Maintenant que le climat est plus serein, nous décryptons ‘l’affaire des voiles’ dans l’Enseignement catholique qui l’a mis sur la sellette de septembre à octobre. La polémique qu’elle a créée n’est pas encore finie car n’ayant pas été vidée à hauteur de sa résonnance sociale et médiatique. De fait, lorsqu’elles ne sont plus béantes, certaines plaies se sont mal cicatrisées. Les tentatives éparses d’explication et d’apaisement n’ont pas encore contenu toutes les incompréhensions et indignations.
Les gens avertis par expérience ou observation enseignent qu'il y a des questions que la délicatesse recommande d’aborder avec prudence et dextérité. La race, l'ethnie et la religion occupent le haut du pavé de ces sujets sensibles. Pas tabous. Leur sensibilité tient au fait qu'ils se rapportent soit à l'essence, à l’intégrité ontologique de l'individu soit aux raisons qu'il s'est données pour exister et espérer.
Les croisades au Moyen âge, l’esclavage et la colonisation, les génocides arménien, rwandais, la Shoa, le conflit israélo palestinien, l’Apartheid en Afrique du Sud, les attaques de journaux caricaturant le Prophète Mohamed, dont celles récentes contre Charlie Hebdo, etc. ont un fondement racial, ethnique ou religieux. Tous et tant d’autres qui ont jalonné l’histoire de l’humanité témoignent à suffisance de l’aveuglement et de la folie meurtrière qui peuvent s’emparer de l’Homme lorsqu’on porte atteinte à ces valeurs ou lorsqu’il veut légaliser un dessein hégémonique.
Or, dans ‘l'affaire des voiles’ dans l'enseignement catholique, certains organes de presse, qui semblent avoir ignoré, négligé et/ou méprisé ces sacro-saints principes, se sont encore essayés dans la pyromanie. Sinon comment comprendre qu’ils se soient livrés à toutes sortes de déballages, commentaires, hypothèses et conjectures sans avoir recueilli les versions des protagonistes, les informations nécessaires pour une analyse honnête, objective et crédible ?
Certaines de ces déclarations et commentaires ont jeté de l’huile sur le feu. Voici quelques-unes, classées en quatre thèmes. Des propos, déplacés, inopportuns : ‘Le 1er Président de ce pays est un des leurs ; la naissance du Christ est chômée et payée alors que le Maouloud célébrant la venue au monde de La Meilleure des Créatures le Prophète Mouhamed (Saw) ne l’est pas’. Des propos, calomnieux, peu véridiques : ‘Une institution bénéficiant d’une confortable subvention de l’Etat’ ; ‘Comment comprendre un tel mimétisme quand on sait le véritable tollé que pareille mesure a soulevé dans le pays de référence de ces messieurs de l’enseignement privé catholique : la France’. Des propos irrévérencieux, méprisants : ‘Le fallacieux prétexte’ ; ’Souffrez que de jeunes musulmanes puissent fréquenter vos écoles voilées comme le leur recommande leur religion !’. Des propos, agressifs, vindicatifs, martiaux, incendiaires : ‘C’est assez ‘fort de café’ ; ’Nous n’accepterons plus qu’une minorité impose sa loi à la majorité’.
Ces propos ont résonné si fort qu’ils ont noyé les voix qui appelaient à la retenue, à la responsabilité, au dialogue : ‘Arrêtons de mêler la religion avec la politique, il y a vraiment du feu, faisons bien attention! Nous avons un pays où les gens sont compréhensifs. Ne nous laissons pas emporter par les mal intentionnés. De toutes les religions révélées nous croyons en un seul Dieu. Que chacun respecte l'autre dans ce qu'il est et que la paix demeure au Sénégal’.
Il faut regretter que des journalistes, par manque de prudence, par amalgames, glissements et transpositions malheureux, aient donné une tournure polémique voire dramatique à cette affaire, créant un préjudice moral, un malaise socioreligieux entre les communautés musulmane et chrétienne. C’est pourquoi on ne peut s’empêcher de déplorer de tels agissements contraires au code déontologique de la presse. Mais que l’on se comprenne bien, il ne s’agit nullement de chercher un bouc-émissaire ou de jeter l’anathème sur les organes incriminés, encore moins sur toute la presse dont le travail d’information, très louable, démasque des turpitudes, des pratiques antédiluviennes en cours au 21e siècle. A ce propos, nous leur tirons une fière chandelle.
Nous leur reprochons plutôt d’avoir dilaté, maquillé ou aminci les faits, au point de les avoir déformés, avilis et rendus méconnaissables par rapport aux faits originels, biaisant ainsi la compréhension et l’analyse des lecteurs, des auditeurs et/ou des téléspectateurs. Nous leur reprochons d’avoir maladroitement donné une portée (inter)nationale à des faits ordinaires intra scolaires, d’avoir collecté des informations éparses pour en faire une seule trame. Alain de Pouzilhac a mis en garde contre la tentation d’embellir ou d’enlaidir les faits.
Dans cette affaire, trois établissements sont cités : les collèges Cardinal Hyacinthe Thiandoum, Anne Marie Javouhey et Louis Marie de Montfort. Le mercredi 14 septembre, l’affaire atteint son paroxysme. Il fait la ‘Une’ de la presse dans son ensemble. Une sorte de tir groupé. ‘Des hommes politiques et même d’église, des syndicalistes, sans recueillir des informations à la source, se lancent dans des communiqués et des commentaires dans tous les sens’. Beaucoup d’hystéries. L’occasion faisant le larron, le ministre de tutelle, avec le zèle qu’on lui connaît, se mêle aux joutes oratoires ‘allant même jusqu’à contester des parties du règlement intérieur de l’Onecs’. Le moment et le lieu sont-ils bien indiqués pour faire de telles déclarations ? Peu importe. Il faut masquer les innombrables et innommables problèmes qui gangrènent le système éducatif et détourner l’attention des Sénégalais.
Beaucoup de déclarations, de contrevérités : l’Enseignement catholique est islamophobe, les filles ont été renvoyées etc. Est-il nécessaire de préciser qu’un rappel à l’ordre ne signifie pas exclusion, qu’un renvoi définitif ne relève pas de la seule autorité du chef d’établissement, qu’il est prononcé par le conseil d’établissement sur la base de faits graves et établis, ayant généralement fait l’objet d’avertissements ? Faut-il oublier les discussions avec les familles concernées pour les inviter à se conformer au règlement intérieur, les médiations faites çà et là ?
Au collège Cardinal Thiandoum, cas le plus significatif, sur les 3 030 élèves que compte l’établissement pour la rentrée académique 2011-2012, il y a 1 500 filles. Seules 14 portent le voile, soit 0,009 %, autrement dit 9 filles sur mille. De plus, fait remarquer la direction, ‘la majorité des filles portant le voile sont au primaire’. Que faut-il en déduire ? Qu’il s’agit bien de cas isolés dont les motivations demandent encore à être élucidées. En effet, que dire et penser d’élèves ‘refusant de serrer la main de camarades de sexe différent, de s’asseoir à côté d’eux sur le même table-banc en classe ou sur le même banc dans la cour de récréation, refusant de se faire suivre ou immédiatement par eux dans les rangs, de faire la gymnastique dans la tenue de l’école sous prétexte de conviction religieuse, se regroupant et s’isolant dans la cour de récréation pour les mêmes raisons, et refusant le port strict de l’uniforme de l’école, toujours pour les mêmes raisons’ ? Mêmes des garçons adoptent certains de ces comportements singuliers.
(A suivre) Pierre Birame Ndour, Journaliste Consultant en communication
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