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Avancée de la mer à Rufisque : Panique sur la vieille ville

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Avancée de la mer à Rufisque : Panique sur la vieille ville

Angoissées par l’avancée de la mer, les populations de Rufisque redoutent le syndrome des cimetières de Thiawlène, avec la vue des cadavres et des ossements des tombes profanées par la furie des vagues. Ce souvenir est encore vif dans la mémoire des habitants de cette localité située à 25 km au sud-est de Dakar, capitale sénégalaise. Et la mer ne cesse d’éroder la partie continentale de cette ville. 

A Rufisque, l’avancée de la mer traumatise les populations de cette ancienne commune du Sénégal colonial. Sur le littoral, les vagues s’abattent violemment sur les roches qu’elles balayent. Dunes de sable, gobelets, murs fendus, maisons abandonnées…, le décor est sinistre : les stigmates d’une érosion côtière. Agressives, violentes, les vagues font des dégâts matériaux, avant de ruisseler vers la mer, leur lit d’origine. Irrésistibles sont ces ‘’montagnes’’ de liquide salé qui se déchaînent sur le littoral avec une brutalité inouïe. Les conséquences cette furie ont fini d’installer la psychose chez les populations. Car le phénomène ne cesse de gagner de l’ampleur. Un véritable casse-tête.

En ce lundi matin, vers 10 heures, la mer est très agitée. Aussi, la brise marine prend-elle la forme d’un vent humide qui caresse les chemises des piétons. A Mérina, quartier paisible de Rufisque, une femme de taille élancée balaie la devanture de son domicile faisant face à la mer qui avance inexorablement, récupérant les grandes plages du quartier. Bouleversée par les dégâts de l’érosion côtière, la dame, les yeux rivés sur cette immensité bleue, déclare : ‘’La mer a emporté une mosquée du quartier, y compris un bar. Elle a rasé beaucoup de maisons. Elle a fini d’installer la panique dans toute la ville’’, raconte-t-elle à voix basse, visiblement préoccupée par la situation ‘’néfaste’’ qu’elle peine à qualifier. Effrayée est cette dame qui perd ses mots, de temps à autre. Impuissante devant les faits, elle n’a que ses yeux pour constater les dégâts.

‘’Dans 50 ans, la mer sera sur la route nationale’’

A 13 heures, le soleil darde des rayons accablants, dissuasifs. Ils s’abattent sur les maisons empilées les unes sur les autres. A cette heure de la journée, les rues de cette localité sont pratiquement vides. Rares sont les personnes qu’on croise au dehors. Seuls quelques écoliers qui regagnent leurs domiciles sont visibles. Alassane Samba habite les parages. Leur maison a été envahie par les eaux. ‘’Nous avons été victimes de la houle. Ainsi, nous avons été contraints de déménager’’, relate-t-il, assis sur une roche, torse nu. M. Samba se souvient du temps où il fallait marcher plus de 150 mètres pour atteindre la plage. Aujourd’hui, le contexte a changé. Et le décor est tout autre : il est alarmant. Les stigmates de l’érosion sautent aux yeux. ‘’La maison où je suis née est sous les eaux. Elle faisait face à la mer. Pourtant, pour aller à la plage, on faisait une longue marche. Mais, présentement, les jeunes ne sont pas obligés de faire toute cette longue distance, parce que la mer avance à une vitesse insoupçonnée que tout le monde constate’’, pleure le jeune, complètement désemparé.

Selon des observateurs, si rien n’est fait comme riposte face à ce phénomène, la ville de Rufisque disparaîtra dans les années à venir. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’Amadou Sène Niang, conseiller en décentralisation du maire de la ville, estime qu’il urge de réagir pour barrer la route à l’avancée de la mer. Une préoccupation qui interpelle la municipalité. ‘’On nous dit que, dans 50 ans, la mer sera sur la route nationale. Donc, nous devons agir très vite, parce que nous courrons un risque immense. Là où nous sommes, à la mairie de Rufisque, l’eau de mer est à moins de 3 mètres du sol. Autrement dit, elle avance en profondeur’’, alerte le formateur en gestion des collectivités locales. Pour qui, il est temps d’arrêter son avancée pour ne pas perdre cette vieille ville qui, avance-t-il, devrait être un patrimoine mondial.

