettre un terme à la controverse, c’est peut être parce que les tenants du pouvoir savent que les opinions se nourrissent toujours de l’acharnement qu’on déploie à vouloir les combattre.


En tout cas selon Spinoza, il est plus sage de les laisser s’exprimer, car lorsqu’elles sont placées sur un plan d’égalité, les opinions se neutralisent par leur diversité, voire s’enrichissent de leurs différences, sans nuire à l’ordre public.


S’agissant de la légalité ou non du refus d’appliquer l’Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO, beaucoup de sénégalais attendaient le discours à la Nation prononcé le 3 Avril, pour être éclairés sur la position du Chef de l’Etat sur cette affaire. Pour notre part, un membre de phrase nous a suffit : « sacraliser les biens publics ».


Ce membre de phrase sous entend que la rigueur utilisée dans le traitement de l’affaire des biens supposés mal acquis, est un acte de nécessité et non de volonté, découlant de ce que représente l’économie dans un pays en développement. Subséquemment, il s’en déduit que dans un pays en développement, comme le nôtre, un bien public, fait partie des intérêts fondamentaux de la Nation.


Cet éclairage vient conforter l’opinion que nous avons toujours eue par rapport à une éventuelle sanction contre le Sénégal pour refus d’appliquer l’Arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO.


Dans cet Arrêt, la Cour n’a fait que fermer la porte d’un côté, pour l’ouvrir de l’autre en indiquant notamment que : « la Cour n’a pas de compétence pour ordonner des injonctions, de faire à l’Etat du Sénégal  relativement à ses lois et procédures internes ».


« La Cour ordonne simplement la levée de la mesure de l’interdiction de sortie du territoire national des Requérants intervenue sans base légale ».


Il nous semble que le Sénégal en choisissant la porte ouverte par la Cour, invite implicitement celle-ci à quitter l’empire de la police administrative qui lui a permis de fermer la porte, pour descendre dans le champ de la police judiciaire où l’affaire est effectivement traitée.


Examinée sous l’éclairage de la législation pénale, on se rend facilement compte que c’est sur la base d’une confusion sémantique que la Cour a fermé la porte. En l’occurrence, il ne s’agit ni d’une interdiction de sortie au sens de la police administrative, ni d’une mesure conservatoire. Il s’agit de ce qu’on appelle en matière pénale d’un acte de SAUVEGARDE. Il s’agit de sauvegarder des biens publics supposés spoliés à la suite de collecte d’indices graves. Au regard de la loi pénale de notre pays, ce motif est constitutif d’un fait justificatif, exonératoire de toute sanction. Si la loi permet à un individu qui n’est investi d’aucun pouvoir de séquestrer momentanément des personnes pour empêcher un vol ou une atteinte contre un bien d’autrui, a fortiori, un Procureur agissant pour empêcher que des atteintes graves contre des biens appartenant à la Nation tout entière, soient irrémédiablement consommés. Un tel acte n’expose à aucune condamnation ou réprobation, il s’agit d’une nécessité sociale tolérée par la loi. La doctrine et la jurisprudence sont d’avis que, dans ce cas la loi ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive lorsque celle-ci est au détriment de la victime ; or ici c’est la société représentée par le Ministère public qui est la victime (Article 316 CP) (GARREAU, TR.INSTR.CRIM, 1 Num 230).   


Au total, les développements supra, montrent à suffisance que la controverse qui a suscité tant de passion, est sans objet, puisque  le Sénégal est dans la légalité consacrée par une bonne application d’une loi nationale.


   SOULEYMANE    NDIAYE


Docteur en Droit et en Sciences Criminelles.


3e Cycle d’Etudes Politiques

 

 

 



4 Commentaires

  1. Auteur

    Jnknkn

    En Avril, 2013 (16:46 PM)
    La CDEAO n'a qu'a aller s'occuper de ses moutons, ici c'est le Senegal! Un pays souverain
  2. Auteur

    Ax

    En Avril, 2013 (17:52 PM)
    J'ai rien à foutre de ce machin CEDEAO qui ne sert à rien tant au niveau de l'intégration économique que militaire.Il y a qu'à voir comment cette CEDEAO est incapable d'avoir une armée valable pour déloger le boulanger de la CI et maintenant les jihadistes au Nord Mali.Sans la France et le Tchad,nous étions déjà sous les ordres de ces fous d'Allah alors que ces chefs d'Etat corrompus et leurs chefs d'Etat majors avec leur galon de pacotille passent leur temps à faire réunion sur réunion pour amuser la galerie.Même chose que ces prétendus juges corrompus de la CEDEAO à l'image de leurs chefs d'Etat respectifs.Leur jugement n'a aucune valeur,un voleur reste un voleur et donc leur parole,leur jugement n'a aucune valeur  :tala-sylla:  :tala-sylla:  :tala-sylla:  :tala-sylla: 
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    Auteur

    Citoyen

    En Avril, 2013 (23:10 PM)
    excellente cpntribution
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    Auteur

    Nit Dafay Nité

    En Avril, 2013 (22:19 PM)
    J'ai beaucoup de respect pour ce criminologue mais sur la plan de la légalité son raisonnement ne tient pas .



    1-Un Etat de droit c'est le respect du droit par les citoyens mais également par l'Etat lui même sujet de droit même si là l'Etat on applique un droit qui lui est spécifique.



    2-Ensuite le Sénégal a signé des conventions internationales qui , une fois ratifiées sont supérieurs à la Constitution .

    3- L’interdiction administrative de sortie du territoire a été supprimée au Sénégal depuis sous Senghor.



    4- En l'état actuel du droit pénal sénégalais seul un juge d'instruction peut interdire une personne inculpée de quitter le territoire national en lui retirant son passeport or en l'espèce aucune des personnes faisant l'objet d'une enquête pour présomption d’enrichissement illicite n'est à ce jour inculpée.

    5- les articles du code de procédure pénal invoqués ne peuvent s'appliquer à la procédure de l'enrichissement illicite.

    enfin la fin ne doit pas justifier les moyens le respect du droit est le 1er principe de l’éthique républicaine.
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