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REPORTAGE - DJIDAH THIAROYE KAW : Au cœur des bassins de la «mort» pour enfants

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REPORTAGE - DJIDAH THIAROYE KAW : Au cœur des bassins de la «mort» pour enfants

Les bassins de rétention de la commune d’arrondissement de Djidah Thiaroye Kaw ne cessent de faire des victimes, notamment des enfants. Les jeunes de la localité disent non à la fatalité et demandent l’implication de tous pour la fin de ces drames liés aux noyades. 

 

D’une frappe, le ballon finit par entrer dans l’eau. L’air un peu hésitant, le jeune footballeur tente d’y entrer avant d’entendre une voix. «N’y vas pas. Avec l’air, l’eau va pousser de l’autre côté de la rive le ballon. Après on va le récupérer». La scène ne se passe pas à la plage de Yoff, encore moins à celle de Ngor. Et nous ne sommes pas en période de vacance, où les plages grouillent de monde, mais au bassin de rétention de «Djidah Thiaroye Kaw», en cet après midi de mardi. Un vent frais accompagné d’une mauvaise odeur souffle sur les lieux. Dans ce quartier, les parents ne dorment plus à poings fermés. Ce «gave artificiel» créé en 2005 pour désengorger les maisons inondées, est devenu un «lieu de rendez-vous des enfants avec la grande faucheuse». Il ne cesse d’emporter des vies. Comme s’ils ne savaient pas les dangers de ce bassin, des jeunes jouent au football juste à côté. Ce petit espace, longeant tout le long du bassin sert, comme dans les autres quartiers de la banlieue, de terrain de foot où se disputent des matches appelés communément «Calcio» faisant référence à la «Série A» du  championnat  d’Italie. «C’est ici que nous jouons.

 

C’est notre seul terrain pour jouer au football», confie Moustapha Niang, élève en classe de 3e au Collège d’enseignement moyen Joseph F. Corréa, vêtu d’un t-shirt jaune sur lequel on peut lire le nom de l’école. De taille moyenne, physique d’Okocha (Ndlr : ancien international nigérian), le jeune ajoute : «Notre ballon y entre toujours. Nous pensons que la seule solution, c’est la construction d’un mur». «Il y a même des personnes qui viennent y pêcher. Ils font transporter leur prise souvent aux enfants en donnant en contrepartie des pièces. Dès fois, ce sont même ces enfants qui vont au marché pour vendre les poissons», renchérit son ami Modou Sarr avec qui il partage le même établissement. Avec le nombre de morts qui ne cessent de s’accroître, la population de cette localité s’est levée pour dire non. «La mort des enfants nous a irrités. Nous venons de dénombrer la neuvième victime. C’est pourquoi, un mouvement d’humeur est né pour dire non à ce naufrage», lance-t-elle.

 

Un danger permanent pour les écoliers

 

Certains écoliers sont conscients du danger qui les guette. A quelques mètres de ces garçons qui jouent au football se trouve l’école élémentaire «Pikine 27», sis sur le même alignement que la «Case des tout-petits» de la même ville. Cheikh Diaw est un élève en classe de CE2. De petite taille, son visage cache à peine son âge, 11 ans. Tout fier de porter la parole du groupe, il abonde dans le même sens. «Il y a des enfants qui viennent y pêcher. J’ai des amis qui jouent parfois au football à côté du bassin», explique le petit. «Notre école fait face au ‘Ndekh Jaxaay’ (Ndlr bassin de rétention). Nous voudrions qu’il soit clôturé, comme celui de Gounass», souhaite Abdou Fall, laissant échapper de son nez un liquide.

 

De l’autre côté du bassin, sur la route menant au quartier «Touba Thiaroye», quelques enfants jouent au foot. A côté d’eux, de l’eau ruisselle à partir des tuyaux. Une écolière, alors qu’elle pouvait passer sur le chemin que prennent ses camarades, prend celui menant aux  tuyaux afin de «mouiller ses pieds». Elle hésite avant de sauter. Sa sœur finit par la rejoindre pour l’aider à traverser, sous le regard des gamins qui marquent une pause pour permettre aux passants de traverser… Ici, une odeur nauséabonde se dégage de partout. L’eau du tuyau passe sur le terrain que ces petits appellent «Ile ba». «Les tuyaux viennent de Touba Thiaroye, dans des maisons inondées où l’eau n’est toujours pas vidée». «Mais, note-t-il, ces maisons ne sont pas habitées. Il y a même des poissons dans ces zones», révèle le plus âgé du groupe sous le saut de l’anonymat.

