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Politique

Noëlla Niouky et Elise Nicole Mpal : Les gardiennes du temple culinaire casamançais

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Noëlla Niouky et Elise Nicole Mpal : Les gardiennes du temple culinaire casamançais

La gastronomie casamançaise est portée naturellement par les femmes qui gardent encore jalousement certains secrets. Cependant, deux d’entre elles se sont distinguées par leur contribution à la promotion et la valorisation de ce riche héritage ancestral. 

Noëlla Nioucky : La reine du cajou
Depuis quelques années, Mme Noëlla Niouky se bat pour faire connaître toutes les facettes et utilités du cajou, arbre aux multiples vertus. Dénommée la reine du cajou, Mme Noëlla Niouky a remporté pas moins de quatre prix grâce aux nombreux plats qu’elle a préparés avec le cajou, de l’entrée au dessert en passant par les résistances et les jus.

Trouvée dans son unité de transformation installée en face de l’université Assane Seck de Ziguinchor en cette matinée pluvieuse du mois d’août, Mme Noëlla Niouky est plein dans un grand ménage. Elle reçoit un séminaire de formation sur la transformation de la mangue. Donc il faut remettre les installations à neuf et laver à grande eau les salles de travail. Elle nous propose de prendre rendez-vous pour une séance de dégustation des différentes préparations qu’elle fait avec le cajou. Cette dame, de courte taille, ne tarit pas d’éloges lorsqu’elle parle du cajou. Mme Noëlla Nioucky déplore que ce fruit reste encore sous-exploité dans notre pays. Elle invite les autorités publiques à lui accorder plus d’attention. Selon cette dame, tout est utile avec cet arbre d’origine brésilienne. Elle commence par les feuilles qui ont, pour elle, des vertus thérapeutiques, surtout contre les maux de tête. Vient ensuite l’écorce qui renferme plusieurs secrets médicinaux. Mais les parties qui l’intéressent le plus sont la chair du fruit appelée pomme et les noix. Cette dame très dynamique, exploitant 18 hectares en Casamance, fait avec la pomme de cajou des mets très succulents, avec la chair séchée ou cuite qui prend l’aspect de la viande.

Invités à une dégustation chez elle, au quartier Grand Yoff, derrière l’aéroport, à la périphérie de Ziguinchor, nous avons eu droit à un menu complet avec une entrée, un plat chaud et un dessert. A l’entrée, l’une des assistantes de Mme Nioucky, Fatou Bintou Fall, une étudiante en troisième année, nous présente une salade à la pomme de cajou accompagnée de crevettes, de tranches de concombres vert et rouge, d’œuf dur décoré de mayonnaise. Après quelques explications, Mlle Fall revient avec quatre petits plats. Elle nous présente deux variétés de sauce, une blanche et une rouge qui accompagne la pâte de pomme de cajou. Le clou, c’est un dessert avec deux versions de gâteaux dénommés pain aux épices et pain au miel qui se digèrent avec un verre de jus de cajou. « C’est dommage, on n’a pas pu vous faire la pizza à l’acajou », se désole-t-elle avant de nous expliquer avoir formé deux filles pour assurer la relève et partager sa passion et son expérience.

Prix de l’innovation culinaire 2015
Habituée des salons et autres foires, Mme Noella Niouky a presque tout raflé avec quatre prix (l’innovation, hors d’œuvre, plat de résistance et dessert), lors de la 5ème édition du concours national d’art culinaire à Kaolack organisé le 10 avril 2015. Ayant constaté qu’au Sénégal, on a l’habitude de manger du riz, elle s’est dit pourquoi pas, à partir du cajou, inventer des recettes, à l’image de nos frères ivoiriens avec le « Athieké ». Car, souligne-t-elle, nous devons avoir un plat typique à partir d’un produit local comme le cajou. Dans son combat en faveur de la promotion et la valorisation du cajou, Mme Nioucky a bénéficié du soutien et de l’appui du Programme d'appui au développement économique de la Casamance (Padec). Elle se plaît à rappeler que c’est le Pader qui l’a sortie de sa précarité dans laquelle elle était sous les arbres. Avec son Gie Demir qui signifie endurer, elle a bénéficié d’une unité de transformation fonctionnelle, construite par le Padec. La 23ème édition de la foire de Dakar a aussi été une aubaine pour la promotion du cajou. 

