Dès son arrivée au pouvoir, le président Abdoulaye Wade a dissous, par méfiance, le Centre de coordination et d’analyse du renseignement (Cencar). À la place, le chef de l’Etat a mis en place une Cellule de renseignement basée à la Présidence et composée de commissaires de police, dont la principale activité consistait à surveiller les hommes politiques. Plombés par la politique politicienne et d’autres errements du pouvoir libéral, les services secrets sénégalais ont montré des limites inquiétantes dans l’affaire des armes iraniennes fournies à la rébellion casamançaise par la Gambie. Des insuffisances du renseignement sénégalais que le colmatage entrepris à la va-vite avec le limogeage du général Gabar Diop ne comblera pas
Service secrets sénégalais : Absence de coordination et carences diplomatiques
La découverte en novembre 2010 au Nigeria d’une cargaison d’armes en provenance d’Iran et à destination de la Gambie soulève beaucoup de questions. Alors que les autorités règlent leurs comptes avec Téhéran, il convient de s’interroger sur l’efficacité de la communauté du renseignement au Sénégal. En effet, depuis 2000, les errements et autres négligences des services secrets révèlent que le Sénégal a toujours un bon train de retard sur les évènements. Autrement dit, nous sommes plus dans la réaction que dans l’action. Cette situation met à nu les faiblesses de l’Etat en matière de prospective, d’analyse et donc d’anticipation. Plusieurs facteurs pourraient expliquer l’inefficacité des services : la politique politicienne, une mauvaise collaboration avec les services étrangers, une diplomatie sans diplomates et enfin un système de renseignement mal organisé.
Dès son arrivée au pouvoir, le président Abdoulaye Wade a dissous, par méfiance, le Centre de coordination et d’analyse du renseignement, le Cencar. À la place, le chef de l’Etat a mis en place une Cellule de renseignement basée à la Présidence et composée de commissaires de police, dont la principale activité consistait à surveiller les hommes politiques. Résultats des courses, les différents services ont repris leurs travaux chacun dans son coin. Les avantages d’une structure comme le Cencar tenaient à deux aspects. D’une part, il s’agissait d’une structure pluridisciplinaire, regroupant donc plusieurs spécialistes. D’autre part, le Cencar, comme son nom l’indique, avait pour mission de coordonner et d’analyser. Il s’agit de coordonner les activités de tous les services de renseignement du pays. Ce qui permet la centralisation d’informations de natures diverses qui sont ensuite soumises à l’analyse de spécialistes. Cette étape permet d’avoir des renseignements et, parfois, des renseignements dits opérationnels, c’est-à-dire permettant une action ciblée sur le terrain. Sans le Cencar, le Sénégal n’aurait sans doute jamais pu lancer l’opération Gabou en 1998 en Guinée-Bissau.
Se rendant compte des insuffisances de sa cellule de renseignement, le chef de l’Etat crée le Centre d’orientation stratégique (Cos). Confié au général Gabar Diop, le Cos n’a pas permis de venir à bout des problèmes d’information au plus haut sommet de l’Etat. En effet, le système est resté dispersé entre la Présidence, les services dépendant des ministères et des Etats-majors (Contre-espionnage, Dst, Ocrtis, 2e Bureau etc.). Au final, l’efficacité n’a jamais été au rendez-vous. Aujourd’hui, cette affaire d’armes iraniennes et la recrudescence de la violence en Casamance en sont la parfaite illustration.
