Softcare ou la liste de Pape Thiaw pour la CAN
Maître Massokhna Kane, président de l’Association SOS Consommateurs, disait un jour que le Sénégalais est un consommateur difficile à défendre parce qu’il ne se mobilise presque jamais pour des causes liées à la qualité ou au prix des produits. L’affaire Softcare semble lui donner raison. Voilà un scandale d’une ampleur considérable, qui aurait dû susciter une forte mobilisation des Sénégalais, toutes catégories et professions confondues.
Selon les informations relayées par la presse, l’Agence sénégalaise de régulation pharmaceutique (ARP), à la suite d’une inspection, a constaté la présence de matières premières périmées dans le circuit de fabrication des couches et serviettes hygiéniques de cette marque.
Plus grave encore, un ancien responsable de l’entreprise aurait été licencié pour avoir signalé ces manquements, ajoutent les médias. Les faits sont donc suffisamment sérieux pour justifier une marche nationale, jusqu’à l’usine s’il le faut. Sauf si la justice s’en saisit et dit le contraire. Pourtant, cette affaire mobilise très peu les Sénégalais. Certes, les médias ont relayé l’information révélée par Libération, et elle est partagée et commentée sur les réseaux sociaux. Mais l’intérêt qu’elle suscite reste faible, comparé à d’autres actualités.
Ainsi, la liste publiée par le sélectionneur Pape Thiaw est déjà largement relayée dans la presse et abondamment commentée sur les réseaux sociaux. Jusqu’à la fin du week-end, et peut-être même au-delà, cette liste sera débattue dans les grandes places, les marchés, les maisons et les lieux de travail. Pourtant, quelle que soit l’issue de cette compétition sportive, son impact sur le quotidien des Sénégalais reste limité. Même une victoire du Sénégal à la CAN ne changera ni l’économie du pays ni son système de santé.
En revanche, une mobilisation citoyenne pour la sécurité du circuit de commercialisation des produits aurait un impact réel sur les prix, donc sur l’économie, mais aussi sur la santé publique. Malheureusement, les Sénégalais sont parfois prêts à passer la nuit dans le parking d’un stade pour un meeting, plutôt que de s’intéresser à des questions qui affectent directement leur quotidien. Dans quelle famille sénégalaise ne trouve-t-on pas un produit Softcare ? Cette marque s’est largement imposée sur le marché national. Un risque lié à ces produits concerne donc nos femmes, nos sœurs, nos nièces et nos enfants.
C’est pourquoi l’indignation, une fois devenue générale, devrait céder la place aux interrogations. Ces questions doivent être adressées aux organes chargés du contrôle des produits mis sur le marché. Que font-ils réellement ? Quelle est leur efficacité ? Quels moyens disposent-ils pour accomplir leur mission ? Voilà les véritables interrogations à soulever, au-delà des sanctions attendues contre Softcare.
C’est aussi l’occasion de dénoncer certaines postures irresponsables de la presse. Face à des accusations aussi graves, la réaction officielle de l’entreprise est indispensable. Elle a le devoir de s’exprimer directement auprès des Sénégalais. Ainsi, lorsqu’un article de ce genre apparaît sur Senenews, on s’empresse de le lire. Mais la déception est grande : le titre annonce que « la direction de Softcare se défend après le scandale des serviettes hygiéniques », laissant espérer une version officielle. Or, à la lecture de l’article, il est seulement question de « sources proches de l’entreprise ». De quoi tomber à la renverse.
Depuis quand, en journalisme, des « sources proches de l’entreprise » équivalent-elles à la direction de la société ? Cette légèreté avec laquelle une partie de la presse traite des dossiers ayant un impact aussi direct sur la vie des Sénégalais est à dénoncer. La presse doit rester du côté des plus faibles ; sa mission n’est pas de défendre les puissants. Hélas, elle s’éloigne chaque jour un peu plus de cette vocation.
Des sujets de cette importance méritent des plateaux spéciaux, des enquêtes de terrain, des déplacements sur site et un traitement approfondi avec l’appui de spécialistes, afin d’éclairer l’opinion publique. C’est à ce prix que la presse pourra regagner la confiance du public et retrouver ses lettres de noblesse.
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