 

A quelques mètres de ces enfants, une dame tient son petit commerce devant une maison. Sur la table, on peut voir des pots remplis de salades, de tomates, posés à côté d’un bol rempli de poissons. Elle vend des sandwiches et autres plats. «Nos enfants ne cessent de se promener devant ces bassins. On n’ose plus sortir. C’est même devenu difficile pour aller aux cérémonies familiales». Elle marque une pause, s’occupe des mouches posées sur son commerce. A l’aide d’un foulard, elle finit par gagner son duel avec ces insectes attirés par l’endroit rempli d’eau. Elle poursuit : «On n’a pas l’esprit tranquille quand on sort. C’est cela qui fait que nous n’osons plus sortir. Nos enfants  ne sont plus en sécurité».

 

Des jeunes du «M9» pour zéro noyade

 

Le bassin est entouré par des écoles à l’image de «Pikine 27» et du franco-arabe. Les enfants sont «exposés». Après le décès du jeune Abdou Hakim Seck, un jeune âgé de deux ans qui y a perdu la vie le 20 janvier dernier, les jeunes regroupés au sein du «Mouvement de la neuvième victime des bassins de Djeddah Thiaroye Kaw, ‘M9’ se sont levés pour dire : ‘plus jamais ça’». «Notre rôle, c’est de sensibiliser les parents sur les dangers de ces bassins. Il y a aussi des jeunes du mouvement qui veillent au grain. Nous nous dressons aussi contre le laxisme des décideurs. Les populations ont droit à l’éducation, à un environnement sain mais aussi à une participation inclusive. Nous ne laisserons plus personne décider pour nous», lance un membre du mouvement, Michel Silva. Selon lui, les travaux de sécurisation du bassin devraient démarrer depuis octobre, mais jusqu’à présent rien n’a été fait.

 

Face à cette situation, certains directeurs d’écoles et autres jeunes du quartier  sensibilisent les parents et les potaches pour réduire les cas de noyade dans cette localité. C’est le cas du directeur de l’école Pikine 27, Bassirou Ndiaye. «Nous vivons la tragédie comme les riverains. Des cas qui se passent devant nous. Nos élèves sont pour le moment épargnés. Mais, si le bassin n’est pas clôturé, personne ne sera l’abri», déclare-t-il. C’est pourquoi, selon lui, il faut sensibiliser les jeunes élèves pour qu’ils puissent savoir le danger que constitue ce «briseur d’espoir». «Tous les jours, les maîtres pendant le cours ‘Vivre ensemble’ qui a remplacé l’éducation morale parlent des méfaits du bassin». Il faut l’implication de tous pour que la liste s’arrête, estime M. Ndiaye. Qui «passe également dans les classes pour discuter avec les enfants, les sensibiliser sur les risques et dangers».

 

Vice-président du «M9», Mamadou Sow soulève le manque d’éclairage. «Les lampes sont rarement allumées. Ce sont des lampes sans utilité». C’est pourquoi, regrette-t-il, le quartier est devenu un «lieu de refuge des malfaiteurs». Le chef de quartier de Djeddah 1 et 2, Saliou Ndir, invite les parents à plus de vigilance. «Les morts sont au nombre de neuf. Il y a une part de négligence des parents. On voudrait que cela s’arrête». Avec une superficie de 1 800 linéaires, sur les 1 200, l’inquiétude et la peur sont les mots les mieux partagés. Une crainte sans doute pour qu’il n’y ait pas un «deuxième Abdou Hakim Seck».

 



1 Commentaires

  1. Auteur

    Maïmoune

    En Février, 2013 (20:56 PM)
    Dans tous les pays développés, il ya des plans deau trois fois plus vastes que ce que nous avons chez-nous et pourtant on ne voit pas de noyade! Les enfants dovent être avec leurs parents jusqu'à un certain âge comme toutes les familles" normales" ! Il n'y a pas de Villes sans au moins quatre ou cinq plan d'eau où vont toutes les eaux de pluie sur un rayon de quatre à cinq kilomètres !
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