Le processus de paix en Casamance a été bloqué par le régime sortant. C’est la conviction de l’ex-gouverneur de la région de Dakar. Saliou Sambou décortique, dans cet entretien, les écueils qui ont retardé la paix dans cette région minée par 30 ans de conflit. Il se dit confiant, avec l’élection de Macky Sall, que la Casamance retrouvera cette paix et milite pour la tenue de Foundiougne 2. Le non moins coordonnateur du mouvement Fekké ma ci boolé parle également de son engagement aux côtés de Youssou Ndour.
Avez-vous espoir qu’il puisse y avoir une solution à la crise casamançaise ?
Il
y a une solution. Je peux vous le dire. Parce que je suis allé à
Kassolol rencontrer les combattants. A Diakaye aussi, j’ai rencontré les
combattants. Même après le discours de Macky Sall, je les ai
interpellés, ils m’ont dit: «C’est très bien, c’est tout ce que nous
attendions et nous sommes prêts à déposer les armes parce qu’on n’avait
pas confiance. On nous a brouillés en mettant beaucoup d’argent. Et puis
on nous a opposés les uns aux autres. Mais nous voulons parler d’une
seule voix parce que nous sommes fatigués. Vous ne pouvez pas imaginer
notre fatigue, les difficultés que nous avons. Est-ce que vous imaginez
comment on se couche ? Comment on mange ?» Je ne pouvais pas l’imaginer.
Mais j’ai rencontré, au maquis, un jeune garçon de 17 ans qui
m’a dit: «Monsieur Sambou, moi je ne suis pas venu pour l’indépendance ;
je n’y comprends rien ; je m’en fous. Je suis venu tout simplement pour
sauver ma vie. On a tué mon père et mon frère sur dénonciation. Si je
reste on va me tuer. J’ai pris le fusil pour ne pas mourir». Et il me
dit, «Monsieur Sambou, est-ce que vous ne pensez pas que j’ai le droit
de passer ma jeunesse comme les autres ? Mais je ne sais rien faire
d’autre que tuer. Qu’est-ce que je vais dire à Dieu quand je vais
mourir. Faites vite pour que nous sortions d’ici. Vous voyez, eux ils
pensent que c’est nous qui les avons mis là-bas pour ensuite les
abandonner. Au moins vous venez nous voir». J’ai leur contact et je peux
les appeler quand je veux. Même pendant la campagne ils m’ont
dit : «Vous pouvez venir avec Youssou (Ndour).» Je leur ai dit que
c’était très dangereux parce qu’avec cette confusion, on peut nous faire
tuer et dire après que c’est vous. Ce n’est pas la peine.
Pour
le moment, on attend que ça se calme et nous allons y aller avec une
procédure acceptée par la Présidence et par le Sénégal. Je le dis encore
une fois, il n’y a pas une personne ou un groupe qui puisse dire «je
peux régler le problème». C’est tout le Sénégal qui va se lever et
régler le problème. Nous au niveau de l’Acad, notre association, nous
sommes pour une dynamique inclusive ; nous ne rejetons personne. Tous
les Sénégalais y sont conviés. Beaucoup de gens ont travaillé en
Casamance. Parmi eux, il y en a qui connaissent mieux la Casamance que
certains Casamançais. Ces gens, il faut les utiliser. Et pourquoi pas
les autorités administratives ? Parce que, nécessairement, quand on est
une autorité administrative, avec les relations qu’on tisse avec les
populations, on peut avoir des situations favorables. Avec une
organisation bien structurée, une ouverture pour tout le monde, le
problème va se régler très facilement.
L’Acad a déjà fait
l’essentiel. Moi je suis personne-ressource au niveau de la Cedeao dans
le règlement des conflits. J’ai été invité au Ghana avec le Centre de
formation Koffi Annan où on m’a demandé de décrire la situation en
Casamance. Les gens m’ont demandé pourquoi ça ne se règle pas ? J’ai été
aussi au Burkina Faso pour cela, en tant que personne-ressource.
Malheureusement, avec l’ancien régime c’étaient des problèmes. Wade n’a
voulu impliquer personne. L’Acad, elle, va s’impliquer dans le
règlement de la crise.
Concrètement, quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées?
