Les mangroves de l'Afrique de l'Ouest, écosystèmes clés pour la biodiversité et la sécurité alimentaire des populations locales, sont menacées par la déforestation, la pollution et les changements climatiques. C'est le constat fait à l'ouverture du colloque TAMAO 2025 sous le thème « Télédétection appliquée à la cartographie de l’état et des dynamiques des Mangroves d’Afrique de l’Ouest : Vers la fin des controverses ? », organisé par l'École polytechnique de Thiès (EPT), du 18 au 20 décembre 2025.

« Notre projet vise à utiliser la télédétection pour étudier les dynamiques de ces écosystèmes et identifier les zones prioritaires pour la conservation », indique le comité d’organisation de cette importance rencontre consacrée à la préservation des mangroves, écosystèmes uniques, constitué, entre autres, des professeurs Julien Andrieu (université Nice Côte d’Azur), Ababacar Fall (École polytechnique de Thiès), El Hadj Balla Dièye (université Assane Seck Ziguinchor).

Selon eux, les mangroves sont de plus en plus ciblées par les politiques environnementales et les études scientifiques pour les « services » que ces écosystèmes rendent aux sociétés. Et, soulignent-ils, au nom du stockage du carbone et des autres contributions de la mangrove aux populations, elles sont étudiées, suivies et quelques-uns de leurs attributs sont mesurés.

Or, remarquent les universitaires, par «l’immensité de certaines forêts de mangrove et la faible motivation de la majeure partie des scientifiques à y pratiquer des recherches de terrain, la télédétection joue un rôle important dans ces études. Si bien que, en quelques années, 10 revues de littérature sur la télédétection appliquée aux mangroves ont été publiées».

Ces revues de littérature leur rappellent, disent-ils, que certaines méthodes sont plus efficaces que d’autres et mentionnent que, globalement, la télédétection des mangroves s’appuie fort peu sur le terrain. Or, la justesse des chiffres et des cartes, ou du moins l’estimation transparente des marges d’incertitude devraient être des domaines où la communauté rivalise d’intransigeance.

En Afrique de l’Ouest, ces défis sont particulièrement prononcés. La cartographie des attributs des forêts de mangroves souffre d’un manque de données issues de la télédétection et d’une faible transparence quant à la signification des réponses spectrales des objets cartographiés, souvent en raison d’un manque de travail de terrain. En outre, les études dépassant le cadre des simples cartes de surface des mangroves sont rares dans cette région.

Nos universitaires considèrent que malgré l'ancienneté des recherches et le volume important de publications sur la télédétection appliquée aux mangroves, les chiffres, cartes et conclusions varient largement en Afrique de l’Ouest. Ces disparités s’expliquent par des biais méthodologiques ou par une accumulation d'études très localisées qui ne permettent pas aux décideurs d’extraire des informations stratégiques à leurs échelles de décisions. Ces limites freinent également la théorisation des processus sous-jacents qui influencent les dynamiques observées.

Ils pensent que dans un contexte où les décideurs ont besoin de données fiables pour orienter les politiques de gouvernance, la communauté scientifique se doit de produire des données justes (faibles marges d’erreur et honnêteté dans leurs estimations) et accessibles (format convivial produit à des échelles correspondant aux attentes). En parallèle, un manque de discussions approfondies sur les processus écologiques et sociaux à l'œuvre empêche une contextualisation claire des résultats.

Pourtant, rappellent les chercheurs, la télédétection, grâce à son aptitude à couvrir de vastes zones, offre un potentiel unique pour identifier les invariants, comprendre les exceptions et rétrospectivement évaluer les dynamiques à l'œuvre. Aussi d'indiquer : toute proposition de contribution visant à améliorer les connaissances dans la télédétection appliquée aux mangroves est bien venue, avec en particulier des attentes sur un certain nombre d'objectifs.

À savoir : «Combler des lacunes de connaissances sur des mangroves peu étudiées ; débattre de choix méthodologiques réduisant les incertitudes ou permettant des avancées, incluant les méthodes de terrain et le bon usage de ces données dans l’estimation des marges d’erreur ; appréhender en toute transparence les discordances dans les chiffres et les cartes précédentes et tenter, par des études les plus robustes possibles de passer de l’incertitude à de l’information propre à l’aide à la décision ; explorer le potentiel de la télédétection pour aller au-delà d’une simple photographie des surfaces à un moment donné, en particulier vers une contribution vers le suivi de l’état des mangroves et la recherche des facteurs explicatifs des changements.»