Pape Demba Sy était présent lors de la journée des institutions, quand le Président Macky Sall annonçait son intention de confier la Commission nationale de réforme des institutions (Cnri) à Amadou Makhtar Mbow. Son titre de professeur de droit public lui a valu de faire partie du cercle restreint des «assisards» pour réfléchir sur les Institutions. Et au lendemain de la première alternance politique, il était l’un des deux universitaires de la Commission en charge de proposer la Constitution de 2001. Pape Demba Sy replonge dans ce contexte et «ouvre», dans cette première partie, l’Avant-projet de Constitution de la Cnri. Il utilise le Droit pour indiquer le «droit chemin» vers un pays stable.
Pouvez-vous nous faire l’historique des commissions de réforme des institutions au Sénégal ?
Dans
l’histoire du Sénégal, il y a une première commission qui a été mise en
place pour l’élaboration d’une Constitution en 1963, après les
événements de «62» avec l’arrestation de Mamadou Dia. Le Président
Senghor avait composé une commission de quelques membres. Ensuite, avec
l’alternance de 2000, le Président Wade, et aujourd’hui, c’est au tour
du Président Macky Sall de composer une commission en charge de réformer
les institutions. La Commission de 2000 dont j’étais membre est partie
d’une coalition préélectorale au premier tour (Ca2000) parce qu’à
l’époque on pensait qu’une bonne partie des maux du Sénégal provenaient
des manipulations de la Constitution par les Socialistes. Entre les deux
tours, le Front pour l’alternance (Fal) a élaboré un programme dans
lequel il y avait des propositions de réformes institutionnelles. Après
l’élection de Wade, cette commission a été mise en place dès le mois
d’octobre.
Une commission beaucoup plus restreinte que celle de la Cnri…
Oui,
effectivement et composée de 6 personnes dont le Garde des sceaux de
l’époque, Mame Madior Boye, qui présidait la commission, un représentant
du président de la République, en l’occurrence Me Madické Niang, un
représentant du Premier ministre, le magistrat Taïfour Diop, un
représentant de la société civile, le notaire Pape Ismaïla Keïta et deux
universitaires, le Professeur Babacar Guèye et moi-même.
Le professeur El haj Mbodj n’en faisait pas partie…
Non,
il n’en faisait pas partie. Il y a eu beaucoup de choses qui ont été
dites sur cette commission. Donc, cette commission a travaillé sur la
base de termes de référence qui incluaient la réforme de la
Constitution, avec un équilibre entre l’Exécutif et le Législatif, une
limitation du pouvoir présidentiel parce qu’on voulait éviter qu’un des
présidents reste pendant 20 ans au pouvoir. Il y a eu d’abord le décret
de nomination des membres de la commission et ses recommandations qui
consistent à faire toutes propositions utiles. Au départ d’ailleurs, il
était simplement question de réformer la Constitution existante. C’est
après que le Président Wade a dit qu’il voulait une nouvelle
Constitution. Donc, vous voyez un peu que le débat actuel est à rebours.
Mais ce n’est pas très important. Il s’agissait pour nous d’élaborer un
projet de Constitution et de l’envoyer aux autorités pour discussions
et observations. Ensuite, il y avait des retours. Nous travaillions
essentiellement par voie épistolaire et il y avait la présidente de la
commission qui était en contact avec le président de la République pour
arrondir les angles s’il y a des difficultés. Contrairement à ce que les
gens croient, cette commission a travaillé librement. Certains ont dit
que c’est Wade qui a fait la Constitution…
C’est lui-même qui le revendiquait…
Oui,
mais je dis simplement qu’il y a eu des dialogues et que la commission a
travaillé librement. Il ne nous a jamais imposé quoi que ce soit, sinon
personnellement je serais parti. Il y avait des compris sur les
questions les plus controversées comme le mandat du Président, la
laïcité, la réforme de la justice. Ensuite, en rapport avec le
Président, nous avons décidé d’élargir les contributions à la société
civile, aux individus, aux partis politiques, etc.
