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Monday 01 September, 2025
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Sénégal-Israël : Une nouvelle doctrine géopolitique

Auteur: Mbaye Sadikh

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« Le Sénégal exprime sa profonde préoccupation suite à l’attaque militaire israélienne contre la République Islamique d’Iran et l’escalade qu’elle a engendrée, au risque de déstabiliser toute la région du Moyen Orient, déjà confrontée à une situation conflictuelle dangereuse ». Ce passage d’un communiqué officiel du gouvernement du Sénégal n’est pas passé inaperçu du fait de sa teneur et du choix des mots. Certains n’ont pas manqué d’ailleurs d’y voir des similitudes avec des communiqués des Nations-Unies ou de la Cedeao qui expriment toujours une ‘’profonde préoccupation’’ ou ‘’une grande préoccupation’’. Autrement dit, une façon de ne pas prendre position.D’ailleurs, en conseil des ministres de ce mercredi 18 juin, il n’y a pas eu un seul mot sur cette confrontation entre Israël et l’Iran. Le président Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko ont préféré aborder des questions domestiques plutôt que des relations internationales.En vérité, le Sénégal semble s’inscrire dans une nouvelle doctrine géopolitique face à Israël. La guerre en Iran ne fait que confirmer cette réalité largement démontrée par la guerre à Gaza. Malgré le massacre, voir le génocide du peuple Palestinien organisé par l’armée Israélienne, l’État du Sénégal est resté très discret à ce sujet. D’abord avec le régime de Macky Sall. Ensuite avec le tandem Diomaye-Sonko. Certes le premier ministre Ousmane Sonko a pris part à une manifestation de soutien au peuple palestinien en août 2024. Il a même pris la parole pour critiquer vivement le premier ministre israélien. Sonko a aussi, lors de sa déclaration de politique générale en décembre 2024, rappelé la place du Sénégal en tant que président du Comité pour la défense des droits inaliénables du peuple palestinien.Mais depuis lors, les bombardements se sont intensifiés, n’épargnant ni enfants, ni personnes âgées, ni écoles ni hôpitaux et Sonko qui appelait à isoler l’État israélien est devenu aphone à ce sujet.A l’image de son premier ministre, le président Diomaye a très tôt apporté son soutien à la Palestine. A la tribune des Nations-Unies, il a dénoncé l’inaction de l’Onu. Diomaye a même considéré la situation en Palestine comme une "plaie ouverte sur la conscience internationale".Cependant, le Sénégal n’est jamais allé au-delà des discours. Et en plus, les autorités sont de plus en plus silencieuses sur la question. Soutien traditionnel de la Palestine depuis la présidence de Senghor, le Sénégal fait plus dans la realpolitik. Ainsi, Dakar semble avoir lâché la Palestine. Il est à noter d’ailleurs que le silence du Sénégal n’est pas que celui de l’État. Les autorités religieuses aussi sont inaudibles, en particulier les foyers confrériques et les associations religieuses. Idem pour les intellectuels, les médias et la société civile sénégalais. La question palestinienne n’a jamais occupé une place importante dans le débat public. Les quelques voies qui se sont élevées viennent d’une organisation de soutien à la Palestine. Pour le reste, c’est le silence.Coopération et opération de charme  Depuis des années, Dakar ne cesse de renforcer ses relations avec Tel-Aviv quitte à revoir ses positions traditionnelles sur la scène internationale. Mais pour être juste, il convient de dire que c’est Israël qui, depuis 2017 au moins, ne cesse de renforcer ses relations avec le monde arabe et des pays africains parmi lesquels le Sénégal.Comme l’a rappelé l’ambassadeur Cheikh Niang dans une tribune, « Israël y mène depuis plusieurs années une diplomatie proactive, notamment en matière de sécurité classique, de cybersécurité et d’agriculture ».Israël cherche aussi à développer ses relations commerciales avec le Sénégal. En août 2022, la Chambre de commerce Israël-Afrique et la Chambre de commerce d’industrie et d’agriculture de Dakar(Cciad) ont signé un accord de coopération dans ce sens. Un acte qui épouse parfaitement l’ambition de l’ancien ambassadeur d’Israël à Dakar, Ben Bourgel. « On peut faire plus pour permettre à des opérateurs économiques d’Israël et du Sénégal d’entretenir des relations. En tout cas, moi, depuis que je suis arrivé, je travaille à agrandir la taille des opérateurs économiques pour la région et pour le Sénégal », disait-il dans un entretien avec nos confrères du journal Le Quotidien en mai 2023.La coopération sécuritaire n’est pas en reste, mais elle est entourée d’un voile de discrétion. Le contrat d’armement de 45 milliards passé avec l’entreprise Lavie Commercial Brokers basée en Israël en est une parfaite illustration. L’ancien ministre porte-parole du gouvernement Abdou Karim Fofana, dans un communiqué, disait à propos de ce contrat : « Il a été approuvé par les services compétents de l’État, sous le sceau du ‘’secret défense’’ ». Pour sa part, l’ambassadeur Israélien au Sénégal est resté évasif sur ce point, malgré l’insistance des confrères du journal le Quotidien. « Si ces relations ont lieu, je pense qu’elles sont gardées secrètes », répond-t-il à deux reprises, sans un mot de plus.Israël mène aussi une offensive auprès des associations religieuses invitées souvent à faire le déplacement à Jérusalem ou ailleurs dans le pays. Son ambassade à Dakar fait des dons de moutons pendant la tabaski afin de rapprocher son pays de l’opinion sénégalaise favorable à la Palestine. Pourquoi pas dans ces conditions espérer l’ouverture d’une ambassade du Sénégal en Israël, comme l’ont exprimé deux ambassadeurs israéliens.Ces vœux des deux diplomates sont la preuve que les choses ont bien changé après moult initiatives dans des domaines divers comme l’agriculture, la santé, la sécurité, le social. Bref, tout un arsenal de soft power qui semble payer au vu de ce qui s’apparente à une neutralité de l’État du Sénégal qui affiche un soutien au bout des lèvres, très loin de la position tranchée de l’Afrique du Sud. Dakar ignore jusqu’ici les appels à rompre ses relations avec Israël. Le Sénégal a choisi la coopération à la solidarité internationale ou religieuse. Netanyahou peut donc attaquer l’Iran et perpétrer un génocide à Gaza, Dakar ne verra rien, puisqu’il a les yeux tournés vers la technologie, le savoir-faire et les solides soutiens de Tel-Aviv. 
Auteur: Mbaye Sadikh

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