Accusation de blanchiment d’argent portées par les libéraux contre le PM : Quand l’hôpital se moque de la charité

L’Assemblée nationale s’est réunie le mercredi 26 décembre dernier pour se pencher sur la motion de censure initiée par l’opposition libérale soutenue par des députés non inscrits. Comme on s’y attendait, elle a été rejetée par la majorité présidentielle puisque seuls 14 députés ont voté en sa faveur sur une Assemblée qui compte 150 députés. Deux députés qui avaient signé la motion ne l’ont donc pas votée en définitive. L’échec de cette motion de censure a laissé un goût amer sur un double plan. D’abord à cause de son caractère politicien ; ensuite, à cause de la fadeur des débats qui ont précédé sa mise aux voix. 

En prenant une telle initiative, le député du Parti démocratique sénégalais (Pds) Oumar Sarr et ses camarades savaient que leur énième manœuvre allait se heurter au mur de résistance de la majorité présidentielle. En effet, même au sein de l’opinion publique, l’initiative libérale a été littéralement rejetée. Se fondant prétendument sur le n° 645 du journal la Lettre du Continent du 25 octobre 2012, les libéraux accusent l’actuel Premier ministre, M. Abdoul Mbaye, ancien directeur général de la défunte Banque internationale pour l’Afrique occidentale (BIAO) devenu Compagnie bancaire de l’Afrique occidentale (CBAO), d’avoir blanchi d’importantes sommes d’argent qui tournent autour de 16 milliards. Dans leur acte d’accusation, les initiateurs de la motion prétendent que M. Abdoul Mbaye aurait procédé à « l’utilisation de comptes appartenant à des clients décédés ou fictifs, qui ont permis d’accueillir les fonds de l’ancien président tchadien en exil au Sénégal. Au cours de l’année 1991, des ordres ont été donnés pour que la banque en question émette plusieurs «bons de caisse au porteur» remis en liquide à Hissène Habré.» 

Le péché de la motion de censure du Pds et de ses souteneurs, c’est qu’elle est une initiative ad hominem dans le mesure où elle ne visait que le Premier ministre, M. Abdoul Mbaye. Or, en principe, une motion de censure tend à renverser un gouvernement dont la politique va à l’encontre des intérêts de la nation. Par conséquent, la motion de censure est le moyen dont dispose le Parlement pour montrer sa désapprobation de la politique du gouvernement et le contraindre à démissionner. La motion de censure des libéraux ne s’inscrivait pas dans ce registre-là, malheureusement. Le motif de cette tentative machiavélique, c’est un supposé blanchiment et un recel de l’argent du président Hissène Habré. Or, il est établi qu’à l’époque où étaient commis les faits reprochés à M. Abdoul Mbaye, non seulement la loi sur le blanchiment d’argent n’existait pas mais encore, le ministre de l’Economie et des Finances d’alors, M. Moussa Touré, a déclaré dans une interview accordée à une radio de la place que si la banque dirigée alors par M. Abdoul Mbaye avait accepté de garder l’argent de M. Habré, c’est sur autorisation des autorités du Sénégal. Lesquelles avaient procédé à un recensement de tous les biens que M. Habré avait par-devers lui en fuyant le Tchad le 1er décembre 1990, devant l’avancée inexorable des troupes de M. Idriss Deby, qui l’a remplacé depuis lors à la tête de ce pays. Mieux, la BCEAO (Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest) avait donné son aval pour que ces fonds puissent être logés au sein de la CBAO. En fait, il n’est pire sourd que celui qui ne veut point entendre puisque, lors d’un point de presse tenu au mois de novembre dernier, l’actuel PM avait été on ne peut plus clair : « J’avais saisi les autorités du Sénégal de l’époque, pour voir la suite à donner à ce dépôt et l’on m’avait autorisé à accueillir cet argent. Ensuite, j’avais saisi le siège de la BCEAO pour aussi savoir l’origine de cet argent et l’on m’a dit que c’était des virements de son compte et j’ai donc pu, comme toutes les autres banques qui avaient accueilli l’argent de M. Hissène Habré, disposer de ce dépôt.» Tout cela pour dire quoi ? Que M. Abdoul Mbaye ne peut être accusé sans les autorités socialistes de l’époque qui avaient donné leur aval pour que les biens de M. Habré entrent dans notre territoire. Il ne peut non plus être accusé sans que soient convoquées aussi les autorités de la BCEAO de l’époque qui ont donné le quitus à la CBAO pour garder l’argent de Habré. Ces rappels signifient aussi que les libéraux qui agitent aujourd’hui cette histoire de blanchiment veulent simplement marquer un coup politique et dévier l’opinion de la traque des biens mal acquis enclenchée par le nouveau pouvoir. Une traque qui les vise au premier chef. Ce qui disqualifie aussi l’initiative des députés « bleus », c’est que l’ex-président tchadien n’est pas accusé de détournement de deniers publics, ni de crime économique mais de crime de guerre et crime contre l’humanité. En vérité, cette motion de censure n’était qu’une simple opération de diversion pour chloroformer l’opinion et l’amener à faire pression sur le gouvernement de M. Macky Sall pour passer par pertes et profits la croisade contre l’ enrichissement illicite qu’il a entreprise. En quelque sorte, ils essaient de jeter un os à ronger au bon peuple afin qu’il oublie leurs graves turpitudes passées. Car si les agissements supposés de M. Abdoul Mbaye intéressait vraiment les libéraux à ce point, ils avaient toute la latitude durant les douze ans de leur règne de l’interpeller à propos de ce prétendu blanchiment et, même, de le traîner devant les tribunaux. 

