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Jacqueline Fatima Bocoum, Journaliste : «Je rêve de refaire la tél黫Karim Wade m’a dit…»

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Jacqueline Fatima Bocoum, Journaliste : «Je rêve de refaire la tél黫Karim Wade m’a dit…»

 

Après avoir jeté un coup d’œil sur son Cv, on a du mal à croire que cette belle métisse peuhle n’a que 35 ans. Première femme à avoir dirigé un groupe de presse dans ce pays, Jacqueline Fatima Bocoum, journaliste, revient, dans cet entretien, sur son expérience à la tête du Groupe Com7, de ses relations avec Karim Wade et retrace son itinéraire jeune mais très riche. Divorcée, l’auteur de Motus et bouche décousie, qui se veut femme indépendante, est «un cœur à prendre».

FORMATION

«J’ai une Licence en Journalisme et puis énormément de formations parce qu’à l’époque, ce sont les Canadiens qui géraient le Cesti et donc j’ai fait le tour : je suis allée au Canada, à Paris, j’ai fait un stage de télé à Marseille. A l’époque les stages étaient très demandés surtout avec l’approche genre, parce qu’il y a une décennie, les femmes étaient très sollicitées par rapport à certaines formations. Je peux avouer quand même que j’ai fait le tour de certaines grandes rédactions à travers le monde et cela a permis de me former. C’est Daouda Ndiaye (actuel directeur de la Rts) qui m’a embauché à la télé, il a été le premier et c’est Cheikh Tidiane Gadio, l’actuel ministre des Affaires étrangères, qui était mon professeur de télé au Cesti et c’est lui qui m’a donné l’envie de faire de la télévision. Je dois également dire que ma formation, je la dois beaucoup à Babacar Touré (du groupe Sud communication) : il a été mon ‘’coach’’ en matière de journalisme.»

PREMIERS PAS DANS LE JOURNALISME

«C’était assez particulier, parce qu’on a commencé avec la télé, à la Rts, un média gouvernemental. Il y avait une ligne rouge à ne pas dépasser, c’est clair. Et on est arrivé avec la fougue du journalisme, on avait envie de changer la maison, de changer ce qui s’y passait. On s’est rendu compte que ce n’était pas si évident que cela. J’ai passé de très belles années là-bas, parce que j’ai vraiment appris le métier sur le terrain grâce aux gens qui animent la Rts. Après, j’ai commencé à être très sollicitée par le milieu professionnel, mais il faut dire aussi qu’on a eu une génération qui a eu l’avantage de vivre la libéralisation de l’Audiovisuel. C’est à nos vingt ans que Sud (le groupe de presse Sud communication) est arrivé en termes de radio et cela nous a permis un peu d’exploser de manière médiatique et de vivre quelque chose que les anciens n’avaient pas la possibilité de vivre.»

RTS, SUD FM, RADIO NOSTALGIE, AMBASSADE D’ISRAEL, MINiSTERE…

«Je suis entrée à la Rts en 1992, juste après le Cesti et j’ai fait deux ans, comme reporter. Après, Babacar Touré m’a demandée avec Latif Coulibaly de les rejoindre pour démarrer la radio Sud Fm. J’ai été la première voix de Sud : c’était le premier juillet 1994. J’y suis restée un an et demi. Après Nostalgie (90.3) est arrivée, cherchant des jeunes avec des voix «assez neutres» qui passaient facilement à l’écoute : J’ai été directrice des programmes à ce moment-là. Après la radio Nostalgie, je suis allée à l’ambassade d’Israël, pour le service de Communication et Relations publiques que l’ambassadeur de l’époque m’avait demandé de monter. Par la suite, je suis allée au ministère de la Communication comme Premier conseiller technique de Aïssata Tall Sall que je ne connaissais pas et qui m’avait choisie parce qu’elle me voyait dans les médias. Elle avait l’impression que j’étais une battante et elle voulait une collaboratrice de ce profil-là.

