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LA NOUVELLE REGION DE KEDOUGOU TARDE À PRENDRE SON ENVOL

Auteur: Assane Diallo (env. sp. Kédougo

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Erigé en région depuis le vendredi 1er février 2008, Kédougou a tout d'un patelin oublié. En effet, dans ce bled, la prostitution clandestine a atteint des proportions inquiétantes. Elles sont de plus en plus nombreuses, de plus en plus jeunes, ces filles d’âge variant entre 21 et 35 ans, à se prostituer clandestinement. La plupart d’entre elles sont des Guinéennes venues de la République de Guinée Konakry : Labé, Mamou, Konakry... Si certaines disent être sur place uniquement pour faire du commerce de « thioup » ou de denrées, la réalité est que derrière ce commerce, se cache un autre  commerce, mais celui de la chair, qui rapportent gros ; d’autres par contre, venu chercher du travail, finissent par établir leurs quartiers, louant des chambres afin de s’adonner aux PJA (parties de jambes en l’air) moyennant quelques billets de banque. Pire, dans la terre des hommes, la nuit, les activités sont grises, la bière coule à flots. Dans chaque quartier, des bars ou clandos jouxtent les ruelles. Ce qui fait dire aux observateurs bien avertis qu’il y a plus de bars que mosquées dans la localité.

Reportage

Limité au Nord par le département de Tambacounda, au Sud par la République de Guinée Conakry, à l'Est par la République du Mali, et à l'Ouest par les départements de Tambacounda et de Vélingara (région de Kolda), Kédougou recèle d'importantes réserves minières que les populations tardent à voir exploitées pour leur développement. Le premier visiteur qui s’y évertue, pense à l’or de Sabodala. Mais une fois dans la commune, l’on se demande et se pose la question : Pourquoi le développement de cette ville tarde encore ? Car cette « petite » ville de 12.000 habitants jonchée de cases aux toits de paille qui côtoient les nouvelles constructions en ciment, s’étale au bord du fleuve Gambie. Cette ville n’a pas de charme particulier, si ce n’est qu’elle est une oasis pour les villageois qui peuvent venir se soigner, s’instruire et se ravitailler, essentiellement en huile, sucre, et riz. Kédougou, c’est aussi une ville où se mélangent des familles de toutes origines : malinkés, peuls, sérères, wolofs, toucouleurs, bediks, bassaris, dialounkés…

La prostitution clandestine prend une ampleur inquiétante dans la capitale de la terre des hommes. Beaucoup de jeunes filles et femmes, provenant de la Guinée Konakry, se lancent dans le plus vieux métier du monde, sans être en règle (carnet sanitaire, visite médicale…). Venues dans cette ville pour faire du commerce, beaucoup parmi elles, se lancent dans l’autre commerce, celui de la chair. Elles vivent dans des maisons en location moins chère, et parviennent tant bien que mal à s’en sortir, assurant la location, la restauration… Car dans cette ville, il ne s’agit pas de s’habiller sexy pour plaire à certains hommes, mais plutôt avoir des arguments solides à faire valoir, comprenez par là (xess, fess…). D’autres finissent par abandonner ce qui les a fait venir dans cette ville, car ne pouvant plus les entretenir. A la fin, elles finissent par verser dans cette activité illicite. Certaines filles, soucieuses de ne pas être épinglées par la brigade de gendarmerie de Kédougou, ne sortent pas la nuit, et préfèrent se terrer chez elles, recevant leurs clients sur un simple coup de fil sur le portable. Les campements touristiques, hôtels et autres auberges ne sont pas « oubliés » par ces prostituées clandestines qui, des fois, sont obligées de rejoindre les clients dans leurs lieux d’accueil. Cette activité illicite peut rapporter gros à ces filles, qui peuvent en une nuit avec le client, gagner 15.000 à 25.000 francs. Nul ne sait combien elles sont à mener cette activité dans la capitale de la terre des hommes. Nombre de ces prostituées clandestines se sont fait déjà, soit un, deux enfants, et d’autres ont déjà fini de se marier, avant de jeter l’éponge pour se retrouver dans les rues. La «  faune » qui évolue à Kédougou, est souvent composée de jeunes filles d’âge variant entre 21 et 35 ans.

