Tailleur de profession, B. Thior est un jeune d’une trentaine d’années, domicilié à Sicap Mbao. Son histoire est des plus pathétiques. Aujourd’hui encore, l’homme souffre le martyre, rien qu’en pensant aux tortures que lui ont fait subir les gendarmes. Qui ont aspergé du diluant sur ses fesses et y ont mis le feu avec un briquet.«Je m’appelle B. Thior. Je suis tailleur de profession. Les faits que je vais vous narrer remontent à 1993. À l’époque, ma mère qui a travaillé pendant plusieurs années au domicile du député Adja F. D. Gueye, sis à Sacré Cœur, a fini par arrêter après s’être mariée. Mais elle continuait à entretenir une bonne relation avec ses ex-employeurs. Un Jour, ma mère a décidé de rendre une visite de courtoisie à son ex-employeur à Sacré-Cœur. Au cours de leur discussion, le député qui a certainement voulu témoigner sa reconnaissante à ma mère pour les bons et loyaux services rendus, lui a demandé si elle n’avait pas un fils au chômage. Ma mère lui a répondu par l’affirmative. C’est ainsi que le député lui a demandé de m’amener auprès d’elle. Chose qu’elle fera sans arrière-pensée. Une fois à Sacré-Cœur, le député m’a proposé de m’héberger chez elle. À vrai dire, Adja F. D. Gueye s’est comportée comme une grand-mère pour moi. Elle me choyait comme si j’étais son propre petit-fils. Je pense que c’est ce traitement de faveur qui a fini par courroucer sa fille Aby Soumaré. Toujours est-il que le 20 juin 1993, elle m’a vertement accusé d’avoir volé ses quatre mètres de tissu Basin. J’ai eu beau clamé mon innocence en réfutant cette accusation, rien n’y fit. Elle n’a rien voulu comprendre et exigeait la restitution de ses 4 mètres de basin. Face à mon intransigeance, Aby Soumaré m’a menacé, en m’assurant que je finirai par avouer de gré ou de force. Ce n’est que bien après que j’ai compris la substance de ses menaces voilées.
Le film de ma torture dans les locaux de la gendarmerie de la foirePeu de temps après, des gendarmes en tenue se sont présentés à la maison, m’ont arrêté et m’ont à leur tour accusé d’avoir volé les 4 mètres de tissu d’Aby Soumaré. J’ai répondu que ces accusations étaient fausses. Ils ne m’ont pas cru et m’ont embarqué. J’ai ainsi été conduit à la brigade de la Foire où les deux gendarmes m’ont introduit dans une salle mal éclairée. Ils ne cessaient de me dire, en me narguant, que lorsqu’ils en auront fini avec moi, j’avouerai mon forfait. Ils m’ont fait subir la torture de l’épervier. Ils m’ont déshabillé et ne m’ont laissé qu’un slip. Ils m’ont sommé de m’asseoir, après quoi, ils ont placé un bâton sous mes cuisses, à hauteur de mes genoux. J’avais très mal. Puis ils ont fait passer mes bras en dessous de mes cuisses, en contournant le bâton. Par la suite, ils m’ont suspendu à ce bâton, dont les deux extrémités avaient été suspendues sur deux chaises. J’avais la tête en bas, les fesses nues en l’air. Ils ont continué à me presser de questions du genre : «Boy, tu vas sortir le tissu d’une façon ou d’une autre». Je ne cessais de leur répondre que je ne suis pas leur voleur.C’est sur ces entrefaites que les deux gendarmes ont, contre toute attente, aspergé sur mes fesses du diluant. J’ai senti au niveau de mes parties intimes, une vive brûlure qui a causé une douleur indescriptible. Ils sont revenus à la charge pour me sommer de révéler où j’ai planqué le tissu. C’est alors que j’ai pris peur et dans l’obscurité de la salle où ils m’avaient isolé, je me suis demandé si je n’avais pas affaire à des nervis mandatés pour me torturer à mort.
Je pissais et je faisais mes besoins en étant couché sur le ventre et c’est ma mère qui me nettoyait et me douchait, durant quatre moisC’est alors que j’ai dit à l’un des gendarmes que je reconnais le vol et je leur ai indiqué l’avoir caché dans un coin de la maison que j’ai désigné sans réfléchir. Ils ont envoyé sur place un de leurs éléments qui est revenu bredouille. Ce fut le début de l’enfer pour moi. Car l’un des gendarmes, le nommé Médoune Diop, irrité, a lancé à mon endroit : «Je me fiche de sa g... Il va le payer très cher». Ils ont à nouveau aspergé mes fesses de diluant et alors que je me tordais de douleur, il a activé la flamme de son briquet, qu’il a posé sur mes fesses. Inutile de vous décrire la douleur que j’ai ressentie à ce moment précis. Ce sont des émotions que même l’esprit ne peut cerner. A force d’y penser aujourd’hui encore, j’en frissonne. (Il coupe net, se mord les lèvres comme s’il ressentait une douleur interne. Puis, il reprend son souffle et lance). Je ne souhaite à personne de vivre ce type de torture». Je N’arrivais pas à comprendre qu’à cause de 4 m de tissu dont on m’avait accusé d’être le présumé, je dis bien le présumé voleur, on me torture avec une telle barbarie. Qu’en serait-il si j’avais tué quelqu’un ?Alors que ma souffrance était à son paroxysme, Aby Soumaré a débarqué à la brigade. J’avais les fesses qui me brûlaient comme des torches. Elle a accouru et a tenté de me secourir en utilisant ses habits. Puis, elle s’en est prise aux gendarmes en leur disant qu’elle ne leur a jamais demandé de me punir de la sorte. Voilà ce qu’elle leur a dit, mot pour mot : «Je vous ai juste demandé de le cuisiner. A présent, préparez-vous à répondre de vos actes». Sur ce, elle m’a fait acheminé à l’hôpital Principal. J’étais dans un piteux état, au point de m’évanouir par moments. Les médecins ont voulu m’interner. Mais Aby Soumaré et ses acolytes s’y sont opposés vivement. En réalité, ils craignaient que l’affaire s’ébruite et qu’ils finissent par être inquiétés. C’est ainsi que j’ai été libéré, à charge pour eux de m’amener faire mes consultations. J’ai été conduit au domicile du député où j’ai été admis dans une chambrette située à l’arrière-cour, loin des regards indiscrets. Puis, ils ont requis un médecin qui périodiquement venait m’administrer des soins. Ils s’arrangeaient pour que personne, à l’exception de ma mère, n’accède à moi. Je suis resté dans cette chambrette quatre mois durant, sur une même position : allongé sur le ventre. Le moindre mouvement que je faisais, me causait une saignée et une douleur vive.
