Touba sous les eaux : l’immobilisme coupable de l’État sénégalais (Par Dr Cheikhabdou Lahad MBACKE)
Touba, ville sainte et cœur spirituel du mouridisme, se transforme chaque saison des pluies en un théâtre d’horreur prévisible : maisons inondées, commerces noyés, écoles fermées, populations déplacées. Face à ce chaos récurrent, l’attitude des autorités publiques relève moins d’une incapacité technique que d’un immobilisme politique assumé — un choix lourd de conséquences pour des milliers de citoyennes et citoyens.
Un désastre annoncé — et toléré
Les inondations à Touba ne tombent pas du ciel comme un fait imprévisible. Elles résultent d’un enchaînement de causes connues : urbanisation rapide et non maîtrisée, construction dans des zones basses et inondables, absence de réseaux de drainage adaptés, et manque d’entretien des infrastructures existantes. Pourtant, année après année, l’État multiplie les discours compassionnels et les opérations de communication sans transformer les promesses en mesures pérennes. À force de privilégier le spectacle politique aux politiques publiques, les responsables font le pari cynique que la mémoire collective s’effacera d’ici la prochaine saison des pluies.
Quand la gestion de crise remplace la prévention
Le mode opératoire officiel est désormais routinier : photos, visites ministérielles, promesses de fonds « d’urgence », distribution d’aide immédiate — puis rien. Cette logique d’aléa permanent signifie que l’argent public est souvent consommé pour réparer les symptômes plutôt que pour abolir les causes. Construire des digues temporaires et pomper l’eau ponctuellement coûte cher et n’empêche en rien que, quelques mois plus tard, les mêmes quartiers replongent dans la détresse. C’est une politique de pansements successifs appliquée à une blessure ouverte.
Transparence et reddition de comptes : des mots vides
L’un des aspects les plus scandaleux de cette crise est l’opacité qui entoure l’allocation et l’exécution des budgets censés prévenir ou atténuer les inondations. Quelles sommes ont été réellement consacrées aux infrastructures de drainage et au foncier à Touba ? Quels appels d’offres, quels diagnostics hydrologiques ont été menés ? En l’absence de mécanismes crédibles d’audit indépendant et de participation citoyenne, il est légitime que la population suspecte le détournement d’efforts et de ressources — ou, au minimum, une grave incompétence administrative.
Le silence complice des autorités locales et nationales
La gouvernance de Touba se heurte à un double défaut : d’un côté, un État central qui externalise la responsabilité sans fournir les moyens d’action ; de l’autre, des autorités locales trop souvent incapables de s’imposer face aux logiques foncières informelles et aux intérêts particuliers. Ce double jeu laisse la population entre deux eaux — littéralement — et fragilise la confiance démocratique. L’absence d’un plan directeur clair pour l’urbanisme et l’assainissement de Touba est révélatrice d’un choix politique : maintenir le statu quo plutôt que d’engager des réformes potentiellement coûteuses politiquement mais nécessaires socialement.
Les victimes ne sont pas des statistiques
Derrière les chiffres et les communiqués se trouvent des vies détruites : familles qui perdent tout, enfants privés d’école, agriculteurs et petits commerçants ruinés. L’immobilisme de l’État n’est pas seulement une défaillance administrative ; c’est une violence sociale qui frappe disproportionnellement les populations les plus vulnérables. Laisser des quartiers s’enfoncer sous l’eau, saison après saison, équivaut à accepter une injustice structurelle.
Ce que l’on doit exiger maintenant
La gravité de la situation commande des réponses claires et non des formules creuses :
1. Transparence immédiate : publication détaillée des budgets alloués aux projets anti-inondation, des contrats, et des rapports d’exécution.
2. Plan d’urgence convertible en plan durable : passage d’actions ponctuelles (pompages, secours) à des investissements structurants (drainage intégré, restauration hydraulique, requalification des zones inondables).
3. Redevabilité politique : audits indépendants et sanctions administratives pour les dysfonctionnements avérés.
4. Participation citoyenne : inclusion des communautés locales et des autorités religieuses de Touba dans la conception et le suivi des projets.
5. Prévention : contrôle strict des permis de construire et relocalisation planifiée des zones à risque lorsque cela est nécessaire et socialement viable.
Conclusion
L’État sénégalais est à la croisée des chemins : continuer à gérer les inondations comme une série d’incidents isolés, c’est prolonger le cycle d’abandon et d’indignité pour les populations de Touba ; choisir la réforme, la transparence et l’investissement durable, c’est enfin respecter la dignité et la sécurité de ses citoyens. Les vagues qui submergent Touba ne sont pas les seules responsables des dégâts — il faut nommer l’autre source, tout aussi dangereuse : l’immobilisme, qui tue à petit feu la confiance publique et le droit à une vie décente.
