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Monday 18 August, 2025
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Le Magal, les médias et le buzz

Auteur: Mbaye Sadikh

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Le Magal, les médias et le buzz

Le grand Magal de Touba est un évènement religieux d’envergure. Et comme tout grand évènement, religieux ou pas, il y a l’envers et le revers. Cette année, ces deux aspects ont été manifestes, particulièrement dans la médiatisation, comme l’illustrent ce communiqué de la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP) et l’indignation d’un nommé Abdu Jaxate Saalihu.

Dans son communiqué, la BNSP, à travers sa Division information et relations publiques, a adressé ses vives félicitations et remerciements à la presse pour sa ‘’précieuse’’ collaboration.

« Par votre professionnalisme, votre rigueur et votre sens du devoir, vous avez permis, une fois encore, de porter haut et fort le travail de titan accompli par les soldats du feu. (…) En relayant avec justesse nos messages et nos actions, vous avez joué un rôle essentiel dans la réussite du dispositif sécuritaire et préventif mis en place », se félicite-t-elle.

La BNSP est euphorique au point d’adresser un poème à la presse :

Presse éclairée, sentinelle qui nous dresse,

hérault du vrai messager du savoir…

Mais de quelle presse parle alors la BNPS ? Certainement pas celle qu'Abdu Jaxate Saalihu voue aux gémonies. Dans une contribution, Saalihu accuse la presse people de saboter le grand Magal.

« Au lieu de mettre en lumière l’essence même de cet évènement spirituel, ils le détournent pour vendre du bruit et du spectacle. Pendant que les voix sacrées récitent le Coran, pendant que les disciples exaltent l’œuvre de Serigne Touba, la presse people braque ses caméras sur des chanteurs, des musiciens et des figures de divertissement, comme si le Magal était un festival de musique », s’indigne-t-il.

Cette année, il faut bien l’admettre, l’une des célébrités qui a capté le plus l’attention du public a pour nom, entre autres, Mame Ndiaye savon. Sur Internet, comme dans son domicile, elle a été l’une des attractions. Le nombre de tenues qu’elle a porté, ses bijoux en or, les victuailles chez elle ont été autant de faits largement commentés. Et c’est justement cet aspect du Magal qui intéresse certains médias, notamment la presse people.

À la Coupe d’Afrique des nations de 2002, rappelle un doyen de la presse, le quotidien "Tract" était présent au Mali pour couvrir ‘’Bamako by night’’. « Metsu et certains de ses joueurs allaient au Byblos, boîte de nuit chaude de Bamako. Le reporter de 'Tract' avait fait des papiers qui avaient fait du bruit. À ceux qui leur reprochaient leur couverture, les journalistes de 'Tract' avaient répondu qu'ils n'étaient pas venus pour couvrir la compétition ».

En vérité, il a toujours été comme ça, lors des grands évènements. Il y a, d’un côté, la presse classique venue pour l’évènement en tant que tel et, de l’autre, la presse people à la recherche de potins, sans que les frontières soient toujours étanches, puisque la presse dite sérieuse s’offre parfois des ‘’à côté’’ qui recoupent souvent les préoccupations de la presse people.

En fait, l’Homme a toujours été habité par ce que Ignacio Ramonet appelle « cette pulsion scopique de voir, d’observer, de mater ». Il s’agit de cette propension à regarder l’autre dans son intimité, surtout lorsque les fenêtres sont ouvertes et les lumières allumées. Avec l’avènement de la télévision et surtout de l’Internet, le contraire de la ‘’pulsion scopique de voir’’ s’est développé. C’est ce que Ramonet appelle le ‘’goût impudique de se montrer’’.

Désormais, les individus aiment exposer leur intimité. Depuis les émissions de téléréalité qui ont fait sensation et scandale jusqu’aux tiktokeurs et autres youtubeurs, la vie privée est de plus en plus exposée et le public semble encore plus intéressé.

Ainsi, la rencontre entre le désir de voir l’autre dans son intimité et la volonté de s’exposer au grand public constitue un terreau fertile pour de nouveaux phénomènes médiatiques. Ce qui était juste quelques émissions généralement très décriées de la télévision classique devient presque tout le programme de WebTv, chaines YouTube, comptes Tik-tok…

Il ne faut surtout pas oublier que les médias ne sont que le reflet de leur société. Ils peuvent, certes, avoir un effet amplificateur, mais à la base, il y a toujours les réalités sociales. Pour s’en convaincre, il suffit de placer deux tentes à 200 m à gauche et à droite de chez soi.

Tôt le matin, on commence par des récitals de Coran, on annonce une figure religieuse dans la journée et une sommité intellectuelle dans l’après-midi, toutes les deux pour des conférences sur des thèmes de société ou d’actualité. À 18 h, sans aucune annonce, on fait entrer les "bongomen" dans l’autre tente suivis des batteurs de tambours. Au bout d’une heure, le public des "bongomen" fera le double de celui des sachants.

C’est cette société du spectacle qui s’est traduit dans le Magal. Dans beaucoup d’endroits, on récite le Coran, on psalmodie les "khasaïds" de Serigne Touba, on prie, on organise des causeries. Mais tout cela, hélas, n’intéresse pas le grand public, en particulier les femmes et les jeunes. Leur attention se dirige plus vers Mame Ndiaye savon et ses semblables.

En définitive, on comprend parfaitement le cri de détresse d'Abdu Jaxate Saalihu. Mais à l’état actuel des choses, il a très peu de chances d’être entendu. À moins que les autorités politiques et religieuses trouvent un autre remède.

Auteur: Mbaye Sadikh

Commentaires (1)

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    AMBULANCHHHE il y a 3 heures

    33 morts/routes

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