CNDST :
Madame Diarra, vous êtes la Directrice des Archives du Sénégal. Présentez-vous
brièvement.
Je m’appelle Fatoumata CISSE, épouse DIARRA, je suis
conservateur d’archives et Directrice des Archives du Sénégal depuis deux ans
et demi. Formée à l’Ecole de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes,
je suis titulaire du Diplôme d’Aptitude aux Fonctions d’Archivistes, 1985 et du
Diplôme supérieur en Sciences de l’Information et de la Communication, 2000.
J’ai effectué plusieurs stages internationaux d’archives et produit différentes
communications notamment
relatives aux sources de l’histoire conservées aux Archives du Sénégal
présentées lors de colloques au Sénégal et à l’étranger.
J’ai passé toute ma carrière à la Direction des Archives du
Sénégal que j’ai intégré le 02 septembre 1985. J’y ai occupé différents
postes de responsabilité avant de me retrouver à cette station.
Au plan professionnel, j’assure la présidence de la Branche
ouest-africaine du Conseil international de Archives qui regroupe seize pays de
l’espace ouest africain, par ailleurs, membre du Comité exécutif du Conseil
international des Archives. Je suis membre de l’Association sénégalaise des
Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes. Je suis également présidente
du Comité sénégalais Mémoire du monde de l’UNESCO.
CNDST :
Aujourd’hui que le building administratif est en état de réhabilitation
par le Gouvernement du Sénégal, Comment vous vivez cette situation en
tant que Directrice des Archives du Sénégal ?
Avant d’aborder la question de la réhabilitation du building,
vous me permettrez et à juste raison, de présenter brièvement l’institution
pour mieux vous faire appréhender l’ampleur de la situation. Il s’agit d’un
complexe documentaire au service de l’Administration, du Citoyen et de la
Recherche. En effet, outre, le service des Archives nationales, elle abrite une
bibliothèque qui fait office de bibliothèque nationale et un centre de
documentation administrative et juridique, ainsi que des services régionaux
d’archives au nombre de cinq.
Le Sénégal a une longue tradition archivistique qui remonte à la
période coloniale avec, la création le 1er juillet 1913, du dépôt central
d’archives de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et du dépôt de la colonie
du Sénégal, à l’instar de chaque colonie. Ce dépôt est l’ancêtre de la
Direction des Archives du Sénégal créée par le décret n° 77-621 du 21 juillet
1977 qui est l’organe de l’Etat compétent pour toutes les questions d’archives.
Le fonds documentaire est très important, réparti entre
quatre fonds d’archives (Sénégal colonial (1816- 1958), Afrique Occidentale
Française (1895-1959), Fédération du Mali (1959-1960), Sénégal indépendant
depuis 1960), des collections de bibliothèque, d’actes règlementaires, des
documents iconographiques, des dossiers documentaires, etc.
Pour revenir à la question posée, je dirai que la
réhabilitation du building administratif intervient dans un contexte
particulier qui contraint les Archives nationales à quitter le bâtiment pour
emménager au Central Park. Je perçois cette situation comme un grand défi qui
interpelle en premier lieu la Direction et le personnel des Archives du
Sénégal, mais, qui interpelle aussi la communauté nationale des professionnels
de l’information documentaire pour ne pas dire la nation toute entière. Le
service des Archives est logé au building depuis 1954, avec une capacité
initiale d’accueil de 8 kml, qui a été plus que doublée aujourd’hui. J’ai pris
l’habitude (avec un brin d’humour) de qualifier cette entreprise de
« DEMENAGEMENT DU SIECLE ! » et ceux qui ont visité ou fréquenté
les Archives nationales en conviendront avec moi.
CNDST :
Quelles sont les nouvelles dispositions prises pour sauvegarder les archives
qui méritent une attention toute particulière ?
Le caractère spécifique des archives et leur vulnérabilité
commandent de mener toutes les opérations de la chaîne de transfert avec diligence
et minutie pour éviter de chambouler l’ordre de classement préétabli. Comme
disposition, un plan de déménagement a été élaboré qui intègre le récolement
général des fonds, l’évaluation du mobilier de rangement, un relevé
topographique, le reconditionnement des articles, l’identification des fonds
devant être transférés en priorité en rapport avec leur fréquence de
sollicitation par les chercheurs.
Une société de déménagement de la place a été contactée,
mais je signale que toutes les opérations de transfert seront supervisées par
le personnel des Archives nationales. Il faut rappeler qu’en raison des
contraintes du chantier et de ces travaux préalables, le service a été fermé
aux usagers (à leur grand dam !).
Malgré les désagréments causés par les travaux du
chantier en cours, nous continuons à assurer la garde (dans des conditions
difficiles), dans le seul but de préserver l’intégrité physique du patrimoine
en garde.
CNDST : Vous
êtes à la tête de la Direction des Archives du Sénégal depuis quelques années,
deux ans, si je ne me trompe. Quelles sont vos réalisations et les difficultés
rencontrées ?
J’ai la chance de travailler avec une superbe équipe, ce qui
nous a permis d’avoir à notre actif, entre autres, l’organisation des
manifestations commémoratives du centenaire de la création des Archives
(colloque international, exposition), la refonte du site web, le recrutement de
treize (13) agents, l’organisation régulière des éditions de la Journée
internationale des Archives, la prestation de serment devant le tribunal de 44
archivistes et autres agents travaillant dans les dépôts d’archives publiques
en octobre 2014, la mise sur pieds d’un comité de réflexion sur les projets de
décrets d’application de la loi d’archives n°2006-19 du 30 juin 2006 relative
aux archives et aux documents administratifs.