Dr Cheikhabdou Lahad MBACKE
University of Maryland
School of Public Policy
Mbacke23@gmail.com
Commentaires (29)
Le problème de Touba est géophysique et structurel
Vous injectez des milliards mais la mal habitation est un fait
Désordre, anarchie.
Pas de politique préventive, ils attendent que l'eau arrive pour réagir.
Ils n'ont aucune solution.
C'est ça la vérité.
Vous savez qu à Touba bcp de maisons sont construites dans une zone non aedificandi, pourquoi vous ne donnez pas de digueul pour le respect du cote de l urbanisme
Quelle déception mais ceux qui savaient ne sont pas surpris.
Kheudd Voter, Ndoggou jubiler et passer cinq mois dans les eaux sans l'assistance des autorités.
Le ministre Cheikh Tidiane Diéye avait disparu quand les inondations ont commencé à être sérieuses à Touba. C'est du jamais vu.
Ni pendant le régime de Wade encore moins celui de Macky Sall, un ministre de l'hydraulique n'a fui ses responsabilités en pleine période de crise. Il a préféré aller en vacances et ignorer les populations.
Mais c'est bien fait pour les moutons de Pasteef
Il est maintenant nécessaire de s’appuyer sur des données chiffrées et fiables couvrant les dix dernières années, afin de réaliser une analyse approfondie. Sur cette base, il faudra, avec les populations locales, définir un plan d’action rapide comprenant :
La création d’un site et d’une base de données
La collaboration avec un chercheur à l’UCAD
La présentation d’un modèle opérationnel visant à éradiquer les inondations, incluant :
Analyse des données météo sur 10 ans (pluviométrie, crues, tendances climatiques)
État et capacité des infrastructures existantes
Moyens locaux disponibles pour la construction et la maintenance
Le coût d’un bassin de rétention
Son temps de construction
Sa capacité adaptée aux besoins identifiés
À court terme, il faudra également cartographier les bassins de rétention existants et identifier les zones critiques pour prioriser les interventions. Personne ne devrait subir les mêmes problèmes chaque année.
Serigne Abdou Lahat li.dou sa thieur. Ham nga li xew. Do ko wax. Yagui chi par parlo de dou sa thieur.
Quand les gens s'installent n importe où et comment, avez vous élevé la voix.?
En voila les conséquences.
Et le maire il fait quoi?
L Etat ne peut pas arrêter le ciel quand même.
C est dommage , vous etes complètement passe à côté .
Et je vous rappelle que je suis un. Talibe.
ET les terres qu on vend a Touba. D ailleurs vous avez entendu le porte Parole.Serigne Bass Abdou Khadre dire que certaines maisons dans certaines zones seront démolies
Il.fallait commencer par là
Une ville sans assise administrative claire
Contrairement à d’autres grandes agglomérations du pays, Touba ne dispose pas d’une organisation administrative classique. La gouvernance repose essentiellement sur l’autorité religieuse du Khalife général et des grandes figures de la communauté mouride. Ce modèle, respecté pour sa légitimité spirituelle et historique, montre toutefois ses limites face aux enjeux modernes d’urbanisme, d’hygiène publique et de mobilité.
Les inondations récurrentes, l’état des routes ou encore la gestion des déchets illustrent cette absence de planification urbaine structurée. Pour de nombreux observateurs, il devient urgent de repenser entièrement le mode de gestion de la cité.
Le paradoxe du Grand Magal
Chaque année, le Grand Magal de Touba attire des millions de personnes et en constante augmentation. Plus de six millions de pèlerins cette année et génère, selon les estimations, plus de 400 milliards de FCFA de retombées économiques. Cet événement religieux, pilier de l’identité mouride, est aussi un formidable moteur financier.
Mais une interrogation revient avec insistance : quelle est la part réelle de cette manne qui bénéficie directement au développement de la ville ?
Beaucoup estiment qu’une meilleure organisation permettrait de canaliser une partie de ces ressources vers des projets structurants, notamment l’assainissement, la voirie et les services publics.
Des solutions à portée de main
Avec un plan d’investissement bien pensé, mobilisant 400 milliards de FCFA annuelles sur deux ou trois ans, en partenariat avec de grandes sociétés disposant de l’expertise technique nécessaire, il serait possible de régler définitivement le problème des inondations. Une fois cette étape franchie, la ville pourrait engager un vaste programme de modernisation de ses routes, de ses équipements urbains et de son cadre de vie.
