(BFM Bourse) - Les cours de l'or ont franchi cette semaine la barre symbolique des 4.000 dollars l'once. Les tensions géopolitiques et économiques ont alimenté la demande pour le métal jaune, tout comme les importants achats des banques centrales. Parmi ces acheteurs, quels sont les pays qui ont le plus augmenté leurs réserves d'or en 2025? Et quelles sont les banques centrales qui en détiennent le plus?

En moins de deux ans, l'or connaît une progression étincelante, et ses cours ont franchi, cette semaine, pour la première fois le seuil symbolique des 4.000 dollars l'once.

À l'heure actuelle, les cours du métal précieux progressent de près de 50% sur un an, soutenus par une montée en puissance des tensions économiques et géopolitiques, elles-mêmes amplifiées par les mesures douanières de l'administration américaine. Ces incertitudes ont renforcé le rôle de valeur refuge traditionnelle de l'or. Ce qui alimente la demande.

"L'or reflète depuis longtemps les tensions économiques et politiques mondiales, son prix augmentant généralement en période d'incertitude accrue. Au lendemain de la crise financière mondiale, l'or a dépassé les 1 000 dollars. Pendant la pandémie de Covid-19, il a grimpé à 2 000 dollars. Plus récemment, dans le contexte de l'annonce des droits de douane par Donald Trump, il a dépassé la barre des 3.000 dollars", expliquent les économistes d'ING.

L'appétit pour le métal jaune a aussi été alimenté par les achats liés aux fonds indiciels (ETF) indexés sur l'or. "La semaine dernière, les fonds négociés en bourse adossés à l'or ont de nouveau progressé, portant le total des avoirs en ETF sur l'or à son plus haut niveau depuis septembre 2022. Il reste encore de la marge pour de nouveaux ajouts, étant donné que le total actuel reste inférieur au pic atteint en 2020. De nouveaux afflux pourraient pousser l'or encore plus haut", observent les économistes d'ING.

La demande a aussi été portée par les importants achats des banques centrales de pays émergents qui ont souhaité diversifier leurs réserves. "Dans un premier temps, cette tendance avait été motivée par les préoccupations des pays concernant les sanctions sur leurs avoirs étrangers à la suite des décisions des États-Unis et de l'Europe de geler les avoirs russes. Toutefois, cette tendance s'est transformée en une stratégie plus large de diversification des réserves en dollars et des avoirs en dollars", avait souligné UBS en février.

Alors quelles banques centrales ont été les plus actives sur les achats d'or cette année? L'équipe de Bestbrokers a compilé les données du World Gold Council (WGC) disponibles en septembre, ce qui lui a permis d’identifier les pays (plus exactement les banques centrales de ces pays) qui ont le plus augmenté leurs réserves d'or en 2025, ainsi que les États qui en détiennent le plus.

Le conflit ukrainien aux portes de la Pologne

Les banques centrales ont joué un rôle clé dans la montée du cours de l'or, puisque plusieurs pays ont continué d'augmenter leurs réserves d'or cette année. La Pologne a encore été le pays le plus actif en la matière, en augmentant sa réserve de 67,1 tonnes d'or depuis le début de l'année 2025, après avoir l'avoir gonflée de 89,54 tonnes d'or, soit une hausse de près de 25%, en 2024.

Bestbrokers rappelle que les tensions géopolitiques, notamment l'invasion de l'Ukraine par la Russie expliquent que la banque centrale du pays a dû jouer les fourmis. L'idée est d'envoyer un signal de confiance dans l'économie polonaise alors qu'un conflit majeur se déroule aux portes du pays.

"Si elle (une banque nationale) dispose de réserves importantes et d'une grande partie en or, cela signifie que le pays est fiable... et que c'est un pays dans lequel le commerce et l'investissement sont possibles", avait affirmé en 2024, cité par la télévision polonaise anglophone TVP World.

La Pologne aurait pu acquérir davantage d'or mais les prix élevés ont un peu freiné les montants achetés. Selon les données compilées par Bestbrokers, La "Terre des Champs" (surnom du pays) détient actuellement plus de 513,33 tonnes d'or (environ 21% de sa réserve totale) et se classe ainsi au douzième rang mondial pour ses avoirs en or.

En septembre, le pays a officiellement relevé son objectif de détention d'or dans ses réserves internationales à 30% du total, après avoir atteint sa précédente cible de 20%, explique le World Gold Council.

Après la Pologne, le Kazakhstan est le deuxième pays à avoir augmenter le plus ses réserves d'or, à hauteur de 32,4 tonnes en 2025. Le pays d'Asie centrale réactive sa politique d'achats de ce métal précieux, après en avoir vendu 10,2 tonnes en 2024.

La Chine n'a pas freiné son besoin insatiable d'or, et a ajouté pour 22,7 tonnes en 2025 à ses réserves déjà importantes. Ces achats portent les réserves officielles de la Chine à plus de 2.300 tonnes, consolidant ainsi sa position de sixième plus grand détenteur d'or au monde.

