La bataille ne se jouera plus uniquement à Dakar. Ce mercredi 16 juillet, le collectif d’avocats de l’opposition sénégalaise, représenté - en partie - par Me Oumar Youm et Me Amadou Sall, a dévoilé ses relais internationaux dans un hôtel de la place. Devant la presse nationale et étrangère, Me Antoine Vey, avocat aux barreaux de Paris et de Genève, a pris la parole au nom du cabinet Vey et Associés, désormais engagé aux côtés de ses confrères sénégalais dans une offensive judiciaire transfrontalière.
Il pose le décor : « Nous sommes des avocats francophones mais internationaux, qui venons prêter main-forte à nos confrères sénégalais… dans le suivi d’une quinzaine de procédures qui concernent d’anciens ministres, d’anciens dirigeants politiques, mais aussi des journalistes… mis en cause pour des délits qui paraissent constituer des entraves à la liberté d’informer ».
À l’en croire, plusieurs recours ont déjà été déposés devant les Nations unies et la Cour de justice de la CEDEAO. En ce qui concerne l’organe onusien, deux recours ont été présentés. Le premier vise la Haute Cour de justice du Sénégal, une institution qualifiée par l’avocat français de « largement contrôlée par une majorité politique qui peut dès lors s’affranchir, sous des mobiles partisans, des règles de droit et de leur application ». Le second a été porté devant le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU, en raison des conditions dans lesquelles certains détenus, selon le collectif, se trouvent privés de leurs droits fondamentaux. Par ailleurs, la Haute Cour de justice de la CEDEAO a aussi été saisie contre la Haute Cour de justice « dans ses procédures, dans sa composition et aussi dans l’impossibilité qu’elle offre aux citoyens d’exercer les voies de recours », comme le précise Me Amadou Sall.
Me Antoine Vey évoque des accusations « très peu étayées », qui reposeraient « sur peu d’éléments objectifs » et dont les intéressés, en détention pour certains, ne peuvent se défendre librement. À ce sujet, il précise que : « On veut pouvoir aller dans les dossiers pour assister nos confrères, pour se rendre compte de la réalité de ce qui est reproché ». La défense dénonce notamment l’absence d’accès complet aux dossiers et des violations du principe du contradictoire.
Au cœur des griefs, une justice perçue comme « politisée ». Me Antoine Vey se justifie : « Dès lors qu’une succession de hauts responsables politiques sont mis en cause judiciairement par une juridiction qui semble elle-même largement politisée, on peut craindre des instrumentalisations de l’appareil judiciaire à des fins de purges, d’épuration, de tendance à restreindre les droits civils et politiques ».
Cette bataille juridique internationale semble reposer également sur des éléments jugés inquiétants en matière de détention. L’avocat mentionne le cas d’un ancien ministre maintenu en prison malgré un rapport médical concluant à son inaptitude à y rester. « Quand une expertise médicale dit qu’une personne n’est pas en état d’être maintenue, elle devrait être libérée », dit-il.
L’avocat pointe « un climat régressif en termes de liberté » qui ne toucherait pas seulement les personnalités politiques mais aussi des journalistes et acteurs de la société civile. Le recours engagé vise, selon lui, à alerter sur un fait : « Des saisines massives d’autorités judiciaires qui ne présentent pas de garanties en termes de recours, de droit de la preuve et d’impartialité ».
Sans entrer dans les détails de chaque dossier, l’avocat exprime une inquiétude partagée par le collectif : « Certains dossiers sont en train de se terminer dans leur instruction, même si on a du mal à comprendre comment des dossiers aussi peu structurés pourraient être envoyés devant un tribunal ».
À ce stade, aucun des mis en cause n’a été condamné. « Ce sont des personnes qui sont mises en cause et qui ont besoin de pouvoir travailler avec leurs avocats pour publiquement contredire les accusations qui sont portées contre eux », insiste Me Antoine Vey. Il s’agit donc, selon lui, d’une question de respect des garanties fondamentales.
Quant à la portée de ces démarches, l’avocat rappelle que les Nations unies « opèrent un contrôle qui s’incarne par un rapport annuel sur l’état des libertés et le respect des droits humains » dans les pays membres. Ce rapport, ajoute-t-il, peut peser sur les décisions de coopération, les accords de développement et, plus largement, sur l’image internationale du Sénégal.
Ainsi, à l’heure où le Premier ministre Ousmane Sonko multiplie les déclarations publiques critiques à l’égard de la magistrature, les avocats internationaux s’en saisissent afin d’enrichir leur dossier. Selon Me Vey, ces propos « vont complètement dans le sens de ce que nous avons dénoncé aux Nations unies » et s’intègrent dans le faisceau d’éléments recueillis.
Le collectif n’entend pas mettre la pédale douce. Son action vise à garantir un traitement équitable des procédures en cours, dans le respect du droit, et à alerter sur ce qu’il considère comme un recul de l’État de droit.
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