C’est le fameux forum sur la Constitution…
Non,
avant même le forum. Ce sont des contributions écrites qui sont là dans
les archives. C’est à partir de cette masse documentaire que nous
faisions des observations et que nous élaborions la Constitution dans
cette dernière mouture. Il faut dire d’ailleurs qu’il y a eu quelques
incidents parce qu’une Constitution a été publiée dans un journal, qui
n’était pas la bonne version. Cela avait soulevé beaucoup de problèmes
et on avait enlevé la laïcité de l’Etat alors que la commission n’en
avait pas discuté. C’est après avoir terminé le premier draft que le
Président a décidé d’organiser un forum pour recueillir les points de
vue des uns et des autres sur le régime. Maintenant, dans le fond et
dans les termes de référence, le Président voulait qu’on aille vers une
«parlementarisation» du régime politique. Lorsqu’on a commencé à
travailler dans cette direction-là, il est revenu là-dessus en disant
que c’est lui qui est élu et qu’on ne peut pas, par conséquent, le
dépouiller de ses prérogatives. Un régime parlementaire, si on prend la
définition classique, c’est le gouvernement qui détermine la politique
de la Nation.
C’est le même argument que le Président Macky Sall oppose aujourd’hui à la Cnri…
Exactement.
Mais bon, nous avons fait en sorte que beaucoup d’éléments de régime
parlementaire figurent dans le texte pour éviter qu’il y ait une sorte
de cohabitation ou de blocage. Dans la Constitution, le Premier ministre
a, par exemple, la possibilité de proposer la nomination à certains
postes, ou des textes de loi à l’Assemblée nationale, etc.
Mais dans les faits, ça ne se fait pas…
Dans les faits, ça ne s’est pas fait.
Vous aviez fait donc 5 mois avant de rendre le projet de Constitution en 2000.
Oui environ 5 mois.
A
la lecture de l’Avant-projet de la Commission Mbow, quand on parle de
non-concordance de deux majorités, cela voudrait-il dire que c’est un
régime parlementaire ?
C’est un débat à n’en plus finir. Le
régime parlementaire est parti de la pratique politique de la Grande
Bretagne liée d’ailleurs à son évolution historique. A un moment donné,
ceux qui régnaient étaient des descendants du roi d’Allemagne, le Duc
d’Hanovre, qui ne parlait pas la langue anglaise et qui ne s’intéressait
pas aux questions politiques. Donc, tout était laissé au gouvernement
et au Parlement. Ensuite, le Parlement a conquis le pouvoir de l’impôt
et puis le pouvoir législatif. Alors, chaque fois qu’un Premier ministre
était désavoué, il démissionnait comme tous les autres membres du
gouvernement. C’est comme ça qu’on est arrivé dans la pratique à la
responsabilité politique du gouvernement. Le droit de dissolution laissé
au roi en cas de conflit est venu bien après. En ce moment, il n’y
avait pas encore de partis politiques. Maintenant, dans le régime
parlementaire britannique, ce sont les partis politiques qui font le jeu
: l’un dirige, l’autre s’oppose sous l’arbitrage du Peuple. Donc, le
phénomène majoritaire est venu changer les règles du parlementarisme. La
responsabilité politique est depuis de moins en moins mise en œuvre
dans la mesure où il y a une majorité parlementaire qui soutient le
gouvernement en place. Ces changements font que lorsqu’on commence à
discuter du régime parlementaire comme cela, on discute des questions
que l’on ne maîtrise pas. Lorsqu’on dit que le régime parlementaire
entraîne l’instabilité, je vous assure que c’est un point de vue qui
n’est pas scientifique. Ce n’est pas le régime en général qui le fait,
mais le jeu politique.
Expliquez-nous alors cette non-concordance entre les deux majorités ?