La nécessité d’une volonté politique et organisationnelle
Le constat est clair : Touba dispose des moyens financiers, mais souffre d’un déficit d’organisation et de gestion. Ce qui manque, ce n’est pas l’argent, mais une volonté politique affirmée et la mise en place d’une structure administrative compétente, capable de travailler aux côtés du Khalife dans une logique de développement durable.
Un système de taxation temporaire sur tout ce qui rentre dans la ville y compris les personnes, et bien encadré durant le Magal pourrait constituer une solution efficace. Les recettes générées seraient exclusivement consacrées à l’assainissement, aux infrastructures et aux services de base.
L’État, un acteur limité
Certains continuent d’espérer une intervention massive de l’État. Mais, compter sur le gouvernement pour résoudre les problèmes de la deuxième ville du pays relève de l’illusion. Les réalités historiques et religieuses de Touba font que sa gestion ne peut pas reposer entièrement sur l’administration centrale. De plus, les contraintes budgétaires nationales limitent fortement la capacité de l’État à investir à la hauteur des besoins de la ville.
Une responsabilité locale incontournable
Touba est aujourd’hui à la croisée des chemins. La cité dispose d’un potentiel économique et spirituel unique en Afrique de l’Ouest. Mais sans une organisation administrative solide et un plan de développement clair, elle risque de voir ses problèmes s’aggraver au fil des ans.
L’avenir de la ville dépend donc d’une prise de conscience collective et d’une volonté forte de ses autorités religieuses et locales de transformer cette puissance économique en un modèle urbain digne de son statut.
Docteur,
Vous AVEZ BIEN ENUMERE LES PROBLEMES CONCERNANT LES INONDATIONS A TOUBA MAIS L'ETAT N'EST PAS DU TOUT RSPONSABLE. QU'EST QUI CONTROLE PAR L'ETAT A TOUBA? SI VOUS VOULEZ UN FAUTIF VOUS DEVEZ RESPECTER TOUS LES SENEGALAIS ET CHERCHER AILLEURS.
L'ETAT EST IL RESPONSABLE DU PLAN D'URBANISATION DE TOUBA?
EST-IL RESPONSABLE DU PLAN D'ASSAINISSEMENT DE TOUBA ?
EST -IL RESPONSABLE D'UN EVENTUEL PLAN DE RESEAU D'EGOUT OU TOUT AUTRE PLAN DEVACUATION DES EAUX USEES ?
A TOUBA MEME LE MAIRE N'EST PAS ELU PAR VOTE MAIS PLUTOT DESIGNE.
L'ETAT A BON DOS MAIS S'IL VOUS PLAIT CHERCHEZ VOS COUPABLES AILLEURS PARCEQUE L'ETAT EST QUAND MEME AUX COTES DE TOUBA ET CHERCHE DES SOLUTIONS .DONC SI A VOS YEUX L' ETAT NE MERITE PAS DE MERCI ( DJEUREUDJEUF) SOYEZ AU MOINS ASSEZ GENTIL OU COURTOIS POUR NE PAS LUI JETER DES PIERRES. MERCI
Pensez aux souffrances des populations ici bas!!
Et Pourtant l,annee derniere, tout le monde a entendu le Ministre Cheikh Tidiane dire, devant l,incapacite' du gouvernement de remedier aux inondations, " Navet bi dou sounoup navet" Logique porr logique, si les hivernages n,appartiennent plus au Bon Dieu, cet hivernage appartient au regime Pastef
Cependant, l,etat n,est pas le seul responsable, et vous l,avez bien souligne' dans votre intervention ( mais, je l,ai deja dit, ceux qui vous attaquent, des que vous parlez de l,etat ne cherchent plus a' vous comprendre)
Le Maire devToub a' vie, Adou Lahad ka qui ne se soucie point d,une reelection, ne va non plus se soucier d,inondations
Touba est une Zone d,eau. Abdou Nguer disait que lorsqu,il y grandissait, tous les marigots ou' il se baignait , des maisons y sont contruites maintenant. Sans aucun doute un grand probleme d,assainissement, comme un peu partout dans toutes les grandes villes, du Senegal " toli thiep yi ak fepeu lagne tabakh ta ndokh dou bayi yonam"
C,est une honte, que le gouvernement, les autorites locales religieuses, les entrepreneurs, les hommes d,affaires, les hommes de bonne foi conjuguent leurs efforts pour combattre ce fleau des inondations Wassalam
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