C’est
d’abord l’éparpillement du Mfdc (la rébellion). Nous disons qu’il faut
nécessairement les rassembler. Ensuite, il y a des gens qui profitent de
cette situation et on a l’impression que cette guerre est maintenue
exprès pour manipuler l’opinion nationale et internationale. Parce qu’il
y a des voies et moyens pour trouver des solutions. Malheureusement,
c’est au niveau de la Présidence qu’on a tout bloqué. Aussi ce que nous
avons demandé aux combattants, ils nous l’ont renvoyé en nous disant «il
faut que vous, Casamançais, soyez unis. Il y a des divergences parmi
les gens qui disent qu’ils peuvent régler la crise». Vous avez vu ce qui
s’est passé avec les «Sages» de Diouloulou. Vous avez vu comment ça
s’est terminé. C’est un problème d’argent. Et pourtant je les ai
convoqués pour leur dire que cet argent risque de leur brûler les
doigts. Ils étaient venus en réunion à Ziguinchor.
Vous
êtes président d’une association, ancien gouverneur et aujourd’hui homme
politique avec le Mouvement Fekke ma ci Boolé de Youssou Ndour.
Comment s’est opéré ce passage de l’administrateur civil au politique?
(…)
Pour mon passage à la politique, en tant que gouverneur, je ne devais
pas me présenter politiquement. J’étais soumis à une obligation de
réserve. Mais je n’ai jamais pris de carte de parti politique, que ce
soit avec le Ps ou avec le Pds. Bien que j’aie occupé des
responsabilités importantes. Je me suis refusé à le faire pour ne pas
être partisan. Quand on est partisan, on ne peut être ni équitable ni
juste. Parce que vous allez essayer de favoriser des gens qui sont de
votre clan ; je n’aime pas les clans. Je voudrais considérer le Sénégal
comme un seul parti. Maintenant, je suis à la retraite et quand Youssou
m’a saisi pour l’accompagner, je l’ai accepté. J’ai dit que, pour la
première fois, je vais prendre une carte.
A partir du moment où
je ne suis plus lié par une obligation de réserve, où je peux exprimer
mon opinion, j’ai dit que je peux adhérer à un parti. Mais comme Youssou
le dit : «On a un président de la République, le seul parti qui vaille,
c’est le Sénégal.» Nous devons travailler ensemble en attendant la
prochaine élection. En tout cas moi je suis pour qu’on considère le
Sénégal comme notre premier grand parti. Mais à l’intérieur de ce grand
parti, on peut se subdiviser parce que c’est cela la loi de la
démocratie.
En tant que coordonnateur de Fekké Ma ci
Boolé, qu’est-ce qui différencie le programme électoral de votre
mouvement aux autres programmes?
Le programme n’a pas été
sorti parce que Youssou Ndour, notre candidat, a été invalidé. Mais je
vous dis, si on l’avait sorti les Sénégalais allaient être étonnés.
Parce que les gens ne voient en Youssou que le chanteur. Il est vrai que
c’est de là qu’il est parti, mais il faut voir aussi en lui
l’entrepreneur. Quand Bara Tall parle, on parle de l’entrepreneur.
Youssou Ndour est un entrepreneur. Vous imaginez bien combien de
sociétés il possède.
Des Sénégalais vous diront que des gens comme Youssou Ndour on peut en citer des milliers?
Qui
sont ces milliers de Sénégalais dont vous parlez ? Vous avez vu des
gens qui sont dans le gouvernement qui sont candidats et qui ont créé
des entreprises ici ? Qui ont embauché des gens ? Youssou Ndour nourrit
presque 60 familles avec sa poche. Et quand on m’a demandé pourquoi je
l’ai rejoint, j’ai dit mais celui qui nourrit 60 familles, si on lui
donne la puissance de l’Etat et les moyens de l’Etat il nourrira tout le
Sénégal. Le problème du diplôme n’a pas de sens. Il peut s’adresser aux
Sénégalais en langue nationale, alors pourquoi pas. Saviez-vous que le
Président Marc Ravalomana ne parle pas français, mais malgache ? Même
quand on l’interroge en français, il dit quelques mots et il est bloqué.
En revanche, il saute sur le malgache. Donc, je ne vois pas de
problème puisque le français n’est pas notre langue. C’est la langue
officielle et Youssou quand même sait lire, écrire et signer. Par
conséquent, je ne pense pas que c’est là un argument valable. On lui
fait un mauvais procès. Lula Da Sylva qui a mis le Brésil sur de bons
rails, est un ouvrier, Lech Walesa, est un syndicaliste tout comme Sékou
Touré. Mieux, Abraham Lincoln était un bûcheron ; il n’a pas fait
d’études universitaires. Youssou n’est pas analphabète. Il parle
couramment anglais et français. Son français s’est beaucoup amélioré.