Cette
affaire de non-concordance, c’est ce qu’on appelle en France la
cohabitation. A un moment donné, le Président était élu pour 7 ans et
l’Assemblée pour 5 ans. Il peut arriver, avant la fin du mandat du
Président, qu’il y ait des élections et que l’Assemblée change de
couleur. En ce moment-là, pour le reste du mandat, il y a cohabitation
de la non-concordance entre la majorité présidentielle et la majorité
parlementaire. En France, on voulait mettre en place un régime dit
parlementaire parce que c’est le président de la République ou le
Premier ministre qui définit la politique de la Nation. Mais dans la
pratique, ce régime est arrivé vers la concentration des pouvoirs entre
les mains du Président. Il faut toujours distinguer les textes et la
pratique lorsqu’on étudie ces régimes politiques. Maintenant, pour
revenir à ce que je disais, les rédacteurs de ce texte de la Cnri sont
partis un peu de deux documents. Le Président lui-même, dans sa lettre,
leur a demandé de se fonder sur les conclusions des Assises nationales
et sur son programme Yoonu yokkuté. Et dans les conclusions des Assises
nationales, il était prévu un équilibre entre les pouvoirs. Cependant,
les Assises avaient soigneusement refusé de qualifier le régime
politique. Il était question que le Président puisse avoir un rôle
d’impulsion et d’arbitre et que le gouvernement puisse, lui, avoir un
rôle d’exécution des différentes politiques qu’il a proposées. Mais
alors il peut arriver dans notre système effectivement, si l’élection
présidentielle et les élections législatives ne sont pas faites à la
même date, qu’il y ait non-concordance de majorités. Dans ce cas,
l’Avant-projet de la Cnri prévoit des solutions. Dans certains pays
comme le Niger, il y a eu des situations de non-concordance de
majorités. Et c’était un blocage parce que le Président avait ce même
pouvoir qu’il refusait d’appliquer, bloquant le fonctionnement de
l’Etat. C’est ce que les rédacteurs ont voulu tout simplement éviter.
S’il y a concordance ou non-concordance de majorités, on a les éléments
ou les mécanismes qu’il faut utiliser pour éviter un blocage du pays.
Mais je vous assure, même dans un régime comme celui des Etats-Unis, il
peut y avoir non-concordance de majorités. Donc, ce n’est pas vraiment
cela le problème parce que c’est conjoncturel. Ce qui est important,
c’est qu’on admette dans ce régime politique que c’est le Président ou
le Premier ministre qui détermine la politique de la Nation. Il y a
aussi le droit de dissolution et la responsabilité politique qui sont
considérés traditionnellement comme des éléments constitutifs du régime
parlementaire. C’est pourquoi certains disent que c’est un régime
parlementaire qu’on veut mettre en place. Le Président Macky Sall a dit
dès le départ qu’il ne voulait pas de régime parlementaire.
Tout comme il avait dit aussi qu’il n’était pas pour le non-cumul chef de l’Etat-chef de parti…
Pour
l’affaire du cumul chef de l’Etat-chef de parti, c’était lié à des
pratiques d’abus que l’on a constatées du temps d’abord de Senghor, de
Diouf, puis de Wade. Du temps de Senghor, le texte disait qu’il y avait
incompatibilité, mais ne le permettait pas directement. Lorsque Wade est
venu- là aussi c’est un élément des négociations avec notre commission
en 2000- il a demandé qu’on lui laisse la liberté. Maintenant, le fait
qu’il y ait confusion entre le rôle de chef de parti et de chef de
l’Etat peut entraîner des situations difficiles pour le pays.
Dans le document, il est précisé que le Président ne peut pas être chef de son parti. Qu’en pensez-vous ?
C’était
la position des Assises nationales et moi je suis d’accord avec cette
position. On considère qu’un Président doit être le Président de tout le
monde ; il ne doit pas être partisan. Maintenant, s’il ne pense qu’à sa
réélection, il est évident qu’il va refuser cette proposition. Mais je
peux même dire que c’est parce que nos régimes et nos partis sont
faibles que le problème se pose. Dans beaucoup de pays, ce n’est pas le
chef du parti qui est nécessairement le candidat. Quelque fois, il n’est
même pas ministre dans le gouvernement.
Et c’est le cas par exemple de Hollande ?
Exactement.
