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LE SUKËRU KOOR : Une pesante tradition qui divise

Auteur: Le populaire

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Le «Sukëru Koor» est une source de préoccupations pendant le Ramadan principalement pour les femmes. Si certains musulmans estiment que cette pratique est à perpétuer, d'autres trouvent que c'est tout simplement du pur gaspillage.
 
L'une des traditions les plus contraignantes pendant le Ramadan, le «Sukëru Koor» empêche de dormir, surtout les femmes. Pour elles, le fait de ne pas sacrifier à cette tradition peut passer pour un crime aux yeux de la belle famille. Raison pour laquelle, beaucoup estiment que c'est une bonne tradition à perpétuer. «Nos parents et grands parents s’adonnaient à cette pratique, c’est pourquoi je le fais. Ça fait partie de ce qui rend un ménage harmonieux. Car le mariage ce n’est pas seulement le mari, c’est aussi la belle-famille», explique Madame Ndiaye. Un avis que partage Fatou Diop, une jeune mariée : «Je fais tout mon possible pour donner le Sukëru Koor et je continuerai à le faire autant que possible». 
Les femmes ne sont pas les seules à soutenir cette pratique, des hommes aussi la défendent. «Personnellement, je trouve cette pratique tout à fait honorable. Et je la perpétue du mieux que je peux selon mes moyens, c’est une manière de faire l’aumône», soutient Ousmane Ndoye. 
Chauffeur de taxi, Ibrahima Fall avance les mêmes arguments : «Cette pratique fait partie de ma vie et je la prépare chaque année. C’est pourquoi je ne me fatigue pas trop. Je calcule tout avant l’arrivée du Ramadan». 
A contrario, pour d'autres, la disparition du «Sukëru Koor» ne fera que rendre service à tout le monde. «J’en ai marre de ce sucre de Ramadan. Ça me tue», peste Lamine Touré qui se plaint d'avoir dépensé 30 000 F Cfa en sucre, lait, dattes, «rien que pour faire plaisir à (sa) famille et (sa) belle famille». Foncièrement opposé à cette pratique, il indique, «ce sont les femmes qui l’imposent, il est temps que tout cela cesse car c’est du vrai gaspillage». 
Marie Claire Bâ aussi n'est pas favorable à cette pratique. «Le Sukëru Koor ni Dieu ni son Prophète Mouhammad (Psl) ne l’ont recommandé. Nous en faisons une obligation, une tradition qui n’est autre que du gaspillage rien que pour être au diapason». Selon elle, «les femmes se sentent obligées de le faire par crainte d’être réprimandées par la belle famille». C’est pourquoi elle trouve que, «c'est une pratique qui est devenue un grand souci pour les femmes mariées». 

EMPRUNTS BANCAIRES, TONTINES, ARGENT INITIALEMENT DESTINE A AUTRE CHOSE : Ces astuces des femmes pour faire face au «sukëru koor»

Tenant coûte que coûte à donner le «sukëru Koor» à leurs belles-familles, les femmes usent de toutes les stratégies : des prêts bancaires aux tontines en passant par le détournement de l'argent initialement destiné à autre chose. 

Jadis considéré comme un beau geste fait juste pour consolider des relations avec les parents et les proches, le «sukëru koor» est aujourd'hui complètement dévoyé pour finir par devenir un gros fardeau pour les femmes mariées surtout. Ni les contraintes encore moins la période de conjoncture n’y font quelque chose, les dames se débrouillent comme elles peuvent pour respecter cette tradition ruineuse. 

Aminata Sall: «Il m'arrive d’emprunter de l’argent, de dépenser des sommes qui devaient servir à autre chose…» 
Avec les nombreuses dépenses quotidiennes pendant le Ramadan et celles en vue avec la Korité, les maris ont d'autres préoccupations que de donner à leurs épouses de quoi assurer ce besoin. Ainsi les femmes ne peuvent dans l’écrasante majorité de leurs cas que compter sur elles-mêmes et se débrouiller. Et ce geste est aujourd'hui d'autant plus difficile que ce n’est plus seulement du sucre qu'on donne, mais aussi de l’argent, des boubous de valeur, des bijoux en or, etc. Tout ce qui peut faire plaisir à la belle famille n'est de trop. 
Trouvée au marché Hlm en train de faire ses achats, Aminata Sall, la trentaine confie être gagnée par l’angoisse et la peur de décevoir la belle famille à chaque fois qu’elle doit donner le «sukëru koor». Elle ne veut pas être la risée du voisinage. «C’est très dur actuellement avec les conditions dans lesquelles nous vivons. Dès fois, il m'arrive d’emprunter de l’argent, de me sacrifier, de dépenser des sommes qui devaient servir à quelque chose d'autre dans la famille», soutient-elle. 

