Le Président de la République s’est adressé à la Nation le 3 avril 09 sur un ton non polémique, plutôt modérateur, conciliant et humble. Il nous avait habitués à tout autre chose. Les « événements » du 22 mars sont passés par-là.
En réponse au message du 22 mars, il a promis un changement en actes au peuple qui jugera lui-même. C’est déjà en soi un début de changement car autre temps cette promesse était enveloppée d’annonces de réalisations à effets nuls ou presque sur le quotidien réel des sénégalais. C’est surtout un aveu que son camp a perdu ces élections qui ont vu lui échapper 4 régions (Dakar, Kaolack, Fatick, et Thiès) qui concentrent 52% de la population et plus de 44% de l’électorat. Ses partisans préfèrent retenir la victoire en s’appuyant sur des chiffres aussi irréfutables : 48,5% de suffrages favorables (contre 27% pour le suivant immédiat), 10 sur 14 régions, 54 sur 104 communes, et 237 communautés rurales sur les 370. Ils perdent de vue 2 réalités pesantes : i) dans 131 circonscriptions dont une majorité de communautés rurales, ils étaient seuls en lice ; ii) les grandes communes de l’ouest perdues par eux comptent parmi les plus peuplées du pays.
Retenons donc avec le président qu’il s’agit d’un recul réel pour sa coalition et d’une percée notoire pour l’opposition ; le tout dans la surprise générale pour le camp du Sopi.
1 – Quelles sont les causes du recul du Sopi ?
Les versions sont différentes voire contradictoires. Pour les concernés c’est le résultat de votes sanctions auxquels ont appelé des responsables mécontents des investitures mauvaises. Ils invoquent aussi les effets de la crise multiforme qui a augmenté l’acrimonie des populations à l’égard du régime qu’elles tiennent « injustement » pour responsable. Enfin ils avancent l’argument de l’acharnement d’une presse hostile qui a pu jouer à détruire l’image des autorités auprès de l’opinion en déformant la réalité. Cependant l’idée d’une sanction des méthodes de gouvernance incarnées par le Président de République (y compris son implication incomprise dans la campagne électorale) est écartée d’un revers de main, et tous persistent à croire que l’électorat reste attaché à leur chef.
Hors de leur camp, l’idée répandue est que le peuple a sanctionné une arrogance paralysante pour les institutions de la République, accaparées par un seul groupe. Les tenants du pouvoir s’étaient illustrés ces dernières années par des actes de désinvolture caractérisée à l’égard d’un peuple qui a les mains liées par une Constitution votée à une majorité écrasante, qui autorise tout. Les exemples sont nombreux : la polémique des milliards des chantiers de Thiès a fini en eau de boudin, ii) les agresseurs de Talla SYLLA se lovent dans les lambris du pouvoir et/ou se pavanent dans les rues, iii) le commanditaire des saccages des journaux indépendants pavoise et ses nervis condamnés sont graciés avant même le verdict de leur jugement en appel ; iii) un président de l’Assemblée Nationale est renvoyé comme un quidam et des députés qui ont osé élever la voix sont chassés de l’hémicycle par leur homologue, neveu du Chef de l’Etat, et doué de la faconde d’un tribun ; iv) un fils du président sorti de nulle part, est lâché en direction du palais, avec fatuité et sans possibilité d’échec, muni de moyens publics d’un luxe jamais vu dans l’histoire politique de notre pays, etc.
Les élections présidentielles de Février 2007 ont enfoncé nos dirigeants dans l’idée erronée que l’éventualité d’un vote en faveur du camp adverse, au « bilan des 40 ans », n’est pas envisageable. Car « le peuple qui n’est point amnésique » va encore recaler cette opposition pendant au moins 50 ans, et par défaut les laisser au pouvoir. Le peuple leur a démontré que lui non plus n’est pas fou.
2 – Quelle leçon retenir ?
Sans chercher à situer le camp de la vérité, ce serait vain en politique, il faut espérer que le changement annoncé par le président portera sur les attitudes et les pratiques institutionnelles des gouvernants. Il est indéniable que le sentiment que les institutions et les lois sont piétinées par ceux qui sont chargés de les faire respecter, a envahi le cœur de bon nombre de sénégalais de tout bord politique. Le juridisme des talentueux théoriciens du régime pour démentir cette perception, ne fait qu’ajouter à ce dépit citoyen aux conséquences graves et incalculables. Il faut dorénavant poser les actes qui rassurent les citoyens quant à l’intangibilité des lois et institutions qu’ils se sont données pour vivre, s’épanouir et préparer l’avenir dans la dignité, la liberté et la sécurité tant individuelles que collectives.
3 – Quels actes sont attendus ?
Ce sont là en vrac quelques mesures phares, collectées auprès l’opinion, qui les juge de nature à décrisper et détendre le climat politique national, en vue de redonner confiance aux citoyens, les réconcilier avec leurs institutions et réhabiliter la parole publique.
4 – Est-on sur la bonne voie ?
Depuis son discours du 3 avril 09, le président n’a pas tenu de propos publics qui contredisent son intention de changer. Au contraire ses mots à l’endroit de l’opposition lors des obsèques de sa belle fille, charrient l’espérance. Il en est de même de sa récente décision de nettoyer le palais de sa pléthore de conseillers à l’utilité méconnue.
La grâce accordée aux délinquants jugés et condamnés dans l’affaire de l’AS et 24 heures Chrono, est venue tout remettre en cause.
En réalité cette analyse a utilisé ces élections locales comme un prétexte car l’écoute de nos dirigeants est favorable, mais elle resterait valable même en cas de plébiscite électoral. Car la République transcende les contingences politiciennes et électoralistes qui rythment la vie de la Nation.
Koul Bidjé MAHECOR
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