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Tuesday 02 September, 2025
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Entre le marteau et la clameur

Auteur: Mass Massamba NDAO

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Alors que les révélations sur la mauvaise gestion des Fonds Force Covid-19 ravivent l’indignation populaire, une question majeure refait surface : Faut-il enfermer pour rassurer ? Confisquer pour convaincre ? Alors que la parole politique appelle à des sanctions spectaculaires, la justice, elle, avance à pas comptés. Dans ce duel silencieux entre la soif populaire de châtiment et la lenteur calculée du droit, une question s’impose : jusqu’où peut-on frapper sans trahir l’idéal de justice ?
Alioune Ndao, ancien procureur de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) devenu député du parti Pastef et membre de la Haute cour de justice, a relancé le débat sur la réforme de la législation pénale. Son message est clair : il faut frapper fort. Pour lui, la réponse actuelle face aux détournements de deniers publics manque de mordant. L’État, dit-il sur les ondes d'une radio, ne doit plus se contenter de récupérer les fonds. Il faut aussi priver les coupables de liberté et confisquer leurs biens. Ce n’est qu’à ce prix que la justice retrouvera son autorité aux yeux du peuple, est-il d'avis. 
Mais en face, la magistrature n’entend pas céder à la tentation du tout-répressif. Le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Dakar, Ibrahima Ndoye, préfère rappeler le rôle de la justice dans un État de droit. Le cautionnement, précise-t-il, n’est pas une faveur, mais un outil juridique qui garantit le bon déroulement des procédures et protège les intérêts de l’État. D’ailleurs, souligne-t-il, plusieurs centaines de millions de francs CFA ont déjà été recouvrés dans le cadre des procédures judiciaires liées aux fonds Covid-19. Une manière de prouver que l’efficacité judiciaire ne se limite pas à l’incarcération.
Ce duel de visions révèle un décalage plus profond entre le tempo politique et les exigences juridiques. D’un côté, des élus, souvent portés par l’aspiration populaire à une justice plus ferme, veulent durcir les lois. De l’autre, des magistrats expérimentés, à l’image du ministre de la Justice Ousmane Diagne, s’efforcent de garantir une application rigoureuse mais équilibrée du droit.
Faut-il alors changer la loi ? Sans doute, mais pas sous la pression de l’émotion collective. La tentation du populisme judiciaire est forte, surtout quand l’opinion, échaudée par des scandales à répétition, demande des têtes. Mais une démocratie digne de ce nom ne peut faire de la justice un instrument de vengeance. La réforme pénale doit être pensée avec lucidité, dans le respect des principes fondamentaux : la présomption d’innocence, l’équité des procédures, et surtout, l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Au fond, ce débat en dit long sur notre rapport à la justice. Il ne suffit pas de punir, encore faut-il prévenir. Il ne suffit pas de sanctionner, il faut aussi réparer. Et surtout, il ne suffit pas de réformer les lois, il faut restaurer la confiance.
Car c’est bien cela, l’enjeu : que les citoyens croient à nouveau en une justice qui protège, qui sanctionne quand il le faut, mais qui ne cède ni à la pression politique, ni à la colère populaire. Une justice forte n’est pas celle qui crie le plus fort. C’est celle qui agit dans le calme… et dans la rigueur.
Auteur: Mass Massamba NDAO

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