Insuffisances et limites du renseignement
En réalité, le Sénégal n’a pas, a priori, les moyens d’avoir connaissance de ce type de trafic. Sauf si l’Iran l’en avait informé. C’est d’ailleurs ce que reproche à Téhéran M. Madické Niang, ministre des Affaires étrangères. Au-delà du pays des mollahs, il faudrait aussi se demander pourquoi les services secrets des puissances alliées (Cia, Dgse, Mossad) ne se sont pas montrés coopératifs. Le zèle intéressé et exaspérant du président de la République dans le dossier du nucléaire iranien y est sans doute pour quelque chose. Autre question : combien de cargaisons ont été livrées et quels étaient leurs contenus ? Parce qu’on se focalise beaucoup sur les armes létales, mais quid des moyens de transmission et autres matériels électroniques permettant de repérer les mouvements de troupes ? Que dire du rapport de l’Etat-major, selon lequel les armes utilisées par les combattants du Mfdc proviennent d’Iran ? Officiellement, c’est sur la base de ce rapport que les relations diplomatiques entre Dakar et Téhéran ont été rompues. Concrètement, l’armée a mis quatre mois pour arriver à une conclusion que tout le monde savait déjà. Timide reprise en main de la situation, le président de la République s’est séparé du général Gabar Diop qui dirigeait le Cos, pour nommer le général Bakary Seck. Objectif : donner un coup de fouet au renseignement stratégique (…) Au plan sécuritaire, les trois postes diplomatiques les plus importants du Sénégal sont Banjul, Bissau et Nouakchott. À ce titre, le chef de l’Etat serait bien inspiré d’éviter de nommer des farfelus à ces postes sensibles. En France où des leaders du Mfdc résident, le Sénégal n’a pas les moyens de les surveiller, pas plus que les activités de certains pays «frères». Depuis mars 2008, notre ambassade à Paris n’a plus d’officier de renseignement.
Réorganiser les services secrets
Au demeurant, le général Bakary Seck, avec la meilleure volonté du monde, ne peut réussir sa mission à la tête du Cos si les hommes politiques sont incapables de définir les orientations claires et d’élaborer une stratégie globale auxquelles ils se tiennent. Il faut savoir ce qu’on cherche, avant de savoir où chercher, comment et avec qui. Ce n’est pas un secret ; les hommes politiques sénégalais n’ont pas la culture du renseignement. Certains l’utilisent pour combattre leurs adversaires. Et c’est dommage. Il est plus que jamais nécessaire de réorganiser le système en créant deux grands services : le renseignement intérieur et le renseignement extérieur. Avec la gendarmerie, la police a un rôle central dans l’organisation du renseignement intérieur. Avec leurs activités quotidiennes, les policiers sont de fait les plus opérationnels. En ce qui concerne les services extérieurs, une ouverture à l’expertise civile ne serait pas superflue. Le renseignement, dans sa partie stratégique, n’est pas exclusivement militaire. Tous les grands services de renseignement recrutent leurs agents à la sortie des grandes écoles et universités. Les plus brillants dans tous les domaines (biologie, géographie, physique, droit, histoire, sociologie, informatique, communication, langues etc.) sont recrutés et formés aux techniques d’espionnage. C’est le volet opérationnel qui est militaire, parce qu’il ne viendrait à l’idée d’aucun civil d’aller disputer aux officiers la conduite d’opérations. Il serait sans doute utile d’inscrire au programme des cours à l’Ecole nationale d’administration, des séminaires complets sur le renseignement et l’intelligence économique. Quoi qu’il en soit, il faut mobiliser d’importantes ressources financières, technologiques et humaines en fonction de nos objectifs sécuritaires. Si le Cos n’a pas les moyens de recruter, de mener ses propres opérations, de collecter et de traiter les informations, il ne sera guère utile. La réorganisation des services en deux grands pôles n’ignore pas le renseignement militaire. Il s’agit d’une activité gérée par l’Etat-major des armées et qui doit être orientée vers des objectifs opérationnels plus ambitieux.
10 Commentaires
Vip
En Février, 2011 (15:52 PM)...........
En Février, 2011 (15:57 PM)Soldaar
En Février, 2011 (16:02 PM)Syllam
En Février, 2011 (16:16 PM)Qqqoc
En Février, 2011 (16:35 PM)en tout cas, ils interviennent dans la forêt à l'aise
Modou Argentine
En Février, 2011 (16:52 PM)Fetal
En Février, 2011 (17:04 PM)Xalaas
En Février, 2011 (18:53 PM)Xalaas !
Changement
En Février, 2011 (21:49 PM)Cheikh Diop
En Novembre, 2011 (14:25 PM)Participer à la Discussion