C’est un autodidacte. Il faut le respecter en tant que tel. Moi je dis
que les diplômes c’est le complexe du colonisé. L’Université est devenue
une fabrique de chômeurs, mais Youssou Ndour, lui, a déjà son emploi et
ses entreprises. Il peut bien être Président. Maintenant, il est
ministre de la Culture, nous savons qu’il a suffisamment d’éléments pour
l’encadrer. Il utilisera tous les Sénégalais et fera en sorte que le
Sénégal soit reconnu dans le monde entier.
Quelles doivent être les prochaines étapes pour la sortie de cette crise casamançaise ?
Il
faut qu’il y ait Foundioune 2. Parce que nous avons commencé avec Macky
Sall quand il était Premier ministre, et c’est sur la base de ce
livre-là qu’on est allé faire la réunion à Foundioune. Mais on a
l’impression que cette crise est bloquée exprès, parce que le calendrier
prévoyait Foundioune 1, Foundioune 2 et Foundioune 3. On devait
parachever tout. Mais malheureusement on a arrêté à Foundioune1.
Peut-être que des gens ne voulaient pas la paix, alors qu’on était parti
sur de bonnes bases avec Macky Sall. Il n’y a pas eu de suite. Cette
fois-ci, il y aura la paix. Parce que Macky sait où il va mettre les
pieds. Il est de Fatick, j’étais à Fatick. J’ai fait beaucoup de
missions avec les «Sages» de Fatick jusque dans le maquis. Et ces gens
sont encore disponibles. Ils pourraient nous aider à y retourner. Je
suis convaincu qu’avec la culture, nous pouvons régler cette crise.
12 Commentaires
Toumany
En Avril, 2012 (13:55 PM)dONC ACTIVONS les leviers et boutons cette honteuse rébellion du Sénégal.
Toto
En Avril, 2012 (13:56 PM)You
En Avril, 2012 (13:58 PM)Casa Boy
En Avril, 2012 (14:04 PM)Lynx
En Avril, 2012 (14:05 PM)Je loue votre courage et votre loyauté. Vous êtes un vrai patriote qui ne pense pas se remplir les poches sur le dos des autres. Un conseil, il ne faut pas écouter ces charognards qui vont essayer de vous décourager par tous les moyens. Il y'avait comme un conglomérat autour de cette question de la crise en Casamance. Avec la démarche que vous adoptez, le Sénégal peut garder espoir, qu'un jour la paix reviendra dans cette zone sud. Merci encore et tant pis pour les mécontents.
Diadieuf Gouverneur
En Avril, 2012 (14:55 PM)Scienceur
En Avril, 2012 (15:30 PM)Y Ayant Servi
En Avril, 2012 (15:42 PM)Ngom
En Avril, 2012 (16:48 PM)on vient de nommer un premier ministre et un ministre des finances truands ainsi qu'un ministre
complice arretons cela.
Ely
En Avril, 2012 (23:48 PM)De même l'apport culturel au travers de l'implication de YOU (désormais autant casamançais que tout autre sénégalais) est un élément important renforçant à la fois une reconnaissance, une dignité d'une des plus importante diversité culturelle régionale du pays SUNUGAL.
Marc
En Avril, 2012 (09:00 AM)Amilcar Cabral
En Avril, 2012 (18:01 PM)ANS QUE LES JOURNALISTES SÉNÉGALAIS SERVENT LE MÊME PLAT. L'AUTRE QUI A DIT ON NA TUÉ SES PARENTS MAIS IL EST ARRIVÉ COMME PAR HASARD DANS LES BASES DU MFDC, IL A FAIM IL NE VEUT PLUS VENGER SES PARENTS, SES PARENTS ONT-ILS ÉTAIENT MASSACRÉS PAR CE QU'ILS AVAIENT SOURIT AUX SOLDATS SÉNÉGALAIS . LA VRAI CAUSE C'EST L'INDEPENDANCE ET CE NE SONT PAS AVEC DES SALAMALEC QUE L'ON RÈGLE CE GENRE DE GUERRE. SAMBOU EST ALLEE DANS LES BASES ET IL EN EST RESORTI AVEC SES DEUX OREILLES
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