Khady Babou: «Mon mari pense que ce sont des bêtises. Je suis obligée de me débrouiller seule. J’ai pris un prêt à la banque» 
De son côté Khady Babou avoue avoir dépensé beaucoup d’argent qu’elle a emprunté à la banque pour juste faire plaisir à sa belle famille. «Je ne peux compter sur personne. Mon mari ne m’aide pas, parce qu’il pense que ce sont des bêtises. De ce fait, je suis obligée de me débrouiller seule. C’est pourquoi j’ai pris un prêt à la banque», confie-t-elle. 
Consciente des difficultés qu'un tel phénomène fait peser sur elles, Khady Babou avoue son impuissance. «On n’a pas le choix». Contrainte de suivre aveuglément : «dans ce pays, les personnes ne peuvent pas comprendre que les conditions ne sont pas favorables pour gaspiller de l’argent». Visiblement éprouvée par le «sukëru koor», elle soutient : «je n’ai plus rien avec moi en ce moment. Je n’ai même plus de quoi acheter des habits pour la Korité à mes enfants». 

Mme Niang : «j’ai demandé à la gérante de notre tontine de me programmer durant ce mois» 
Des sacrifices, Mme Niang en a fait aussi pour faire face aux contraintes du «sukëru koor». «À l’approche du Ramadan, j’ai demandé à la gérante de notre tontine de me programmer durant ce mois pour juste le «sukëru koor». Parce que je n’avais pas d’autres solutions. Je savais qu’avec le peu que j’avais, je ne pourrais pas faire quelque chose de vraiment grandiose». 
Ne voulant pour rien au monde rater ce rendez-vous, elle va même jusqu'à solliciter sa mère quand elle n'a pas aucun autre moyen. Se refusant d'avancer ce qu'elle compte dépenser pour le «sukëru koor», elle se limite à dire, «c'est une somme importante qui pouvait servir à d’autres choses». 



CHANTOUM, BRODE COTON, PENJAB, CARREAU DE SUISSE, EL HADJI BARA : Des tissus à la mode pour le «sukëru koor»


Avec l'imagination très fertile, les femmes ne se suffisent plus du sucre, du lait, des dattes et des plats copieux pour faire plaisir à la belle-famille. Les tissus font désormais partie du lot de cadeaux qu'on offre durant le Ramadan. Et la tendance ce mois de jeûne, c'est «le chantoum», le «brodé coton», le «penjab», le «carreau de suisse» et «El hadji Bara». 
Le marché des Hlm V est un endroit très fréquenté par la gent féminine. En ce début d'après-midi de Ramadan, l'endroit bat son plein. Des tissus en tout genre sont exposés soit sur des étals ou des étagères de grandes boutiques. 
Devant un étal de tissus minutieusement rangés, se tient Astou Seck, une dame d'une trentaine d’années. Elle vient acheter des coupons de voile pour sa belle-famille. «En toute occasion, il faut faire plaisir à sa belle-famille. Le mariage au Sénégal c'est comme cela. J'ai déjà acheté des denrées, mais j'y ajoute des tissus. Pour ma belle-mère, j'ai acheté le brodé coton, un voile et pour mes belles-sœurs, le chantoum et le penjab», dit-elle. Un avis que partage Adja Sow, qui a choisi pour sa part «El hadji Bara» et «carreau de Suisse». Sur son choix d'offrir des tissus en guise de «suukaru koor», elle explique : «On a toujours offert du sucre, il faut changer parfois. Des tissus avec lesquels ils pourront aller à la mosquée pour prier». 
La vendeuse Ndoumbé Sène renseigne sur les prix :«Le brodé coton coûte 3000 le mètre. Les pagnes travaillés varient entre 10 000 et 25 000 francs. Ça a augmenté cette année parce que le prix du coton a haussé». Sur la bonne marche des affaires, elle ajoute : «La clientèle a augmenté bien avant le début du mois. Les femmes achètent pour leurs belles-familles. On aura plus de clients tout au long du mois». Son voisin Abdou Diouf indique pour sa part : «Les chantoum sont très prisés par les femmes et le prix varie entre 2000 et 30 000 francs. Elles viennent tous les jours acheter, c'est notre période faste». 
Mously NDIAYE - Ramatoulaye BA & Awa Dabo (Stagiaires)
Auteur: Le populaire
Publié le: Jeudi 18 Août 2011

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