Déçus du régime dit de l’alternance

Les populations espéraient beaucoup de l'alternance, dont les tenants avaient eu à convaincre tout le monde, en dévoilant les programmes alléchants qu'ils mettraient en œuvre, si jamais ils venaient au pouvoir. L'alternance est au pouvoir depuis huit ans, mais les populations n'ont rien vu. Et pourtant, Kédougou devrait contribuer de manière significative au développement du pays, en étant une région aux potentialités minières et agricoles considérables, à l'acheminement des biens de consommation et des facteurs de production, au brassage culturel, facteur important s'il en est, en raison des richesses culturelles que renferme ce département qui est constitué par les six anciens cantons de ce que fut le cercle de Kédougou : le Niokolo, le Bademba, le Bassari, le Balédougou, le Sirimana, le Dontilla.... S'y ajoute la position géographique du département, qui en fait un carrefour de rencontres et d'échanges culturels. Le festival des ethnies minoritaires en est une parfaite illustration, bien que des défaillances soient relevées à chaque organisation. La toute nouvelle région a besoin d'un plan d'urgence dans les domaines de l'économie, la sécurité, le social ou encore la culture.

Et pourtant, la pauvreté sévit encore ; et, à une échelle plus qu’inquiétante. Bon nombre de ménages de la commune même de Kédougou ne parviennent pas à assurer les trois repas quotidiens. L'insécurité alimentaire s'installe par endroits, et crée des situations plus que désagréables. La prostitution clandestine galope, et prend des proportions inquiétantes. L’argent pousse beaucoup de femmes à se prostituer clandestinement.

Argent…

L’argent est la cause principale des déplacements de beaucoup de filles et femmes Guinéennes. Sans activités rentables, elles sont obligées de vendre leur chair pour survivre. Lorsqu’une femme est matérialiste, et ne s’est mariée avec un homme que pour des raisons bassement matérielles, le divorce est vite arrivé ; lorsque le mari n’arrive plus à entretenir le standing affiché au tout début de leur union. «  Certes, un couple ne peut pas vivre que de pain et d’eau fraîche, mais l’argent ne doit pas aussi être l’unique préoccupation des femmes. La vie est parsemée d’embûches et d’obstacles, et les plus riches peuvent devenir pauvres demain. Cela ne doit pas pourtant pousser les filles à divorcer, car elles avouent jurer de vivre avec leur mari pour le meilleur et pour le pire », dit un sage de Kédougou. Une fois le divorce consommé, la fille devient libre de tout engagement et de tout mouvement. Le luxe dans lequel elle vivait, s’envole, et se perd. Dans le besoin, elle est obligée de vendre sa chair pour satisfaire ses besoins. …Divorce

Elles sont de plus en plus nombreuses de nos jours, à divorcer d’avec leur mari, ces jeunes, après seulement un bout de temps de mariage. Le nombre de divorces est en effet en nette croissance d’année en année dans les pays Africains. Partout, dans les tribunaux, il ne se passe une audience sans que des divorces ne soient prononcés, malgré souvent des médiations qui n’aboutissent à rien. Sur pas mal de couples qui se sont jurés une vie en commun jusqu’à l’éternité, beaucoup finissent au fil du temps par réviser leurs promesses, et divorcer. La menace d’échec conjugal n’épargne personne.

Les campements, hôtels, auberges…, lieux de rendez-vous

Les campements poussent comme des champignons dans la « terre des hommes ». Pas moins de deux campements ou auberges y sont construits dans chaque quartier. La fille qui se déplace pour rejoindre son client dans un auberge ou campement gagne plus d’argent que quand elle reçoit le client chez elle.

M.D, une femme, Guinéenne, âgée de 34 ans, s’est résolue à s’engager dans la prostitution pour assurer sa propre autonomie. «  Avec mes deux enfants que j’ai laissés en Guinée, je ne savais pas où donner de la tête pour les nourrir, habiller, et je n’ai plus espoir de rencontrer un homme pour le mariage. Finalement, par le biais d’une amie, j’ai quitté la Guinée pour la rejoindre à Kédougou où vraiment, je gagne bien ma vie, même sans emploi », raconte-t-elle, avant de poursuivre que, « pour se faire de l’argent vite, et envoyer quelque chose à ma famille laissée en Guinée, je suis obligée d’aller racoler dans les campements touristiques, à la recherche de clients, pendant la saison. Une nuit avec un client, n’importe lequel, peut me rapporter entre 15.000 à 25.000 francs Cfa. Je suis obligée de faire tout ce qu’il me demande, et ce que bon lui semble. Même parfois, passer la nuit avec lui, mais le prix passe au double. Le lendemain, j’ai de quoi manger, même envoyer une somme à mes parents, ou bien épargner ».

La nuit, les activités sont grises et la bière coule à flots

Il y a des choses à voir dans la capitale de la terre des hommes. La nuit tombée, surtout lorsqu’une soirée est organisée à « Black and White », dans une boîte de nuit sur fond de musique trépidante, ou même faire un tour dans un bar de la ville, comme c’est le cas à « Africa » ou à la « Calebasse ».