Résultat : les Sénégalais doivent rire sous cape aujourd’hui en voyant l’hôpital qui se moque de la charité. Si les libéraux accusent M. Abdoul Mbaye de blanchiment d’argent, de quoi doit-on accuser des va-nu-pieds qui, avant 2000, se bousculaient dans les cars rapides ou louaient des chambres dans des quartiers populaires et qui, aujourd’hui, sont priés de justifier des patrimoines se chiffrant à plusieurs milliards de francs ? Notre pays, le Sénégal, souffre malheureusement de l’inexistence d’une opposition parlementaire et républicaine qui joue un véritable rôle de contre-pouvoir. La seule chose qui intéresse les libéraux, c’est d’utiliser tous les artifices cauteleux pour divertir l’opinion publique. Et ce afin que l’on ne parle plus de leurs turpitudes financières. Il est temps qu’on siffle la fin de cette troisième mi-temps du match Wade / Macky. Il est triste de constater que ces libéraux veulent se constituer en avocats du peuple tchadien, lequel aujourd’hui se préoccupe plus de la coalition rebelle centrafricaine du Séléka qui risque de déstabiliser le sud de leur pays et mettre en danger régime de M. Idriss Déby si elle parvient à chasser le potentat François Bozizé, que par l’argent emporté par M. Hissène Habré. Depuis 22 ans que ce dernier vit dans notre pays, c’est-à-dire très loin du Tchad, aucune plainte de détournement de deniers publics n’avait été formulée à son encontre par l’Etat tchadien. Ce sont des ONGs à la solde des Belges qui soulèvent aujourd’hui cette question de blanchiment d’argent. Pourtant, ces mêmes Belges donneurs de leçons en matière de droits de l’homme, qui ont sauvagement assassiné le grand patriote africain Patrice Emery Lumumba, tardent à s’expliquer sur leur crime odieux commis le 17 janvier 1961 sur cet éphémère chef du gouvernement congolais. Là où on attend les députés du PDS, c’est de se pencher sérieusement sur les difficultés afférentes à la demande sociale qui assaillent les Sénégalaises et les Sénégalais et de s’organiser pour affronter victorieusement les prochaines échéances électorales inscrites dans l’agenda politique national. Et non de faire le guignol en déposant des motions de censure qui n’ont aucune chance d’être adoptées. 

SERIGNE SALIOU GUEYE 

« Le Témoin » N° 1109 –Hebdomadaire Sénégalais ( JANVIER 2013)