Le problème au Sénégal, c’est qu’en réalité, dans nos partis, il n’y a
que le chef qui compte. Ils ne veulent pas lâcher au risque de ne plus
être visibles, alors qu’en réalité on peut lâcher sans lâcher. Souvent,
en France, lorsqu’il y a un Président qui était même chef de parti-
c’était le cas pour Chirac- dès qu’il est élu, il dit : «Je ne suis plus
chef de parti.» Mais en réalité, dans les faits, c’est lui le chef. Si
un chef d’Etat a une vertu politique, il peut décider de dissocier même
si dans la pratique ce n’est pas toujours le cas. Malheureusement le
problème est mal posé.
Mal posé par la Cnri ou par les Assises nationales ?
Non.
Je parle de mal posé récemment avec les réactions contre la Cnri. Les
Assises ont fait le bilan des 50 années de pratique politique,
économique et sociale du pays. Et c’est ce sur quoi la Cnri s’est
fondée.
Aujourd’hui, les «assisards» ne réagissent pas aux
attaques contre la commission Mbow. Tout le monde dit que c’est parce
qu’ils sont au pouvoir qu’ils se taisent…
(Rires) Pour être
honnête, je ne peux pas parler en leur nom. Je ne sais pas pourquoi ils
ne parlent pas. Personnellement, ce que je crois c’est qu’il ne faut
pas réagir de façon aussi puérile que le font certains et je pèse mes
mots. C’est incroyable parce qu’en réalité, c’est le Président Macky
Sall, que rien n’obligeait à le faire, qui a demandé au Président Mbow
de constituer une commission et qui lui a dit : «Je vous laisse le
choix.» Le Président Mbow a fait son travail tout en sachant que c’est
le président de la République qui doit prendre la décision en dernier
ressort. Je ne vois pas pourquoi il y a tout ce débat-là et même des
attaques qui me semblent extrêmement graves…
Cela ne vous dérange pas que Macky Sall dise : «Je prendrai ce que je jugerai bon» ?
J’aurais
dit à sa place : «J’ai reçu le document, je vais l’étudier, je prendrai
ma décision le moment venu.» C’est une formulation maladroite, même si
dans la réalité, c’est lui qui va prendre la décision.
Est-ce que c’est ce que Wade avait fait avec votre commission ?
Non,
c’est différent. Notre commission avait discuté de tout ce qu’il
fallait faire avant de sortir le document. Je vous fais une révélation :
lorsque nous avons proposé un mandat de 5 ans renouvelables une fois-
je ne sais pas si c’est le Président (Wade) ou son entourage- mais
quelqu’un avait proposé un mandat de 7 ans sans limitation.
Ah oui ?
Oui,
beaucoup de gens ne le savent pas. Un jour ou l’autre on fera
l’historique de ce qui s’était passé avec cette commission de 2000. Mais
nous avons réagi en disant que ce serait un recul très grave et que le
Sénégal serait même la risée non seulement de l’Afrique, mais du monde.
Le
problème c’est peut-être quand on dit que cette commission a violé le
décret parce qu’elle ne devrait pas proposer un avant-projet…
Je
crois que ceux qui le disent font en réalité du juridisme. Le texte dit
qu’ils peuvent faire toutes sortes de propositions de réforme des
institutions. Maintenant, les gens ont considéré que pour aller vite,
puisque les Assises avaient travaillé sur un projet de Constitution, il
fallait proposer un avant projet de Constitution. Le fait de proposer un
texte ne veut pas dire qu’on a outrepassé quoi que ce soit.
C’est ce que dit le Professeur Fall qui est ministre-conseiller du Président…
Je
comprends, c’est pourquoi je dis que c’est du juridisme. (Il persiste).
On devrait même les féliciter d’avoir fait ce travail-là plutôt que de
dire qu’ils ont outrepassé leurs fonctions. Je trouve cela puéril. La
réforme des institutions est quelque chose d’extrêmement important qu’on
ne doit pas s’amuser avec. Et j’ai l’impression qu’on s’amuse avec en
faisant de telles déclarations. A mon avis, il faut plutôt voir quels
sont les vrais problèmes, les vrais enjeux. Ceux qui sont dans la
commission sont des patriotes et certains sont de grands experts. Il y a
Madani Sy, qui a été notre professeur à nous tous, Serigne Diop et
d’autres. Ils savent comment lire et interpréter un texte. Il faut qu’on
revienne à la raison, qu’on pense à ceux qui sont là-bas au lieu de
penser seulement à la réaction des gens qui sont aux côté du président
de la République, qui ne savent pas comment interpréter un texte. Il
faut voir si ces propositions sont bonnes ou non pour le pays et non si
la commission a outrepassé ses missions ou pas. C’est désolant ! Je
crois même qu’une erreur a été commise à ce niveau. Je ne sais pas
comment le texte s’est retrouvé dans la presse avant même que le
Président ne l’étudie. On devrait permettre aux autorités de le lire
d’abord. Mais dès le lendemain de la remise du rapport, tout le monde
savait ce qu’il y avait déjà dans ces propositions.