Je suis devenu impuissant depuis lors, car le diluant et les brûlures ont atteint mes parties intimesCette situation pénible a fait que je puais. Et je pèse mes mots : à force de tout faire sur place en position couchée. Ainsi, lorsque je me suis remis de mes brûlures, j’ai porté l’affaire en justice et les deux gendarmes, Médoune Diop et son acolyte, ont été arrêtés puis jugés. L’autre a été relaxé, tandis que Médoune Diop a été condamné à 2 ans ferme. Il a été gracié au bout de 2 mois. Sur les intérêts civils, le juge nous a octroyé la somme de 8 millions de francs, mon avocat a pris les 3,5 millions et nous a remis la somme de 4,5 millions. Seulement, je ne pouvais plus sortir dans le quartier, j’étais stigmatisé et le voisinage me regardait comme si j’étais un vulgaire voleur qui a été torturé et humilié. Pire, je portais les stigmates de ces sévices. «Je portais constamment des boubous à manches longues pour ne pas laisser apparaître les marques de brûlures visibles sur une bonne partie de mon bras droit. Il y avait aussi que je ne pouvais plus aller à la plage avec mes amis, car je n’osais plus me déshabiller, vu que je porte une grosse marque de brûlure qui couvre littéralement mes fesses et une partie de mes cuisses». Pire encore, je suis devenu impuissant depuis lors, car le diluant et les brûlures ont atteint mes parties intimes. Je n’ose même plus courtiser les filles, encore moins songer à me marier, car je crains que toute femme, voyant ces énormes marques de brûlures au niveau de mes parties intimes, s’en aille en courant. J’ai vécu l’enfer sur terre avec cette histoire, au point que j’ai songé à plusieurs reprises à me suicider. Mais lorsque que je pense à ma mère qui s’occupait de moi, en prenant du papier pour me nettoyer quand je faisais mes besoins…. ou qui posait un pot sous mon corps pour que je puisse pisser…, je me dis que je n’ai pas le droit de l’abandonner, après tant d’efforts à mon endroit, durant ces moments difficiles. (Il baisse la tête sur la table comme pour essuyer des larmes et lance) : «il m’est arrivé de revivre ce cauchemar plusieurs nuits durant. Récemment, lorsque j’entendais des gens s’immoler par le feu ou brandir la menace de le faire, je revivais ce cauchemar et je me disais au fond de moi, qu’ils ne savent pas à quoi ils s’exposent.
Un commerçant escroc a disparu avec l’argent de mon indemnisationMa mère voyant que je ne me sentais pas bien dans le quartier, m’a proposé d’aller à l’étranger, en investissant les 4,5 millions que nous avons reçus de la justice. C’est ainsi qu’on nous a mis en contact avec un commerçant du nom d’Abdoulaye Diop, établi à Sicap-Mbao et qui a des boutiques au marché des Hlm. Ce dernier nous a réclamé la somme de 5 millions de francs, pour me faire voyager en Europe. Après négociation, il a accepté de prendre 4 millions, que ma mère lui a remis en 2005. Seulement, dès qu’il a empoché ce montant, il a disparu et nous n’avons plus de nouvelles de lui. Nous nous sommes résolus à porter plainte contre X, au poste de police de Sicap-Mbao, mais nous sommes toujours sans nouvelles de lui.En définitive, mes tortionnaires sont libres et sont toujours en activité. Le tissu en question n’a jamais été retrouvé. Les 4,5 millions reçus à titre de dommages et intérêts ont fondu comme beurre au soleil, par la faute d’un commerçant véreux et je continue de vivre avec ma mère dans la précarité la plus extrême. Aujourd’hui, ma seule préoccupation sur terre est de pouvoir la soulager. C’est à ce titre que je lance un appel aux bonnes volontés pour me venir en aide, afin que je puisse revivre à nouveau.
Abdoulaye DIÉDHIOU
Auteur: lobservateur - Abdoulaye DIÉDHIOU
Publié le: Jeudi 25 Août 2011
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