Cela a été une très bonne expérience de gestion administrative pour moi. Quand l’Alternance est intervenue, étant donné que j’étais considérée comme une technicienne complètement apolitique de nature et même de tempérament, je me suis retrouvée dans le Cabinet de Abdou Fall, ministre de la Santé, comme Conseillère en communication. En ce moment, le groupe Com7 cherchait pendant des mois un remplaçant à mon prédécesseur. Je n’avais même pas postulé (il y avait plus de trois cents Cv), quand Youssou Ndour m’a appelé pour que je prenne les reines du groupe. C’etait forcément intéressant en tant que femme, en tant que jeune, de se retrouver à la tête d’un groupe aussi important. Cela a duré deux ans et après Com7, j’ai monté ma propre agence de communication. C’est vrai qu’il y a dix ans, je souffrais beaucoup du concept d’instabilité, parce qu’on n’arrêtait pas de dire que Jacqueline ne sait pas ce qu’elle veut. Dix ans après, l’histoire me donne raison, parce que maintenant, tout le monde se dit que ce n’était pas de l’instabilité, mais de la mobilité. Maintenant, on trouve normal de quitter une rédaction pour une autre pour faire peut-être de meilleures choses.»

L’EXPERIENCE DU GROUPE COM7

«Je ne veux pas entrer dans les détails. Parce que depuis mon départ, j’ai refusé d’en parler : c’etait très compliqué comme ambiance. Il y a eu beaucoup d’amalgames juridico-politiques dans la crise du Com7. C’est aussi de la responsabilité d’un patron de ne pas tout le temps parler, on ne fait pas ce métier pour nous mettre en avant. Honnêtement, cela fait trois ans que je me suis tue, parce que j’estime que par rapport à la structure que je dirigeais et aux gens que j’ai laissés là-bas, ce n’est pas à moi de faire le procès de Com7. J’ai été un Dg nommé, l’aventure est terminée, je suis passée à autre chose. J’ai un tempérament à bouger, je ne comptais pas faire ma vie là-bas. Il y a des détails sur lesquels je n’ai pas envie de revenir, parce qu’il y a eu des choses assez personnelles, et d’autres assez compliquées entre les administrateurs eux-mêmes (Youssou Ndour, Bara Tall et Cheikh Tall Dioum, à l’époque : Ndlr). Un Dg ne se doit pas d’expliquer sur la place publique la tension qu’il y a au sein des Conseils d’administration. Com7 est un groupe qui existe toujours et j’espère qu’il va trouver ses marques de manière définitive. Pour le bien être de la presse et surtout pour la survie des emplois.

Il y avait à l’époque trois entités et j’étais directrice générale : il y avait Com7, 7éditions à laquelle appartenait l’hebdomadaire Lyon, Info7, Tract et Le Populaire, et puis il y avait la radio 7Fm. Au début, les trois entités juridiques étaient sous la gouverne du directeur général, Sadekh Diagne que j’ai remplacé.»

RESPONSABILITES, GESTION DU GROUPE ET RELATIONS COMPLEXES DES ADMINISTRATEURS

«Je suis entrée à Com7 pour faire des résultats, c’était la première fois qu’on m’offrait un poste de manager général d’une aussi importante entreprise. Mais c’est difficile dans la presse d’avoir des patrons qui n’émanent pas du milieu.

Des fois, on peut avoir des langages différents, cela ne remet pas en question le fait que les administrateurs savent souvent ce qu’ils veulent par rapport à ses structures-là. Alors que la presse est d’abord une entreprise commerciale qui est censée faire des recettes, avec un système de gestion qui fait que malheureusement, quand on est entre journalistes, on a tendance à être très solidaire et à privilégier certainement l’information sur les recettes du journal ou de la radio. On avait trois administrateurs, Cheikh Tall Dioum, Youssou Ndour et Bara Tall : ils avaient des tempéraments différents.