Est-ce que ce n’était pas important aussi que les gens sachent ce que la Cnri a proposé…
C’est
important qu’on le sache, mais à quel moment. Malheureusement, au
Sénégal on ne sait pas ce qu’est un Etat. Macky Sall n’a pas confié
cette mission à la Cnri en tant que chef de parti, mais en tant que chef
de l’Etat. Par conséquent, lorsqu’on lui remet ce texte, on doit lui en
donner la primeur. Mais la Cnri a été obligée d’envoyer le texte à tout
le monde parce que c’était déjà dans la presse. Ce n’est pas aussi
important, mais cela a créé une situation qui gêne même le président de
la République. Comment peut-on comprendre que les gens attaquent la
commission alors que c’est le chef de l’Etat lui-même qui a commandé ce
travail ? Ce n’est pas bon et malheureusement nous avons une classe
politique qui n’a plus de culture politique. J’ai même décidé de ne
participer à aucun débat avec qui que ce soit parce que ce que j’entends
est incroyable. Le Président a le droit de choisir ce qu’il veut et si
les gens ne sont pas d’accord, il y aura des réactions. C’est comme ça
qu’il faut voir le problème. Pour la commission de 2001, le Président
Wade ne pouvait pas la contester parce que c’est le texte adopté par la
commission avec son accord qui avait été publié. Ce qu’il a fait en
revanche, c’est de modifier le texte pour faire introduire les réformes
qu’il n’a pas pu faire introduire.
Le professeur Ismaïla Madior Fall dit que les gens n’ont pas été réalistes dans leurs propositions…
L’appréciation
d’un travail comme celui-ci doit être faite en tenant compte du
contexte et non du réalisme ou de la réalité politique du moment. On ne
peut pas limiter les propositions à la conjoncture politique ou à la
posture d’un chef d’Etat qui est là actuellement.
C’est ce que dit d’ailleurs Ismaïla Madior Fall : «Il faut éviter de personnaliser la Constitution» ?
C’est justement mon point de vue. Il ne faut pas que la Constitution reflète la personnalité d’un chef de l’Etat qui est là.
A votre avis, quelle voie devrait-on choisir, référendaire ou parlementaire ?
Comme
je vous l’ai dit dès le départ, on avait déjà proposé un référendum. Si
on veut vraiment aller vers l’adoption d’une Constitution comme
celle-là, qui remet en cause un certain nombre de principes et qui en
propose de nouveaux, il faut que le Peuple se prononce. Maintenant, le
référendum coûte cher, mais à mon avis, c’est ce qu’il faut faire. La
démocratie a certes un coût, mais elle n’a pas de prix. On n’est pas
encore arrivé à ce consensus-là dans notre pays. J’ai même entendu les
magistrats dire qu’ils n’ont pas été consultés. Mais on n’a pas à les
consulter d’autant plus qu’il s’agit de faire des propositions sur la
réforme de la justice, de revenir sur la Cour suprême et de créer une
Cour constitutionnelle.
Vous applaudissez la proposition d’une Cour constitutionnelle ?
Je
pense que pour la Cour constitutionnelle nous avions travaillé
là-dessus depuis très longtemps. Membre des Assises et de Benno siggil
senegaal, j’ai travaillé dans la commission des institutions pour
élaborer une Constitution. Et ce dossier a été versé dans les Assises.
Que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit pas présidé par le président de la République, comment vous le voyez ?
C’est
vraiment quelque chose de tout à fait logique. Il faut que ce pouvoir
judiciaire soit détaché de l’influence ou de la tutelle de l’Exécutif.
