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LA FIN

Auteur: Souleymane Jules Diop

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« C’est toujours l’oppresseur, non l’opprimé, qui détermine la forme de la lutte. Si l’oppresseur utilise la violence, l’opprimé n’a pas d’autre choix que de répondre par la violence ».Nelson MANDELA

Il faut que les « wadistes » soient encore aveuglés par le pouvoir, pour ne pas voir que sous leurs yeux prend fin un épisode malheureux de notre histoire ; que les évènements qui s’enchaînent sont le signum d’une dictature finissante. Celle d’Abdoulaye Wade n’a pu prospérer qu’en abusant de la lâcheté des uns et de la passivité des autres. Beaucoup ont conspiré avec son système despotique pour le faire perdurer. Mais il s’est produit le 23 juin dernier un soulèvement qui a eu raison de ses dernières illusions de monarque. Sa candidature « déraisonnable » fait débat dans son propre parti et il peine encore à appliquer à Doudou Ndoye et Masokhna Kane la rigueur de la sanction infligée à Idrissa Seck. Ses députés et sénateurs demandent ouvertement son retrait et tiennent son fils responsable de tous leurs maux. Les imams, qu’il croyait avoir domestiqués avec ses billets de banque, ont fait preuve d’une grande indépendance, en lui demandant de se retirer de la course à la présidentielle. Les Sages du Conseil constitutionnel viennent eux aussi de trancher le débat sur leur compétence de façon surprenante et inusitée, à l’issue d’un séminaire qui n’a été qu’un prétexte pour rassurer les populations quant à leur détermination à faire appliquer la Constitution. Abdoulaye Wade comptait sur leur « incompétence ». C’est encore raté, et personne ne les voit se prononcer contre l’avis des constitutionnalistes qui ont rédigé la Constitution. Cheikh Tidiane Diakhaté, Jacob Ndiaye, Siricondy Diallo, Mohamed Sonko et Chimère Diouf savent qu’en rejetant la candidature d’Abdoulaye Wade, ils ne font pas que se conformer à la loi, ils entrent dans l’histoire. Ils mettent en même temps fin à une comédie sournoise, le « waxoon waxeet ».

Moustapha Sourang et Serigne Diop, sur qui comptaient les leaders de la Cap 21 pour monter leur prétendu « comité scientifique », ont refusé de s’engager dans cette manœuvre insensée et Iba Der a dû battre en retraite. L’avocat Amadou Sall, qui fait preuve d’une grande indépendance d’esprit, a lui-même assuré que les Sages sont qualifiés pour se prononcer. Il n’y a que quelques souteneurs zélés au sein de la mouvance présidentielle pour continuer à défendre une candidature à laquelle Abdoulaye Wade lui-même ne croit plus. Depuis plusieurs semaines, la nature elle non plus ne donne aucun répit au candidat fantôme. Il vit reclus dans ses appartements et tous les voyages qu’il entreprend finissent dans une clinique privée. Son petit pèlerinage avorté à la Mecque avait été présenté comme une « prouesse physique hors du commun », mais ses propagandistes peinent maintenant à entretenir le mensonge et avouent de plus en plus ouvertement que leur athlète de 88 ans éprouve quelques problèmes de santé. Il est en « repos de santé à Tanger », expression qu’ils ont inventée de toute pièce.

Nous aurions pu exprimer quelque compassion, si Abdoulaye Wade n’avait pas été le promoteur de ce régime brutal qui a envoyé en prison de nombreux innocents, détourné les ressources du pays au profit de sa famille. Avec un petit groupe, j’étais en train d’évaluer les dizaines de milliards qui ont été dilapidés par sa fille Sindiely dans le cadre du Fesman, et qui auraient pu être investis dans des logements sociaux et des écoles. L’Anoci était un plus grand scandale, ce que rappellent opportunément les télégrammes de Mme Bernicat.

 J’ai dit que son traitement aurait été différent, si Abdoulaye Wade avait fait preuve d’un peu plus de compassion envers son peuple. C’est toute la portée de la mise en garde que le khalife général des Mourides lui a faite, quand il est allé lui rendre visite avec sa cohorte de collaborateurs zélés pour obtenir son soutien. C’était aussi le contenu de la lettre que Cheikh Ahmadou Bamba avait adressée à Samba Laobé Fall. « Sache que le pouvoir que tu détiens actuellement en ce monde ne t'est parvenu qu'après avoir été soustrait des mains d'autres rois comme toi qui t'ont précédé », lui avait-il dit. « Je te recommande de toujours persévérer à assister les plus faibles, les pauvres et les nécessiteux, et de ne jamais tomber dans la tyrannie et l'injustice car tout homme injuste le regrettera un jour et tout tyran assurera sa propre perte », avait-il ajouté. Tout « mouride » qu’il prétend être, Abdoulaye Wade n’a tenu aucun compte de ces enseignements, qui auraient pu lui assurer une fin plus tranquille.

Je pense encore à Bara Tall et à tous ceux qui ont été injustement traités parce qu’ils ont refusé de soutenir sa tentative de se faire remplacer par son fils, faisant de tous ceux qui s’opposent à ce projet des coupables. Karim Wade continue d’investir d’énormes sommes dans des campagnes hasardeuses parce qu’il ne sait plus quoi faire. Mais il connaît bien le sort qui l’attend. Depuis que les tribunaux ont une compétence universelle, il n’y a plus d’abri sûr dans le monde pour se cacher. Son association de courtisans appelée « génération du concret » ne compte plus que quelques dizaines de zélés qui n’ont aucune prise sur les populations. Et s’il avait réuni toute sa camarilla pour le porter au pouvoir, un avocat vient de prouver qu’il se heurterait à la Constitution, en exhibant en public sa carte d’identité française. Les opposants et les journalistes emprisonnés, les milliards investis pour des chaînes de télévision, des radios, des journaux et des sites de propagande n’ont été d’aucune utilité et n’ont fait que nourrir la colère qui s’exprime maintenant dans la rue. 

Comment s’est-il laissé aveugler, au point de mettre sur chaque sénégalais un prix, traitant les magistrats d’esclaves ? Il a trouvé en face de lui un peuple sans doute passif, mais qui fait preuve d’une dignité exemplaire, quand l’histoire l’interpelle.  De tous ceux qu’il avait cru soumettre, il entend le même mot, « partez ». Il n’avait pas fallu autant de détermination qu’aujourd’hui pour faire tomber le Parti socialiste. Des prédicateurs annoncent le pire si sa candidature est écartée. Ils se méprennent sur la nature des despotes. Il ne sera plus rien quand tout le monde sera convaincu que sa fin est proche et il ne sera pas mieux traité que Kadhafi dans sa grotte ou Moubarak sur sa civière. Tous ceux qui le saluaient avec déférence ricanent maintenant quand il leur tourne le dos. La fin sera encore plus humiliante. Beaucoup se demandent pourquoi le Maroc, pourquoi Tanger, pour un homme qui passait ses vacances dans les stations thermales du lac Leman. Ils oublient que c’est dans cette monarchie du Maghreb que tous les despotes africains finissent leurs jours.

SJD

Auteur: Souleymane Jules Diop
Publié le: Jeudi 08 Septembre 2011

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