Sa discrétion est légendaire. Ibrahima Ndour, Ibou pour les intimes, brise pour la première fois le silence dans lequel il s’était emmuré. La raison n’est pas fortuite. La récente annonce du Bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda) d’associer les pirates dans la vente des Cd originaux est passée par là. Le co-gérant du label Prince Arts ne pouvait pas rester sourd à cette décision qu’il qualifie d’erreur et de sottise. C’est un Ibou Ndour dans tous ses états qui se confie à L’Observateur. A battons rompus…
Ibrahima Ndour, vous êtes l’un des co-gérants du label Prince Arts, que pouvez-vous nous dire de plus sur vous ?
Je suis producteur, arrangeur, ingénieur de son, claviste, manager des artistes de Prince Arts. J’essaie tant bien que mal de booster la carrière des artistes de manière générale.
Le Bsda a récemment pris la décision d’associer les pirates dans la vente des Cd originaux des artistes. Apparemment, cela ne vous agrée pas, raison pour laquelle vous avez sollicité cet entretien…
Effectivement. Cette voie dans laquelle le bureau sénégalais des droits d’auteur (Bsda) veut s’engouffrer, n’est pas la bonne. C’est une grave erreur. Les gens ne doivent pas s’enfermer dans leur bureau et prendre des décisions «old fashion» (dépassées). Les gens du Bsda sont complètement à la traîne, la musique a dépassé de loin ce stade-là. De nos jours, personne n’a plus de lecteur Cd ou walkman, donc la vente de Cd comme support physique, c’est démodé. Nous investissons 12 millions dans la confection d’un album et à l’arrivée, nous ne parvenons même pas à en écouler 1 000. J’ai honte d’entendre des sottises pareilles venant de la part de personnes censées protéger les œuvres des artistes. Je ne le dis pas par prétention, mais en connaissance de cause.
Que faut-il, selon vous, pour donner un coup de pouce aux artistes qui n’arrivent plus à vivre de leur art ?
Il faut comprendre que les artistes n’ont plus que les spectacles pour essayer de tirer leur épingle du jeu. Ils ne peuvent tirer profit de leurs produits qu’à travers les plateformes de téléchargements (itunes, You tube…) C’est à ce niveau que le Bsda doit les suivre, en protégeant leurs œuvres afin qu’ils puissent se vendre légalement. L’Etat doit également subventionner les artistes lors de leurs spectacles et leur alléger les taxes comme ce que l’on verse à la perception (15%) et au Bsda (12%). Alors que nous avons la salle, les publicités à payer sans compter le matériel, le cachet de l’artiste et des musiciens. Si ce n’étaient pas les sponsors, ce serait la croix et la bannière pour supporter toutes les autres charges.
Les artistes eux-mêmes ont-ils la culture des téléchargements ?
Je suis désolé de le dire, mais la plupart des artistes ne sont pas assez cultivés pour comprendre cela. Ils sont nombreux à ne pas maîtriser les nouvelles technologies, alors qu’un vrai artiste doit être au diapason. S’il ne s’agissait que de vendre des albums, je suis prêt à les offrir aux pirates.
Dans ce cas, pourquoi sortir des albums ?
L’artiste doit mettre en musique ses créations. Ils ne peuvent pas faire autrement. Le Bsda n’a jamais financé aucun de nos albums. Ce que je dis, je le maîtrise à 100%. Si ce n’était que le Bsda, les artistes n’existeraient plus au Sénégal. Il faut que les taxes qu’ils appliquent soient revues à la baisse, même si elles sont reversées aux artistes. On ne peut continuer à faire de la musique dans ces conditions. Nous faisons de tout notre possible pour exporter notre musique, mais c’est extrêmement difficile. Il y a quelques semaines, nous étions au Zénith avec Pape Diouf et Dieu nous est témoin que nous n’avons pas récolté grand-chose. Mis à part le succès de l’événement, nous n’avons pas eu de retombées financières. Certains peuvent penser le contraire avec la salle qui était comble alors que tout est passé dans l’organisation. Nous étions préparés à cette issue avec toutes les charges que nous avions. Toutefois, nous ne pouvons plus continuer dans cette lancée avec toute la volonté du monde. Le fait de prendre les pirates et de les recaser dans la vente d’albums originaux ne va rien changer. Ce qu’il faut savoir, c’est que les gens n’utilisent même plus de Cd, parce qu’ils n’ont plus de lecteur. Avec l’avènement des téléphones portables, les Ipad et autres, les Cd sont révolus.
Où en est la nouvelle société de gestion collective ?
