Le lycéen burkinabè qui a irrité Macron avec sa vidéo IA cherchait la fortune et n'a aucun regret
"Coup d'Etat en France", "des manifestants se sont rassemblés pour soutenir le colonel qui aurait pris le pouvoir hier", affirment quatre fausses journalistes françaises dans une vidéo générée par IA.
Cette infox publiée le 9 décembre sur TikTok, et peu après sur Facebook, a fait le tour de la toile, avec plus de douze millions de vues et des dizaines de milliers de mentions "J'aime".
Jusqu'à être évoquée mardi par le président français Emmanuel Macron lui-même lors d'un échange à Marseille, pour illustrer et regretter son incapacité à obliger Facebook à la retirer.
Derrière cette vidéo - depuis supprimée par son créateur - se trouve un jeune Burkinabè de 17 ans.
Contacté par l'AFP, il explique s'être mis à la création de vidéos IA "depuis l'année passée", grâce à une formation sur Youtube, et n'avoir vraiment lancé son activité qu'en octobre 2025.
Sa soudaine célébrité le surprend. "On parle de moi en France", "j'ai été contacté par des journalistes", du journal le Monde et d'autres médias, se marre-t-il dans une vidéo face caméra publiée sur sa page Facebook.
L'adolescent, qui souhaite rester anonyme, le confesse sans mal : son but premier était pécuniaire.
Élève dans un lycée professionnel en section "génie civil-construction", il n'est pas à proprement parler dans le besoin. "Grâce à Dieu je mange, j'ai un moyen de déplacement pour aller à l'école, mes parents prennent bien soin de moi", explique-t-il à l'AFP. Mais il en veut plus, pour avoir son "indépendance financière".
Après avoir vu "plein de pages qui font des millions de vues" et entendu dire "que TikTok paye de l'argent", il s'est lancé sur les réseaux sociaux "pour voir". Il a d'abord tenté des vidéos axées sur la motivation, mais a vite abandonné ce créneau, faute d'affluence. Avant de se mettre à la création d'infox par IA, qui génère plus de flux.
"Je n'ai pas encore eu beaucoup d'argent comme ça", indique-t-il. Sa page Facebook n'est pas encore monétisée, mais il touche un peu d'argent via TikTok. Normalement, l'Afrique n'est pas une région éligible au programme de monétisation de cette plateforme, mais il affirme avoir appris comment contourner cela.
Avec son infox sur le prétendu coup d'Etat en France, il dit avoir gagné la faramineuse somme de... sept euros.
Mais cette vidéo créée de toutes pièces est surtout une vitrine pour sa propre activité de formation en création de contenus générés par IA, dont il fait la promotion sur sa page Facebook.
"Y a des gens qui m'ont approché après cette vidéo, au moins cinq personnes depuis la semaine dernière", indique-t-il à l'AFP. Pour une heure de cours, il prend 7.000 francs CFA (10 euros).
La France est régulièrement la cible de désinformation, notamment en provenance de l'Alliance des Etats du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Tous dirigés par des militaires arrivés au pouvoir par des coups d'Etat à partir de 2020, les trois pays ont largement pris depuis leur distance avec l'ancienne puissance coloniale pour se rapprocher de la Russie.
La junte burkinabè, en particulier, est aussi devenue spécialiste des vidéos de propagande générées par IA, dont des faux clips de personnalités comme Beyoncé ou le pape Léon XIV chantant les louanges de son chef, le capitaine Ibrahim Traoré.
Elle dispose d'un groupe de cyberactivistes très influents qui relaient sa propagande sur les réseaux sociaux: les "Bataillons d'intervention rapide de la communication" (BIR-C).
Le lycéen interrogé par l'AFP n'appartient pas à ce groupe. Mais si ses motivations premières sont loin d'être politiques, il ne boude pas son plaisir d'égratigner la France au passage.
"J'ai aussi créé cette vidéo pour faire peur aux gens", indique-t-il. Il estime que certains médias ou figures politiques français ne donnent pas une vision juste de ce qui se passe au Sahel et diffusent des "fausses nouvelles", notamment récemment à propos du Mali en décrivant la capitale Bamako sur le point de tomber aux mains des jihadistes.
Si le régime a été en difficulté récemment, notamment face aux blocus de ses routes d'approvisionnement par les jihadistes, il n'a jusqu'ici pas été menacé au point de pouvoir tomber, selon des sources concordantes.
Les autorités françaises "ne regrettent pas de publier de faux propos sur l'AES", accuse le lycéen, "donc on ne va pas regretter de publier des choses fausses sur eux !".
Commentaires (0)
Participer à la Discussion
Règles de la communauté :
💡 Astuce : Utilisez des emojis depuis votre téléphone ou le module emoji ci-dessous. Cliquez sur GIF pour ajouter un GIF animé. Collez un lien X/Twitter ou TikTok pour l'afficher automatiquement.