Quant aux difficultés rencontrées dans l’exécution de la
mission, elles tournent pratiquement autour du problème de saturation des
locaux et de déficit en ressources humaines spécialisées. Nous saluons l’effort
consenti par l’Etat en procédant au recrutement de 13 agents cette année, mais
nous mettons l’accent sur la nécessité de recruter des archivistes diplômés
pour résorber le gap de classement. Il faut aussi recruter des techniciens pour
assurer le fonctionnement des ateliers de reliure et restauration et l’unité
audiovisuelle.
CNDST :
Face aux difficultés de conservation que posent les archives, avez
–vous élaboré un plan de numérisation des documents d’archives ?
Aujourd’hui, la numérisation se présente aux professionnels de
l’information documentaire comme une opportunité permettant de gérer de façon
plus ou moins efficiente les problèmes de conservation. Mes différents
prédécesseurs ont élaboré des projets spécifiques de numérisation visant certains
fonds et collections (Journaux Paris-Dakar, Dakar-Matin, Fonds Fédération du
Mali, Fonds AOF, etc.), même s’ils n’ont pas trouvé financement auprès des
bailleurs. Mais, il est illusoire, à l’heure actuelle, de raisonner en terme de
projet global de numérisation de l’ensemble des fonds d’archives conservés aux
Archives nationales, si l’on considère leur volumétrie et le manque de
ressources du moment. Toutefois, aux Archives du Sénégal, cette technique
répond à un souci de conservation préventive des originaux que l’on met en
œuvre à chaque qu’on identifie des documents en état de détérioration.
Pour ce qui me concerne, depuis sept mois, je copilote avec mon
homologue français, le projet « mémoire partagée » relatif à la
numérisation du fonds d’archives de l’Afrique occidentale Française conservé à
Dakar mais qui est en partage entre la France et les ex-colonies de l’AOF.
C’est un élément du patrimoine inscrit au « Registre de la Mémoire du
monde » de l’UNESCO, très usité par les chercheurs. Sa numérisation
permettra aux différentes parties prenantes de disposer de copies numériques et
une mise en ligne pour un meilleur partage. Ce fonds est d’autant plus
intéressant qu’il constitue une exception dans la tradition coloniale française
où les archives ont toujours été rapatriées au moment de la décolonisation.
Cependant, mon intime conviction est qu’aujourd’hui, le problème
le plus prégnant aux Archives nationales demeure celui de l’espace.
CNDST :
Où en est-on avec le projet de construction de la Maison des Archives du
Sénégal ?
Il reste en l’état de projet. Toutefois, Monsieur le Président
de la République nous en a fait la promesse à l’occasion la cérémonie
officielle d’ouverture du centenaire de la création des Archives du Sénégal.
Plus récemment, Monsieur le Premier Ministre a annoncé dans son discours de
politique générale (DPG) que la construction de la Maison des Archives était
envisagée, ce qui constitue une première si l’on revisite l’histoire des DPG au
Sénégal.
Je suis personnellement convaincue que les soucis engendrés par
le déménagement des Archives nationales tant du point de vue des ressources
financières que de la logistique amèneront les autorités étatiques à diligenter
l’édification de la Maison des Archives, vœu le plus cher de la communauté
archivistique nationale.
CNDST :
Quel appel lanceriez-vous à la communauté des utilisateurs des archives, aux
décideurs publics mais aussi au secteur privé national pour la sauvegarde des
Archives du Sénégal ?
Je voudrais inviter la communauté des utilisateurs des archives,
les décideurs publics, le secteur privé national à unir leurs forces pour
porter le plaidoyer afin que les archives connaissent un meilleur sort au
Sénégal, ce qui passera nécessairement par la construction de la Maison des
Archives du Sénégal.
Comme mot de la fin, je vais exhorter mes concitoyens à
mieux faire connaissance avec les Archives nationales gardiennes par excellence
de la mémoire collective. Bien au fait de la richesse de ce patrimoine
documentaire dont certains éléments sont uniques au monde, ils seront
sensibilisés à son importance pour assurer sa protection.
7 Commentaires
Svp
En Janvier, 2015 (20:33 PM)Lol
En Janvier, 2015 (01:26 AM)Pépite D'or
En Janvier, 2015 (08:12 AM)Archives
En Janvier, 2015 (08:38 AM)Quant à la réussite de ce grand chantier.
Plaidoyer Pour Musée Adm
En Janvier, 2015 (08:55 AM)Economiste
En Janvier, 2015 (11:00 AM)Il faut promouvoir la gestion économique des musées. C’est un domaine de l'économie de la culture qui s'intéresse au fonctionnement économique des musées.
Plus précisément, la théorie économique des musées analyse principalement l'activité des musées selon deux cadres. Un musée peut en premier lieu être considéré comme une unité économique (comme une entreprise), considéré sous l'angle de la relation entre ses intrants (collections, budget, employés) et sa production (chiffre d'affaires, expositions, présence médiatique, publications scientifiques). Dans ce cadre, on peut également étudier l'effet des musées sur les autres secteurs sur le plan de l'emploi ou du chiffre d'affaires généré. En second lieu, on peut l'étudier comme un agent économique néoclassique maximisant un objectif sous une contrainte d'allocation de ressources rares (que faire avec les moyens qui me sont alloués ?).
Cross
En Janvier, 2015 (22:57 PM)Participer à la Discussion