Le Conseil supérieur de la magistrature a pour rôle de nommer les
magistrats et d’assurer la discipline dans la profession. Pourquoi
voulez-vous que le président de la République préside un conseil qui
nomme les magistrats ? Dans ces conditions, comment peut-on avoir une
justice indépendante ?
On l’appelle le «premier magistrat» ?
Cela existe en France…
On dit qu’il nomme aux postes civils et militaires ?
Même
s’il nomme aux postes civils et militaires, le Conseil supérieur de la
magistrature peut faire sa réunion, ses propositions et l’envoyer au
président de la République.
Pour qu’il approuve ?
Il
peut le faire, mais le problème c’est qu’il n’a pas à venir siéger et
présider. Il préside et c’est le Garde des sceaux qui est le secrétaire
de séance. Et là, il y a un problème et les magistrats sont d’accord
avec nous sur cette question. Dans notre Constitution, on dit qu’il y a
trois pouvoirs. Mais nous raisonnons comme si nous étions en France.
Là-bas on ne parle pas de trois pouvoirs, mais d’un pouvoir et de deux
autorités. La justice est une autorité et non un pouvoir et il y a une
différence du point de vue juridique. Sinon faisons comme la France en
mettant, au lieu de «pouvoir», «autorité», en ce moment-là, nous
pourrons laisser le président de la République présider.
Etes-vous déçu par les réactions sur le rapport de la Cnri ?
Je
ne sais pas comment répondre à cette question parce que je n’ai pas à
être déçu par rapport à cette situation. J’ai simplement à regarder
comment les choses évoluent chaque fois qu’il y a des débats
institutionnels dans notre pays. Chaque fois que ces débats touchent aux
questions politiques, les gens ne raisonnent plus pour l’intérêt du
pays, mais pour des intérêts partisans. Si c’est cela que vous appelez
déception, je peux dire : «Oui je suis déçu.»
Que pensez-vous de la question des cumuls ?
Il
ne s’agit pas d’interdire totalement les cumuls, mais d’éviter les
cumuls excessifs. On peut arriver à un équilibre pour le Président qui
est en même temps chef de parti. N’oubliez jamais que ce sont les
discussions, les pressions qui font qu’il y ait des choses qui bougent.
Le Président Diouf avait décidé de devenir chef du parti et de laisser à
Ousmane Tanor Dieng l’aspect exécutif. C’était une réponse aux
critiques contre ce cumul.
Une sorte de présidence d’honneur ?
On
peut trouver des réponses comme celle-là. Il n’a pas totalement
quitté ; il continuera toujours à influencer, mais il ne s’occupera plus
de régler des questions comme il le faisait. Je ne dis pas qu’il faut
reproduire le modèle, mais qu’il faut réfléchir pour trouver des
formules qui puissent agréer tout le monde.
A suivre…
6 Commentaires
Fumisterie Intellectuelle
En Février, 2014 (10:28 AM)Ce professeur bien que certainement très compétent lâche du bout des lèvres que l'ancien Président a laissé travailler leur commission donc ne s'est donc pas taillé une constitution sur mesure comme on a voulu nous le faire croire ces dernières années dans la stratégie de dénigrement de Wade.
La non fumisterie intellectuelle aurait été de le dire de manière claire et ce professeur fait partie de ceux qui ont contribué à installer la violence lors de la dernière présidentielle en 2012 en installant un faux débat qui a été source de conflit et de morts au Sénégal.
La constitution était pourtant très claire et à partir du moment ou le Conseil Constitutionnel avait tranché la question tout le monde devait aller battre campagne et aller vers un scrutin sincère et transparent, au lieu de cela notre pays a été installé dans la violence donc avec Macky, vous ne récoltez que ce que vous avez semé. Wassalam
Ssdf
En Février, 2014 (11:01 AM)Doudou Udf
En Février, 2014 (11:11 AM)Doudou Udf
En Février, 2014 (11:38 AM)Bax
En Février, 2014 (12:26 PM)Truthteller
En Février, 2014 (14:11 PM)Participer à la Discussion