Traumatisme des cimetières de Thiawlène 

A Thiawlène, les populations de cette localité restent marquées par le spectacle ahurissant des vagues profanant les tombeaux. En 2007, les eaux marines avaient provoqué l’effondrement du mur de clôture des cimetières de ce quartier. Conséquences : les restes humains flottaient sur les eaux. Cette situation avait provoqué la colère des habitants de cette localité et des quartiers environnants. Furieux, ils s’en étaient pris au préfet et au maire. Six ans après, une digue de protection dans cette zone de Rufisque Est a été réalisée. Elle est longue de 783 mètres. Elle a été réalisée par Eiffage Sénégal, en 11 mois, avec un montant de 3 milliards 500 millions de F Cfa. Ceci grâce à un financement de l’Uemoa, du Fonds pour l’adaptation au changement climatique et le projet Intac. Unique en son genre en Afrique de l’Ouest, la digue est dimensionnée pour résister aux pressions des vagues et protéger les populations de Thiawlène.

La construction de l’œuvre a nécessité 70 000 tonnes de basalte. Malgré ses limites ou insuffisances, elle a permis, dit-on, de récupérer 50 mètres sur la mer, pour l’aménagement d’une esplanade. Ceci pour le confort des habitants. ‘’La digue contribuera à lutter contre l’érosion côtière, d’inverser les tendances de dégradation des milieux et cadres de vie. La protection des zones côtières constitue un des axes prioritaires pour notre politique environnementale. Elle s’inscrit dans le plan d’action national pour l’adaptation aux changements climatiques au Sénégal’’, détaillait Ali Haïdara, ancien ministre de l’Environnement, à l’occasion du lancement des travaux de la digue.

La promesse du PM

Mais aujourd’hui, force est de constater que malgré la digue, les populations de cette ville sont encore angoissées par la furie de la mer. En effet, du fait de la violence des vagues, des plages sont récupérées dans d’autres parties de la ville. En septembre dernier, le Premier ministre, Mahammed Boun Abdallah Dionne est allé s’enquérir des difficultés des victimes de l’avancée de la mer liée à la houle. En cette occasion, il avait annoncé un projet d’infrastructures d’une valeur de 1,5 milliard de F Cfa à Diokoul. Le financement, dit-on, sera assuré par l’Uemoa. L’objectif est de sécuriser la commune face à la furie des eaux. Fort de tout cela, M. Dionne considère qu’il est nécessaire de sensibiliser les populations sur ces questions liées à l’avancée de la mer. Pour qu’elles puissent adopter des comportements leur permettant d’éviter les causes de ce phénomène. ‘’Nous devons être conscients des risques que nous prenons en continuant de construire sur le littoral. C’est pourquoi je vais saisir cette occasion pour rappeler qu’il y a un projet de loi en cours de préparation sur le littoral’’, lançait-il.

À l’issue de cette visite, une enveloppe de 2 millions de F Cfa avait été remise aux autorités de la commune de Rufisque Ouest pour la reconstruction du mur des cimetières de Diokoul dont une partie s’est affaissée sous l’effet des vagues. Selon Adjibou Soumaré, président de la commission de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), cette digue de promenade de Thiawlène est une preuve concrète de la manifestation de l’un des principes fondateurs de leur union. Il s’agit de la solidarité, de l’engagement permanent en faveur de l’intégration régionale, etc. La réalisation de cette digue entre dans le cadre d’un ‘’vaste’’ programme entrepris par la commission de l’Uemoa dénommée ‘’Programme régional de lutte contre l’érosion côtière dans les pays de l’Uemoa’’. Il se veut être une réponse au défi d’un développement durable.



2 Commentaires

  1. Auteur

    Dav

    En Janvier, 2017 (08:56 AM)
    Quand d'autres peuples du monde reussissent à arracher des parties importantes à la mer pour y amenager des infrastructures de grandes valeurs, les dirrigeants africains continuent de considerer avec fatalité l'avancée de la mer comme un phénomène que l'on ne peut stopper ou controler. C'est tres dommage ça pour l'afrique.
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  2. Auteur

    Anonyme

    En Janvier, 2017 (12:52 PM)
    Nous avons le même problème à Palmain.
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