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Témoignages: “Quand la lettre de convocation arrive, il y a deux options: se cacher ou mourir”

Auteur: 7sur7.be

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Russie et la lettre de convocation

“Hier, alors que nous étions en train de travailler, deux collègues ont été appelés pour se rendre au front”, raconte Valentin à Moscou. Depuis l’annonce de mobilisation partielle, de nombreux Russes tentent de fuir le pays. D’autres, incertains sur leurs sorts, transfèrent à la hâte tous leurs biens à leurs épouses ou familles. Nos confrères d’Het Laatste Nieuws ont pu s’entretenir avec quatre Russes, voici leurs récits. (tous les prénoms utilisés sont fictifs)
Depuis l’annonce de mobilisation militaire partielle lancée par Vladimir Poutine, la guerre contre l’Ukraine a pris un autre tournant pour les Russes. Aujourd’hui, des centaines de milliers de familles risquent de perdre leur fils, leur frère ou leur père au combat. Pour l’instant, impossible de connaître leur nombre exact; le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, parle de 300.000 réservistes, mais selon des documents divulgués obtenus par le journal russe indépendant “Novaya Gazeta”, ils seraient environ un million.
“Tout le monde risque d’être appelé, la loi est volontairement floue”, explique Valentin, un jeune moscovite qui vient d’obtenir son diplôme et qui travaille dans la capitale russe. “Échapper à l’armée est un sport national en Russie. Pour l’éviter, on suit une simple formation militaire technique. Sauf qu’en cas de mobilisation, quiconque ayant suivi une telle formation est également éligible pour aller se battre.”
Peu après le discours de Poutine, des manifestations anti-guerre ont éclaté dans 38 villes. “Notre bureau est dans le centre-ville. On pouvait entendre les cris et les coups de matraque depuis l’intérieur”, raconte Valentin. Dans tout le pays, plus de 1.300 manifestants ont été arrêtés par la police anti-émeute. Certains manifestants ont été placés sous mandat d’arrêt et ont été emmenés au commissariat militaire le lendemain.
“Hier, alors que nous étions en train de travailler, deux collègues ont été appelés pour se rendre au front”, raconte Valentin. “Leur contrat de travail a été rompu sur le champ. J’ai un autre collègue qui est un ancien militaire et qui pourrait, lui aussi, être appelé. Il en a peur, ‘Je ne veux pas mourir, j’ai une femme et une fille’, m’a-t-il dit.”
Des images filmées dans l’est de la Russie montrent des hommes disant au revoir à leurs proches et prêts à monter dans le bus.
Comme dans un film de guerre
Grâce à la télévision d’État, les Russes ont été confrontés à une réalité différente depuis le début de la guerre. De plus, jusqu’à présent, les soldats étaient principalement envoyés au front depuis les régions reculées du pays. Ainsi, pour de nombreux Russes, la guerre était une réalité lointaine. Mais aujourd'hui, le pays rentre dans une nouvelle réalité. “Ma mère soutient toujours la guerre, mais son compagnon est un vétéran, il peut aussi être rappelé. Elle réalise tout doucement qu’elle pourrait le perdre”, explique Valentin.
Ce dernier ne voit plus son avenir en Russie. “Tout m’a été enlevé. Cela me rappelle des scènes du film ‘1941'. Je ne veux pas de ça. Je pars pour la Géorgie dès que possible. Car lorsque la lettre de convocation arrive, il n’y a que deux options: se cacher dans les forêts sibériennes ou mourir comme chair à canon. Je pars avec quelques amis, ma mère ne sait rien. J’ai de la chance car mes employeurs sont anti-guerre, ils m'ont grandement aidé. Je reviendrai quand le régime de Poutine sera tombé.”
Katarina travaille comme assistante notariale dans un bureau de Moscou. On peut sentir la colère dans sa voix, racontent nos confrères. “Jamais auparavant je n’ai eu à traiter autant de procurations. Toutes proviennent d’hommes, jeunes pour la plupart, qui demandent à transférer tous leurs biens au nom de leur femme ou de leur famille pendant 10 ou 20 ans. Je ne sais pas s’ils le font parce qu’ils vont fuir ou parce qu’ils partent au front. Ce que je sais, c’est qu’il y en a de plus en plus. Je n’avais jamais vu autant d’hommes apeurés. L’un d’eux a même fondu en larmes sur mon bureau.”
Certains peuvent encore échapper à la mobilisation. C’est le cas de Mikhail, un jeune étudiant moscovite. “Pour moi, ça ne change rien”, explique-t-il. “Je pense que ce seront principalement les personnes pauvres des provinces reculées qui vont être en difficulté. Paradoxalement, ce sont les personnes qui soutiennent la guerre, mais qui ne veulent pas aller se battre. Tant que je suis encore étudiant, je ne suis pas éligible pour le service militaire. Je ne pense pas que Poutine veuille changer la loi pour envoyer des étudiants au front.”
Karel est également étudiant à Moscou. Il n’est pas très inquiet. “Oui, beaucoup de gens étaient sous le choc, c’est vrai. Mais dans ma région, personne n’a encore été appelé. Nous ne sommes pas si inquiets car en tant que futurs avocats, nous sommes protégés par l’État. Nous ne pouvons pas non plus exercer notre métier ailleurs, nous allons devoir apprendre à vivre avec la situation. Bien sûr, c’est horrible que tant de personnes meurent à cause du conflit, mais un jour, nous serons libres.” 
Auteur: 7sur7.be
Publié le: Vendredi 23 Septembre 2022

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