Elise Nicole Mpal : Le concept et le process de la cuisine locale
Une passionnée de la cuisine locale, Elise Nicole Mpal, Nabou pour les intimes, est en quelque sorte une autodidacte de la cuisine. Elle a appris sur le tas comme toutes les femmes sénégalaises à faire la cuisine. Mais ce qu’elle a de plus que les autres bonnes dames, c’est le concept et le process. Elle connaît toutes les recettes locales sur le bout des doigts mais sait aussi bien les préparer. Après une heure de discussion avec elle, on est resté à se demander si elle prépare mieux qu’elle ne parle des mets casamançais. Pour préparer un plat, Nabou se préoccupe d’abord de sa conception, sa recette originelle, avant de s’attaquer à son process, c’est-à-dire comment on le prépare.

N’ayant jamais fréquenté une école d’hôtellerie ou de cuisine, Nabou n’en maîtrise pas moins toutes les facettes. Elle explique que c’est sa passion et sa curiosité qui l’ont poussée à faire reculer ses limites au point non seulement d’avoir une maîtrise parfaite de la quasi totalité de nos plats locaux, mais d’exceller dans la préparation des plats européens et asiatiques. Elle a commencé dans le restaurant d’entreprise de la Poste depuis deux mois. « A la suite d’un appel d’offres, j’ai valablement gagné le marché », campe-elle avec une teinte de fierté.

Auparavant, Nabou avait tenté une aventure dans le quartier de Cajor où elle avait ouvert un petit restaurant qui n’a pas marché. Mais ne voulant plus travailler pour le compte d’autrui, elle a décidé de mettre son talent à son propre profit. C’est ainsi qu’elle va soumissionner au marché qu’elle a gagné haut la main. 

En ce vendredi, elle nous sert d’abord un plat de « C’est bon » avant de nous entretenir des différentes recettes qu’elle sert à midi dans ce restaurant d’entreprise ouvert aussi au public. Entre autres plats, Nabou cite le « Etodjié », le « Fiteuf », le « Thiopette ». Evoquant le plat « Thiopette », elle s’arrête pour expliquer que c’est à base de petits poissons, beaucoup de citron, des épices, du sel, du poivre, du piment, beaucoup d’oignons, le tout cuit dans du citron. Ce plat est préparé la veille, car il faut attendre que l’acidité du citron rende les arêtes du poisson moelleuses.

Le « C’est bon », comme plat du jour, est le must de la mode culinaire venue de la Casamance qui fait fureur dans certains restaurants de la capitale. La recette paraît simple, mais le vrai « C’est bon » ne se mange qu’en Casamance, nous dit cette spécialiste. Il faut du riz blanc comme base, accompagné par une sauce spéciale composée de crevettes séchées, d’huitres sèches, de coquillages secs, de nététou, de poissons grillés au barbecue, et deux préparations séparées d’oignons crus et cuits. Une petite sauce accompagne le poisson mariné dans un flot de citron. « La présentation a son importance », Nabou nous explique qu’après avoir mis le riz sur un angle du plan, elle étale son poisson grillé, couvert de la marinade d’oignons crus avant de mettre l’oignon cuit sur le côté. « Le "caldou" casamançais est sans légume contrairement à ce qui se fait ailleurs ». Nabou se veut claire et explique que les légumes rendent le « Caldou » sucré, ce qui lui enlève tout son goût authentique. Si on veut vraiment mettre des légumes, elle suggère qu’on les prépare à côté avant de les mélanger avec le riz blanc déjà cuit. Pour les plats du soir, Nabou déplore d’abord le fait qu’elle n’a pas l’opportunité d’en offrir car son contrat de prestation de service dans ce restaurant d’entreprise se limite au déjeuner. Mais elle reconnaît que la palette n’est pas aussi riche et diversifiée pour les plats servis au dîner. Pêle-mêle, elle nous cite la bouillie de riz à l’arachide (Sombi guerté), la bouillie de mil (Fondé), le couscous à la sauce de pâte d’arachide (Thiéré bassé).

Les autres plats qu’elle propose sont « Mbatou bross », d’origine Balante, préparé à base de feuilles vertes d’oseille (bissap) mélangées à de la tomate cerise, riz brisé fin à laisser mignoter, rajout bissap. Elle nous parle aussi du « Nagué » à base de Lalo avec de la brisure de riz très fin, de la tomate, du Guédji cuit, du Lalo mbeup, le tout mélangé va donner la texture du « Soupe kandja ».