C’est vrai qu’ils ne s’entendaient pas, moi je ne peux même pas leur reprocher quelque chose, car lorsque je suis arrivée à Com7, déjà entre eux, il y avait des problèmes. J’ai essayé autant que faire ce peut de les réunir, mais pendant tout le temps que j’ai passé là-bas, le Conseil d’administration ne s’est réuni qu’une seule fois et cela s’est très mal passé en termes d’ambiance. Maintenant, je pense que ce n’est pas à moi de dire quelle est la responsabilité de chacun d’entre eux. Ils avaient mis leur argent dans une aventure de copains au départ.

Et dans le monde du business, on est fait pour être ensemble et des fois se quitter. Je pense qu’il ne serait même pas bon d’entrer dans leur relation, car ils seront appelés à se retrouver, c’est cela le monde des affaires. Moi je ne suis pas là pour porter le combat des administrateurs, parce que c’est leur groupe. J’ai été juste nommée pour faire un travail et je pense l’avoir fait suivant un mode de gestion préférentielle. J’étais plus proche des journalistes que des administrateurs et c’est normal, étant membre de la corporation. En termes d’expérience, c’était bien, et en terme de vécu en tant que Dg, je pense qu’il y avait beaucoup de tensions inutiles par rapport au Conseil d’administration et l’on a malheureusement des groupes qui ne peuvent pas supporter ce genre d’amalgame relationnel dans les ambiances de travail. Heureusement que Com7 est encore debout et pour moi, quelle que soit l’issue qui sera donnée à cette affaire, l’essentiel, c’est de préserver les emplois.»

LE CAS BARA TALL…

«Non, il n’y avait pas un manque de résultats, car lorsque je suis arrivée, Com7 était déjà terriblement endettée, mais bon, il sait que les entreprises de presse sont toujours déficitaires pour la plupart. C’était plutôt le fait que Cheikh Tall Dioum et Youssou Ndour m’avaient choisie que Bara Tall avait l’impression qu’on lui avait forcé la main en m’imposant à la tête de Com7 et ainsi, il ne m’a pas donné la possibilité de me faire connaître de lui. Il avait des a priori sur le choix des autres administrateurs par rapport à lui, alors qu’il était minoritaire. Il a pris cela comme du forcing de la part de Cheikh T. Dioum et Youssou Ndour, j’ai essayé de m’approcher de lui pour lui faire comprendre que le plus important c’est la bonne marche de la structure et que quel que soit le Dg, l’essentiel était de faire des résultats.

Mais je crois qu’il était braqué depuis le départ par rapport à ma personne. Je ne sais pas ce qui s’est passé réellement, parce que je ne sais pas ce que Bara Tall a pu penser foncièrement de moi. C’est quelqu’un avec qui j’avais des rapports très courtois. Je ne les connaissais pas avant, ni lui, ni Cheikh T. Dioum d’ailleurs. Il n’y avait que Youssou que je connaissais un peu comme tout le monde. Je n’avais pas de rapport particulier avec les administrateurs, je n’ai pas cette tendance à faire la cour à l’administrateur : moi j’ai un cahier de charges, je l’exécute, après ils peuvent être contents ou non. Maintenant, ce qu’il y a eu derrière, je pense que cela existe jusqu’à présent, car le groupe connaît toujours cette crise d’identité.

Pour l’honnêteté de l’histoire et par rapport aux gens que j’ai laissés là-bas, je vous en ai dit plus que je n’en ai dit jusqu’à maintenant ; à la limite c’est plus par confraternité, mais pour moi, c’est un dossier qui n’est pas important. Pour moi, ce ne sont pas les hommes qui dirigent les structures qui sont importants, c’est vraiment ce qu’on laisse à la structure, l’histoire de la structure, sa pérennité, et non le passage des hommes. Je garde le sentiment d’une très belle aventure et le fait que j’ai été jusqu’ici la seule femme patron de presse dans ce pays. C’était très motivant comme statut, j’ai laissé là-bas des confrères avec qui j’ai pu développer des relations très chaleureuses même avec le temps. Et puis la vie continue. J’ai mon agence, je suis ma propre patronne, ce qui est encore beaucoup plus gratifiant et intéressant en termes de résultats.»