Je me le demande aussi. Au Sénégal, il est difficile de voir des propositions concrètes. J’avais dans l’idée de mettre en place une association qui regrouperait des gens qui travaillent activement autour de la musique. Mais à y voir de près, nous ne sommes même pas 10. Pour dire que je pense qu’il faudrait impliquer davantage ces gens-là dans ces grandes décisions qui concernent la musique, plutôt que des personnes qui ont sorti des albums, il y a de cela 20 ans. Ce n’est pas pour les dénigrer, mais ceux-là ne maîtrisent pas les réalités d’aujourd’hui. Il y a quelque temps, le Bsda m’a emmené à la police plutôt que de me convoquer autour d’une table, parce que j’ai refusé de leur payer des taxes lors d’un spectacle que j’avais organisé au Cices. Même le commissaire de police paraissait embêté car il considérait que ce genre de problème devrait être réglé dans un bureau.
Pourquoi vous avez refusé de payer ces taxes ?
Ce n’est pas tant le fait de payer 250 000 FCfa qui me fait mal, mais je sais si je continue à accepter cela, nous courons droit à notre perte. En tant que producteur, mon label ne pourra plus organiser de spectacle et je ne serais pas le seul. Il faut que les gens soient conscients de cela, si l’on ne veut pas aller droit au mur. Ces taxes existaient du temps de Senghor, elles doivent être adaptées au présent. Encore une fois, la vente de Cd ne va rien arranger. Les Cd piratés rapportent beaucoup plus de bénéfices à ceux qui les vendent. Si on leur donne les Cd originaux, même une marge, ils vont continuer à écouler les produits contrefaits, car c’est plus rentable pour eux. Je suis quelqu’un qui d’ordinaire ne communique pas dans la presse, mais là je suis à bout. J’entends souvent les gens raconter du tout et n’importe quoi, je n’ai jamais réagi. Cette fois-ci, je ne peux pas avaler la pilule.
Si l’industrie musicale ne marche plus comme avant, n’est-ce pas la faute à certains producteurs qui infestent le marché de produits qui ne sont pas des meilleures qualités ?
Toutes les équipes ne sont pas comme Barcelone. Dans tous les corps de métiers, il y a des professionnels comme des incompétents, parce que ce n’est pas structuré. Toutefois, je reste convaincu que ce n’est pas cela le problème qui gangrène la musique. Les gens se mettent à fustiger gratuitement la musique sénégalaise, le mbalakh a proprement dit, et c’est pourtant ce qui a fait se déplacer des milliers de Sénégalais, de divers horizons, le 23 mars dernier au Zénith de Paris. Maintenant, on ne peut nier le fait qu’il y a dans certains produits tout sauf de la qualité.
Le label Prince Arts que vous dirigez avec votre sœur Ngoné Ndour est souvent sujet à des critiques. On vous reproche, entre autres, d’arnaquer les artistes que vous produisez ?
C’est faux ! Les gens qui dirigent ce label avant sa création s’en sortaient déjà grâce à Dieu. Nous avons la faculté et la chance de repérer des talents que nous aidons à percer dans le milieu de la musique. La plupart de ces gens-là, avant d’intégrer Prince Arts n’étaient pas connus et n’avaient pas les moyens de s’auto produire. Croyant seulement à leur talent. Nous prenons le risque d’investir autour de 12 millions dans la production de leur album. Si jamais le produit marche, nous donnons 75% des recettes à l’artiste. Dîtes-moi qui perd dans l’histoire. Si c’est cela arnaquer, Prince Arts est le roi des arnaqueurs. D’ailleurs, si tel était le cas, je ne crois pas que nos artistes seraient restés avec nous…
PAR MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU
13 Commentaires
Lady
En Avril, 2013 (17:48 PM)Wade
En Avril, 2013 (18:07 PM)Kukluxklan
En Avril, 2013 (18:29 PM)Le senegal n'est pas en phase avec la technologie.
Cd rombouna bou yag. Ici en europe on telecharge maintenant et puis tu mets le tout dans ton iphone,ipad ou autre.
Tu sais bien de quoi tu parle.
Au senegal vous etes les meilleurs travailleurs,toute famille aurait souhaitè etre à votre place.
Liguey len tè bayi wakh dji.
Les mechants et aigris shut your........
Laye
En Avril, 2013 (18:58 PM)le bsda tue les artists senegalais quel honte pauvre de nous
Nefertiti
En Avril, 2013 (19:25 PM)Ab
En Avril, 2013 (19:54 PM)Reply_author
il y a 3 semaines (16:46 PM)Ceo
En Avril, 2013 (19:57 PM)Il n y jamais de reforme au Senegel et les gens aiment la facilite, du coup toutes les bases posees par Senghor et Diouf sont celles sur lesquelles le pays fonctionne. C'est tres dommage!!
Boubess
En Avril, 2013 (21:03 PM)Dejeey
En Avril, 2013 (22:58 PM)Nionio
En Avril, 2013 (00:23 AM)Miss
En Avril, 2013 (00:41 AM)Deug
En Avril, 2013 (01:21 AM)Oh! Oooh!!!
En Avril, 2013 (09:32 AM)Participer à la Discussion