Entretien: Mael Thiam (Apr) : «En quoi Barth peut nous inquiéter... ?”

Mael Thiam est l’administrateur du parti au pouvoir, l’Apr. Il s’exprime dans ce court entretien sur la réactivation tardive du procès sur le meurtre de Ndiaga Diouf, que certains voient comme des représailles du camp présidentiel contre la radicalisation de Barthélémy Dias.

M. Thiam, le procès sur le meurtre de Ndiaga Diouf est aujourd’hui réactivé. Certains y voient une manière, pour le pouvoir, de sanctionner la radicalisation de Barthélémy Dias. Qu’en pensez-vous?

D’abord il faut vanter l’indépendance de la justice sénégalaise. Aujourd’hui, au moment où je vous parle, il y a des responsables de l’Apr qui sont poursuivis par la justice pour des actes qu’ils ont posés. Aucun citoyen n’est plus important que les autres. Le temps de la justice n’est pas celui des politiciens ni celui des journalistes. Nous devons tous faire confiance en notre justice. S’il s’agissait d’une affaire close et qui est remise sur la table, on aurait pu parler d’une torsion de la main de la justice. Mais ce n’est pas le cas.

La question qu’il faudrait qu’on se pose, c’est : «est ce que c’est normal que Barthélémy Dias soit appelé par la Justice ou pas ? Est ce que c’est normal que la justice veuille aller jusqu’au bout de cette affaire» ? N’est-il pas normal que la famille du disparu puisse être réconfortée par un éclaircissement de cette affaire? Ce sont là les questions pertinentes pour moi. La question politique n’a aucune importance. Vous voyez, même Barthélémy Dias veut que cette affaire soit jugée. Il ne faut pas, à chaque fois, mettre les choses publiques dans une enveloppe politique. Car elles perdent de leur sens, elles perdent de leur poids dans la construction de la démocratie et du renforcement de nos institutions. Je pense que ce n’est pas politique. Maintenant, avec la lecture humaine, on serait tenté de dire pourquoi maintenant ? Mais c’est le temps de la Justice.

Depuis 2011, ce n’est qu’aujourd’hui que l’affaire a été réactivée. Certains y voient une manière de punir M. Dias. Qu’en pensez-vous?

Non, je ne le pense pas. Le juge est toujours libre de l’interpeller. Pour moi, administrateur de l’Apr, ce qui m’intéresse, c’est de savoir si la justice fonctionne dans mon pays ou pas ? Est-ce que l’acte que vient de poser la justice est républicain ou pas ? Barthélémy Dias ou un autre, ce n’est pas ce qui est important. Le plus important, c’est qu’il y a une famille éplorée par l’assassinant de son fils. Est-ce que cette famille a oui ou non le droit de voir cette affaire élucidée clairement par la justice ? C’est cela le plus important. Qu’on essaie de faire un parallélisme avec l’actualité politique, c’est un jeu intellectuel qui plait à certain. D’ailleurs, je ne vois pas en quoi Barthélémy Dias nous aurait gênés politiquement.

Ah bon?

Vous-même vous aviez vu qu’il avait participé à une marche qui regroupait tous les partis politiques de l’opposition. Et à l’opposée, je vous prie de regarder tous les sénégalais qui se sont mobilisés autour du Président de la République lors de sa tournée économique. En quoi il nous aurait inquiété au point de diriger la justice contre quel que citoyen que ce soit. Non. Je crois que c’est une question qui n’a pas sa raison d’être. D’ailleurs, chaque fois que des sénégalais posent des actes répréhensibles, chaque fois qu’ils veulent s’en sortir, au lieu de plaider sur des faits et des actes de droit, on est tenté de dire que c’est politique pour pouvoir s’échapper. Il faut qu’on arrête cela. Dans d’autres pays des hommes politiques sont jugés sans que cela ne soit versé dans une enveloppe politique. Pourquoi pas au Sénégal ? Pourquoi parce que c’est Barthélémy Dias qu’on doit arrêter le fonctionnement de la Justice?

Certains d’observateurs disent aussi que la réactivation de cette affaire est la preuve que la justice est parfois instrumentalisée par l’exécutif. Que pensez-vous de telles affirmations ?

Nous devons avoir du respect pour les acteurs de la Justice. Si la Justice avait posé un acte qu’elle n’a pas le droit de poser, on aurait pu parler d’instrumentalisation. On n’a fait que laisser la justice fonctionner. Si ce dossier n’avait pas progressé, c’est là qu’on aurait dû parler d’instrumentalisation de la Justice.

Youssouf SANE