APPROCHE GENRE, FEMME PATRON DE PRESSE ?

«Je vais vous étonner, mais en fait, je n’ai jamais eu de complexes par rapport aux hommes Sénégalais, simplement parce que j’estime que l’intelligence est une notion masculine et féminine, c’est une notion asexuée. On est aussi intelligent quand on est homme que quand on est femme. Maintenant, les mutations sociales sont tellement importantes et rapides que les femmes sont arrivées à toutes les intelligences auxquelles les hommes sont arrivés. Et de par l’éducation que j’ai reçue, je n’étais pas en train de me dire : je suis une femme, il faut que je me comporte comme une femme. Quand on est journaliste, on l’est pour de bon. Je n’ai jamais vécu le regard des confrères par rapport au fait que j’étais une femme. Les journalistes sénégalaises sont très en avance par rapport à l’approche genre.

Je pense que s’il y’avait plus de femmes compétentes, on en trouverait dans les rédactions, c’est à nous (femmes) de nous battre, de prendre la place qu’est la nôtre et ne pas jouer à la poupée quand on a envie d’être respectée par rapport à son talent ou à ses compétences. Cela doit être un comportement, une attitude de respect de soi et de l’autre. J’ai toujours privilégié cela dans mes rapports avec les hommes et j’ai très souvent été leader dans les rédactions où j’étais, puisque j’avais des postes de responsabilité. Il est vrai que je n’ai pas vécu ce rapport tout le temps des hommes qui me commandent et lorsque cela s’est passé, cela a toujours été des rapports très intelligents de respect réciproque.»

RELATIONS AVEC KARIM WADE

«Je n’ai pas de rapports particuliers avec lui. Nous avons eu un différent qui selon moi, relevait plus du malentendu que d’autre chose. Karim Wade a eu une réaction naturelle de défense de sa sœur et c’est une réaction compréhensible. A l’époque, le journal Le Populaire avait parlé de la vie privée de sa sœur (Sindjelli, fille du Président Wade, Ndlr) et comme j’étais à la tête du groupe qui éditait ce journal, il a cru que j’étais derrière tout cela et que j’en voulais à sa famille.

C’est après le décès de ma grande mère que la presse avait relaté l’incident. En fait, je me trouvais dans un restaurant lorsqu’il est venu à ma table et qu’il m’a dit : «Je peux comprendre que vous vous attaquez à mon père ou à moi-même, mais si vous touchez à ma sœur, je vais vous casser et vous pouvez considérer cela comme des menaces publiques.» C’était quand même assez fort et pour vous dire à quel point je peux me montrer conciliante, je n’ai pas donné suite à cette affaire.

Pour moi, être fils de Président n’est pas un statut. Quelque temps après notre altercation, on s’est rencontré, il m’a assuré qu’il n’avait rien contre moi, que les gens racontaient des histoires et qu’il n’avait rien à avoir avec mon limogeage à la tête de Com7. Et, jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas de raison de ne pas le croire. Quant à Sindjelli Wade, je n’ai pas de relations particulières avec elle : les fois que nous nous sommes rencontrées, elle s’est montrée courtoise.»

RETOUR SUR LE PETIT ECRAN

«C’est mon rêve, j’en avais discuté assez brièvement avec Daouda Ndiaye (Dg de la Rts), il a le projet de faire revenir toutes les grandes signatures de la télé comme Madior Sylla, Diatou Cissé qui a déjà fait son come-back. Mais pour l’instant, j’attends de voir le contenu de ce qui nous sera proposé et les moyens qui seront dégagés. Cela pourrait prendre la forme d’une émission sur l’actualité.»

A SUIVRE



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