"La Banque populaire de Chine a prolongé sa série d'achats d'or en septembre pour le onzième mois consécutif, malgré des prix record", a observé ING.

La Turquie a continué à augmenter ses réserves en 2025 en achetant pour 19,5 tonnes d'or, après en avoir déjà acquis pour 77,4 tonnes l'an dernier. La République Tchèque, le Cambodge, le Qatar, le Ghana, l'Inde et la Serbie figurent également parmi les dix premiers pays acheteurs d'or.

À l'avenir, ING estime que les banques centrales continueront d'ajouter de l'or à leurs réserves, compte tenu de l'environnement économique toujours incertain et de la volonté de se diversifier par rapport au dollar américain.

L'or une "pierre angulaire"

L'étude de Bestbrokers s'est aussi intéressée au Kirghizistan qui a acheté 2,2 tonnes d'or en 2025, un montant qui est bien moindre par rapport aux 16,6 tonnes acquises par le pays en 2024.

"Ce ralentissement peut s'expliquer à la fois par les prix internationaux élevés et par une approche plus prudente en matière de diversification des réserves. Malgré tout, l'or reste la pierre angulaire de son portefeuille: les 40,3 tonnes détenues par le pays représentent désormais 64,4 % du total des réserves", expliquent les auteurs de l'étude.

En revanche, certains pays ont opéré le mouvement inverse en se délestant d'une partie de leurs avoirs en or. Certaines banques centrales ont tiré profit de la hausse des cours du métal précieux, qui sont passés de 2.629,95 dollars le 30 septembre 2024 à 3.825,30 dollars le 30 septembre 2025, soit une augmentation de 1.195,35 dollars. Elles ont pu être tentées de transformer l'or détenus en liquidités et prendre ainsi leurs bénéfices.

L'Ouzbékistan a par exemple vendu plus de métal jaune qu'il en a acheté, ce qui a entraîné une diminution nette des réserves officielles d'or de 16,8 tonnes."Ces transactions font de l'Ouzbékistan le plus grand vendeur net d'or cette année, ce qui témoigne d'un changement stratégique dans la manière dont il gère ses réserves", souligne l'étude.

"America First"

Les États-Unis restent le pays qui détient la plus grande réserve d'or au monde avec 8.133,46 tonnes. L'Allemagne et l'Italie suivent avec 3.350,25 tonnes et 2.451,84 tonnes. La France n'est pas en reste et dispose d'une réserve d'or de 2.437 tonnes, suivie de la Russie, avec 2.329,63 tonnes. La Chine possède 2.302 tonnes et la Suisse 1.039 tonnes.

Bestbrokers rappelle, au passage, que tous les pays ne déclarent pas leurs avoirs en or au Fonds monétaire international. Certains pays ne disposent que de très peu de réserves d'or, voire pas du tout.

Pour un pays en particulier, il s'agit même d'une anomalie. Le Canada est l'un des plus grands producteurs d'or au monde, mais il ne possède pas de réserves d'or. La Banque centrale du Canada ne considère pas l'or comme un actif aussi liquide que les titres du Trésor américain, par exemple.

"Notre système monétaire international est aujourd’hui suffisamment robuste pour que la détention d’un instrument de stabilité aussi antique et dépassé que l’or n’ait vraiment plus aucun sens", justifiait en 2022 l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, à Kitco News.

La Norvège est un autre pays qui n'a pratiquement pas de réserves d'or. En 2004, la Norges Bank a annoncé qu'elle vendrait toutes ses réserves d'or. Au total, sept lingots d'or et quelques pièces d'or ont été conservés à des fins d'exposition.

"Ces cas contrastent fortement avec la plupart des autres économies avancées, où l'or continue de représenter une part importante des réserves des banques centrales. Ils soulignent que toutes les grandes économies ne considèrent pas le métal précieux comme essentiel à leur stratégie de réserve, même les pays dotés d'une importante industrie minière comme le Canada ou de réserves historiques comme la Norvège", signale Bestbrokers.

Une "tendance qui a de beaux jours devant elle"

Pour ING, cette tendance haussière sur l'or "a encore de beaux jours devant elle". La banque néerlandaise cite comme catalyseurs une poursuite des achats des banques centrales et la guerre commerciale menée par Donald Trump. L'établissement néerlandais table aussi sur une hausse des avoirs des ETF et une intensification des anticipations de nouvelles baisses des taux de la Réserve fédérale américaine.

Ce qui l'a incité à revoir à la hausse ses prévisions concernant l'or. ING table désormais sur un prix moyen de 4.000 dollars l'once au quatrième trimestre, ce qui porterait la moyenne annuelle à 3.402 dollars l'once, avant d'atteindre un prix moyen de 4 150 dollars l'once en 2026.