Réuni hier à Dakar pour sa 44e session, le Conseil national du crédit a livré un état des lieux contrasté du système bancaire sénégalais. Portée par une dynamique favorable, le bénéfice global des établissements bancaires a progressé de 27,9 % en 2024, atteignant 205,4 milliards de FCFA, selon les chiffres présentés par le ministère des Finances. Cette performance s’inscrit dans un contexte de recul de l’inflation à 2,3 %, après les tensions inflationnistes des deux années précédentes.
Cette combinaison d’indicateurs – expansion des marges, baisse des prix, stabilité monétaire – témoigne d’une certaine résilience du secteur bancaire, dans un environnement régional encore marqué par des incertitudes : resserrement des conditions de crédit dans l’UEMOA, forte demande de financement public et privé, et évolution des taux directeurs décidés par la BCEAO.
Mais derrière cette rentabilité accrue, des fragilités persistent. Les autorités ont souligné lors du Conseil une détérioration partielle de la qualité du portefeuille, avec une montée du niveau de créances douteuses dans certains segments. Cela traduit, en partie, les difficultés de remboursement rencontrées par certaines entreprises, notamment dans les secteurs les plus exposés à la volatilité des prix ou à la contraction de la demande (transports, commerce, petite industrie).
Autre point de vigilance : l’inclusion financière progresse lentement, malgré une bancarisation en hausse. La rentabilité du système repose encore en grande partie sur une clientèle restreinte, concentrée dans les zones urbaines formelles, laissant une large partie de la population – et des petites unités économiques – en marge de l’accès au crédit.
En toile de fond, ces résultats relancent le débat sur la finalité du crédit bancaire dans l’économie sénégalaise. Si les banques restent solides, leur capacité à irriguer durablement les secteurs productifs, notamment les PME et les initiatives hors des circuits traditionnels, reste sujette à débat. L’enjeu n’est donc pas seulement celui de la performance comptable, mais de la contribution effective du secteur bancaire au financement du développement.
Le Conseil a réaffirmé l’importance d’un dialogue renforcé entre les régulateurs, les banques commerciales et les autorités sectorielles pour accompagner les efforts de relance économique tout en maintenant la stabilité du système. Dans un contexte de réorientation des priorités économiques, la solidité du secteur bancaire représente un atout, mais aussi une responsabilité titanesque en matière d’allocation des ressources.
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