Elise Nicole Mpal nous renseigne que les populations n’ayant pas eu toujours accès au poisson ou à la viande se sont rabattues sur ces sauces qui ne coûtent pas cher et sont faciles à préparer et demeurent très nutritives. Sur le plan de l’apport en nutriments, Nabou vote pour le « Etodjié » qui renferme beaucoup de feuilles de manioc, de l’arachide, du poisson fumé, des huitres et toute autre chose qui peut enrichir ce plat identitaire de la Casamance naturelle. Sur le plan thérapeutique, elle conseille le « Pépéssou » fait à base de poisson bouilli comme pour faire de la soupe avec beaucoup de citron. Elle ajoute que ce plat est réputé pour ses vertus thérapeutiques contre le paludisme ou la grippe. Il peut être servi aussi bien au goûter qu’au diner à cause de sa légèreté. Comme pour montrer qu’elle parle en connaissance de cause, Nabou nous informe que le « Yassa », un des plats les plus populaires au Sénégal, est, contrairement à ce qu’on peut penser, d’origine créole et signifie griller le poisson.

Elle révèle qu’à l’origine, il n’y avait pas d’oignon dans le « Yassa ». Pour elle, avec l’oignon, on a gâté ce plat de « Yassa dicalero ». Achetant son riz à la boutique, Elise Nicole Mpal voudrait essayer, partir de l’année prochaine, le riz local pour les plats avec du « Niankatan » (riz blanc), mais compte continuer pour faire le « Thiébou dieune », avec le riz importé. « Le riz local coûte encore cher », trouve-t-elle.

Pour elle, la vie n’est pas si facile qu’on pourrait le croire. « Nous sortons d’une crise, les gens n’ont pas encore regagné les champs abandonnés », regrette-elle avant de rappeler, nostalgique, que chaque saison correspondait à une récole de fruits, de produits, etc. Nabou déplore aussi l’apparition du phénomène de la mendicité à Ziguinchor où les populations étaient si bien servies par la nature qu’elles ne connaissaient pas le commerce. L’autre cri de cœur de cette battante porte sur les crédits destinés aux femmes de Ziguinchor qui n’ont pas été bien utilisés. Elle a révélé avoir reçu de son groupement 25.000 FCfa remboursable 1.250 FCfa par mois dans son quartier de Tilène dans ce cadre. Pour elle, non seulement la somme est dérisoire, mais elle ne sert pas à grand-chose. Elle est convaincue qu’avant de financer des activités génératrices de revenues, il faut commencer par soutenir les ménages qui sont extrêmement pauvres. « Lorsque vous remettez de l’argent à une mère de famille, criblée de dettes, dont les enfants n’ont pas mangé à midi, la première chose à laquelle elle va penser c’est d’abord donner à manger à ses enfants et payer ses dettes, » jure-t-elle avant d’ajouter que les bourses familiales sont une bonne approche à encourager et à étendre. 

Par Mbaye Sarr DIAKHAT



7 Commentaires

  1. Auteur

    Anonyme

    En Octobre, 2015 (15:20 PM)
    mais c'est quoi toute cette male bouffe? ébola dina yékha jokk afrique way :rigolo: 
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Octobre, 2015 (09:14 AM)
    bonne initiative on vous encourage les femmes, il toujours faut créer cest comme ça.
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    Auteur

    Anonyme

    En Octobre, 2015 (09:24 AM)
    excusez moi je voulais écrire il faut toujours crééer thia caw thia kanam les femmes.
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    Auteur

    Anonyme

    En Octobre, 2015 (14:16 PM)
    ohhh FELICITATIONS MES CHERIES MANKAGNE



    JE SUIS TRES CONTENT ET CEST UNE BONNE INITIATIVE

    IL FAUT TOUJOURS INNOVER

    ET AU SENEGAL YA PAS QUE LE THIEP

    MOI J AI DU MAL A LE DIGERER ET POURTANT J EN RAFFOLE

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    Auteur

    Anonyme

    En Octobre, 2015 (00:22 AM)
    Wooooye moi je vie a lexterieur mais j'ai lu larticle comme si je mangé!! Ndeysane awma foumay lékké liii !!!!!
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    Auteur

    Atb

    En Octobre, 2015 (10:52 AM)
    FELICITATIONS FELICITATIONS FELICITATIONS   <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">    <img src="https://images.seneweb.com/content/seneweb/generic/images/smileys/bravo.gif" alt=":bravo:">  
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    Auteur

    Ams

    En Octobre, 2015 (11:18 AM)
    Ahhhh ouii ..les bons plats c,est en Casamance



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