On peut dire sans risque de se tromper que, Kédougou n’a rien à envier aux plus grandes villes africaines (Douala, Lagos, Abidjan …) pour ce qui est de la prostitution et de la quantité de belles et jeunes filles qui s’y adonnent. Aujourd’hui, l’effet d’accroissement (snobisme) qui va forcément avec la présence de ces nymphes dans les boîtes de nuit, bars de marque a gagné le cœur des mélomanes présents. On a l’impression que certaines filles de Kédougou et de la Guinée se mènent une concurrence folle dans l’acquisition des mecs. On trouve dans les bars ou boîtes de nuit, presque toutes sortes de filles, à l’exception des « Drianké » et autres « Diek », « Diongoma ». On trouve par contre toutes sortes de jeunes, allant des élèves, des sans emplois…. Mais celles-ci, du point de vue prix de la passe, ne font guère le poids devant les « grosses cylindrées » qui empruntent les campements touristiques, hôtels et autres auberges. Dans cette ville, il est rare de faire un tour dans un bar, ou boîte de nuit sans remarquer une table d’invités où la bière ou flag n’est pas exposée. Même certaines filles n’ont rien à envier aux hommes sur ce plan...

Plus de bars que mosquées

Un tour à Kédougou, on remarque forcément la présence de bars ou clandos dans chaque quartier. Il arrive qu’un quartier comporte deux à trois bars ou clandos. Des bars ambiancés par la musique guinéenne, une multitude de clandos dans tous les quartiers de la ville de Kédougou. Devenue une tradition chez certaines ethnies, la vente de boisson clandestine telles que « béssou, soum soum, bandji, kana » a presque fini de damer le pion aux autres boissons dans cette localité. Car cette boisson est vendue moins chère par rapport à la bière ou au flag. Un litre de « soum soum » ou « bandji » coûte 200 francs CFA, tandis qu’une bouteille de flag coûte 800 francs FCA. Malgré la traque des hommes du commandant Assane Niang, de la brigade de gendarmerie de Kédougou, les vendeuses de cette boisson ne démordent pas. Ce qui fait dire à un de nos interlocuteurs que la terre des hommes renferme plus de bars que de mosquées.

Maladies sexuellement transmissibles…

Au plan sanitaire, cette ville carrefour reste un lieu de risque pour ce qui est des IST/SIDA  avec les campements qui poussent comme des champignons. Pas moins de trois campements y sont construits dans chaque quartier de la commune. Le taux de prévalence dans la commune de Kédougou est de 2 à 3 pour cent, chez les 15 - 45 ans, entre 2006/2008.

Avec l’exploitation de l’or, le pire est à craindre

De l’or de Sabodala dans l'arrondissement de Saraya, au marbre de "très bonne qualité" que l'on trouve en "quantité industrielle" dans l'arrondissement de Bandafassi, en passant par le fer, l'or exploité de façon artisanale le long de la Gambie, notamment à Kérékourou, Mako et Tenkoto. A ces ressources géologiques s'ajoute la merveille des cascades de Dindifélo, et des sites d'un grand intérêt touristique. C'est dire que Kédougou est depuis quelque temps l’objet d’une ruée de beaucoup de personnes, et de tout sexe. L'insécurité gagne de plus en plus du terrain, surtout au niveau de ces zones aurifères, comme Tenkoto. Ce village, malgré ses 11 000 habitants et ses gisements qui attirent les convoitises, ne dispose d'aucun poste de police, et la gendarmerie n'y a jamais mené une opération pour sécuriser les populations. Ce village, est aussi dépourvu d’infrastructures de base. La prostitution y a atteint des proportions inquiétantes.

Une poudrière pour les IST/SIDA dans les zones aurifères

De l’avis de Dembo Sengoura, le tonitruant assistant du « Dougoutigui », des stratégies avancées de dépistage ont révélé pas mal de cas de VIH ou d’ IST, à l’ordre de 7 pour cent entre 12 et 45 ans, dont 35 pour cent reviennent aux étrangers. Une horde de prostituées clandestines de nationalités étrangères pour la plupart y exercent le plus vieux métier du monde. « Pour éviter l’explosion, nous sommes en train, en collaboration avec le médecin-chef du district de Kédougou, de monter un programme pour les ficher et les inciter à prendre un carnet de santé », précisera-t-il. Quand ? Personne ne saurait le dire. En tous les cas, il y a sur ce plan plus qu’une urgence signalée. Les zones aurifères du département de Kédougou constituent des lieux de propagation et de développement du Vih/Sida, affirme une étude faite par Ibrahima Sory Diallo de l’Ong "La lumière" basée à Tambacounda, et présentée récemment au cours d’un atelier d’information sur la pandémie.

Auteur: Assane Diallo (env. sp. Kédougo
Publié le: Jeudi 12 Juin 2008

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